Depuis plus d'un an, les refuges pour sans-abri de Montréal n'ont pratiquement jamais affiché complet, même par très grand froid. Des chiffres sur l'occupation des refuges, compilés par la Ville de Montréal, montrent que, excluant la Maison du Père, qui est presque toujours plein, les deux autres grands refuges ont toujours des places disponibles et leurs dortoirs ne sont parfois qu'à moitié remplis.

Depuis le 16 décembre, la Mission Bon Accueil a accueilli en moyenne 91 clients alors que le refuge a une capacité de 145 personnes. Les 35 places d'appoint dont s'est doté le refuge il y a quelques années sont, elles aussi souvent vacantes: le taux d'occupation moyen est de 15 clients. Même scénario à la Mission Old Brewery, où le taux d'occupation est de 217 clients, sur 237 places disponibles. Seule la Maison du Père affiche pratiquement toujours complet: les 150 lits du refuge étaient tous occupés 20 jours sur les 27 qui se sont écoulés depuis la mi-décembre.

 

Cette situation ne date pas de cette année: au cours de l'hiver dernier, les trois grands refuges montréalais n'ont pratiquement jamais affiché complet, sauf, encore là, la Maison du Père. Et cela, même par très grand froid: le 2 janvier 2008, il faisait -20 degrés Celsius. La Maison du Père était complète, mais la Mission Bon Accueil avait 60 places inoccupées.

Comment expliquer cette situation? «Il y a cinq ans, il n'y avait pas de porte de sortie de l'itinérance. Là, on a mis des choses en place. On a créé de nouvelles formes d'hébergement plus permanentes, souligne Cyrille Morgan, directeur de la Mission Bon Accueil. On travaille très fort pour qu'il y ait de moins en moins de monde dans la rue.» M. Morgan estime qu'en deux ans, au moins 150 de ses clients sont parvenus à sortir de l'itinérance.

Pourtant, on crée de nouvelles places

Pourtant, les trois grands refuges viennent de créer, en collaboration avec la Ville de Montréal, six nouvelles places de répit, qui s'adressent à une clientèle difficile, refusée par la plupart des grands refuges. Si un client est intoxiqué ou qu'il a un comportement agressif, les intervenants leur refusent souvent l'entrée. Ils sont «barrés» dans le langage du milieu.

«Depuis quelques années, j'avais des clients qui étaient barrés à vie dans les grands refuges, barrés pendant un an ou pendant plusieurs mois», observe Jason Champagne, chef du programme itinérance au CLSC des Faubourgs. Certains refuges peuvent exclure un itinérant parce qu'il sent l'alcool ou refuse de prendre sa douche, illustre-t-il. Il y a un an, une quinzaine de sans-abris étaient ainsi exclus de tous les refuges montréalais.

«Quand je suis arrivé en poste, certaines personnes pouvaient être barrées à vie. On ne fait plus ça. On suspend le service jusqu'à avis contraire et on révise les dossiers régulièrement. Le but, c'est de ''débarrer» les gens''«, dit Matthew Pearce, de la Mission Old Brewery.

Les places de répit sont donc utilisées pour héberger cette clientèle difficile pendant un maximum de 72 heures. «Ce qu'on espère, c'est qu'avec un séjour au centre de répit, ils vont se calmer et revenir ensuite aux services normaux», souligne M. Pearce.