La présence d'installations industrielles où sont stockés des explosifs et du gaz propane, sur le parcours du Train de l'Est, soulève des doutes sur la localisation d'une gare et pourrait forcer un changement de tracé de ce projet de train de banlieue de 400 millions de dollars, proposé par l'Agence métropolitaine de transport (AMT).

Les risques industriels auxquels pourraient être exposés les usagers du futur Train de l'Est, qui parcourra 51 kilomètres entre Mascouche et le centre-ville de Montréal, ont été jugés assez sérieux pour que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) y consacre la quasi-totalité de l'une des trois séances de consultation, tenues en décembre dernier, sur ce projet de l'AMT.

Le 9 décembre, un expert en analyse des risques industriels, Jean-Paul Lacoursière, a mis en doute la qualité d'une étude déposée par l'AMT, visant à évaluer les risques auxquels seraient exposés les usagers, en cas d'explosion d'un réservoir de propane situé à 270 mètres de la future gare de Mascouche.

M. Lacoursière, ingénieur, professeur associé au département de génie chimique de l'Université de Sherbrooke et membre de plusieurs organismes et comités internationaux sur la prévention des risques, a affirmé au BAPE qu'une étude de risque de l'AMT a été réalisée avec un logiciel datant des années 80, qui a tendance à sous-estimer le rayon d'impact d'une explosion de ce type.

Le 10 août dernier, une explosion est survenue dans le lieu d'entreposage de propane de la société Sunrise à Toronto. Un employé de l'entreprise a été tué dans la déflagration. L'accident avait aussi provoqué des dommages de plusieurs millions de dollars, en plus de forcer l'évacuation de 5000 personnes, vivant dans un périmètre de 1,6 kilomètre autour du dépôt. Les pompiers avaient mis plus de 30 heures à venir à bout du sinistre.

Or, selon M. Lacoursière, le volume du réservoir de la firme Sunrise était «de l'ordre de 6000 gallons». Celui de la société Inter-Propane, de Mascouche, peut en contenir 60 000, soit 10 fois plus.

Dans un entretien avec La Presse, le vice-président à la sécurité de l'AMT, Daniel Randall, a affirmé que le rayon d'impact d'une explosion qui surviendrait au site de la compagnie Inter-Propane de Mascouche serait de 170 mètres, alors que la gare sera aménagée 100 mètres plus loin.

M. Randall a aussi tenu à souligner que les trains de l'AMT resteront peu de temps en gare et ne seront donc exposés à un risque théorique que pendant quelques minutes par jour, au total. Selon lui, l'agence n'envisage pas d'éloigner cette gare du dépôt de propane, ou de la déplacer ailleurs.

Usine d'explosifs

Le tracé privilégié par l'AMT prévoit aussi que le Train de l'Est longera sur une distance d'environ un kilomètre les entrepôts sécurisés de la société General Dynamics, qui fabrique des munitions, au nord de Repentigny, depuis les années 40. Dans ce cas-ci, les enjeux de sécurité sont aussi importants pour le projet de l'AMT que pour l'entreprise, qui doit obéir à des conditions de licence très strictes pour entreposer ses munitions.

Or, malgré la réalisation d'une étude de risque par une firme spécialisée à la réputation enviable, Baker Risk, située au Texas, l'AMT a été surprise par une sortie du conseiller juridique de General Dynamics, M. Ronald Daigneault, qui ne présage rien de bon pour le projet.

«Même si on considère que le projet est réalisé avec de bonnes intentions , a déclaré M. Daigneault devant le BAPE, le 10 décembre dernier, on est un peu une victime, et on ne sait pas dans quelles mesures jusqu'à présent. Ressources Naturelles Canada n'a pas rendu sa décision finale quant à l'évaluation du rapport Baker.»

M. Daigneault a expliqué que la présence du train de banlieue à proximité des installations de General Dynamics, pourrait amener le gouvernement fédéral à réduire les quantités d'explosifs que l'entreprise est autorisée à stocker.

«Il y a un autre élément qui nous rend un peu incertains, c'est au niveau de la sécurité des passagers, a-t-il ajouté. On a pris connaissance du rapport Baker Risk. Présentement, on regarde la possibilité d'établir une contre-expertise.»

Les audiences du BAPE sur le projet du Train de l'Est reprennent ce soir, à Repentigny. Une trentaine de citoyens, d'associations et d'organismes publics et privés doivent présenter leurs mémoires sur le projet, ce soir et demain.