Les centaines de locataires de l'édifice de la rue Deguire, à Saint-Laurent, dont le garage souterrain s'est effondré mercredi ont pu regagner leur appartement hier, mais cinq minutes seulement, le temps de prendre quelques effets personnels. Les ingénieurs de la Régie du bâtiment du Québec inspectaient quant à eux les décombres du garage afin d'établir un plan d'action et de déterminer quand les sinistrés pourront rentrer chez eux.

Les locataires devront patienter jusqu'au début de la semaine prochaine avant de réintégrer l'immeuble de 17 étages. Et ce, même si le bâtiment en question a été jugé sécuritaire par les inspecteurs. Le hic, c'est que l'effondrement d'un étage presque complet du garage sur l'étage du dessous a provoqué l'interruption de plusieurs services, notamment l'électricité.

 

Les locataires, entassés hier dans le hall de l'immeuble, étaient exaspérés. On se serait cru aux urgences d'un hôpital. Des dizaines de résidants, le visage long, ont dû patienter plusieurs heures avant d'obtenir le droit d'aller récupérer des effets personnels. Ils avaient cinq minutes pour le faire, en groupes de sept, accompagnés d'un agent de sécurité muni d'une lampe torche.

Derrière une table, à l'entrée, deux employés de l'immeuble veillaient au déroulement des opérations à l'aide de la liste des locataires. «Je viens de donner mon nom et mon numéro de chambre et j'attends qu'on m'appelle. Qu'est-ce qu'on peut faire en cinq minutes?» a pesté Youssef Doha, 19 ans, venu chercher les médicaments de son père et son ordinateur portable.

Les locataires devaient emprunter les escaliers pour se rendre aux appartements puisque l'ascenseur était en panne.

Olteanu Aurica a donc dû grimper neuf étages à pied, après avoir fait le pied de grue debout durant trois heures. «Je suis agent de sécurité, je veux juste récupérer mon uniforme», a soupiré cet homme, qui a trouvé refuge chez des amis avec sa famille. «Je ne resterai plus jamais ici, ce n'est pas sécuritaire», a souligné M. Aurica.

Après quelques minutes, les employés et les agents de sécurité ont expulsé les représentants La Presse au motif que des locataires s'étaient plaints. En vérité, aucun ne s'était offusqué de la présence des journalistes, au contraire: plusieurs ont suivi La Presse à l'extérieur pour continuer à exprimer leur désarroi. «L'administration de cet édifice nous traite comme des animaux!» a lancé une locataire.

Son sac à bandoulière rempli du strict minimum, Tony Dibb a qualifié la situation d'effrayante. «Je n'ai aucune confiance envers les propriétaires, ils n'ont rien fait depuis l'achat de l'immeuble et ne veulent que notre argent.» Pour lui aussi, il est hors de question de retourner vivre au 135, rue Deguire.

La plupart des sinistrés ont été relogés temporairement à l'hôtel. En collaboration avec la Croix-Rouge, les propriétaires de l'immeuble ont assuré qu'ils allaient fournir l'hébergement et la nourriture aux locataires jusqu'à leur retour au bercail.

Un bouquet en hommage

Devant l'entrée du garage, des gerbes de fleurs ont été déposées en hommage à Mahamat Khazali Saleh, un livreur âgé de 36 ans mort dans l'effondrement.

Les ingénieurs de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) et ceux mandatés par le propriétaire de l'édifice se préparaient à retourner sur les lieux du drame. «Nous devons constater l'ampleur du travail pour consolider le bâtiment et nous assurer qu'une telle chose n'arrive plus, savoir si on peut rebrancher les services essentiels et sécuriser le garage pour poursuivre l'enquête», a énuméré Marjolaine Veillette, porte-parole de la RBQ.

Les deux bâtiments voisins, presque identiques à celui du numéro 135, ont aussi été inspectés. On les a jugés sécuritaires, mais leur garage est fermé jusqu'à nouvel ordre. «On a dû consolider celui du 155 parce qu'il montrait des signes de détérioration avancée susceptibles de mettre en péril la sécurité des gens», a expliqué Marjolaine Veillette.

La coroner Catherine Rudel-Tessier, qui a aussi entrepris son enquête, explique qu'il est trop tôt pour savoir s'il y a eu négligence dans ce dossier. «Est-ce une mauvaise construction, une mauvaise structure, un mauvais entretien? On ne le sait pas.»

Un inspecteur de la RBQ s'était rendu au 135, rue Deguire, en mai dernier, pour répondre à une plainte concernant des problèmes électriques. «L'inspecteur n'est jamais entré dans le garage», a assuré Mme Veillette.

Dans les derniers jours, plusieurs locataires s'étaient plaints du mauvais état du garage. Ils avaient signalé des fissures dans la dalle et des problèmes d'infiltration d'eau.

Propriétaire des lieux depuis 2005, Canadian Appartment Properties, une entreprise de Toronto, n'a toujours pas répondu aux critiques exprimées par ses locataires.