Après avoir reçu plusieurs plaintes de citoyens de Saint-Lambert depuis le mois de mai dernier, le ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR) a décidé de vérifier si l'administration de cette municipalité a commis des irrégularités.

Deux dossiers controversés, ceux du parc du Golf et du Country Club, sont à l'origine des plaintes. Le parc du Golf est une zone verte qui, malgré l'opposition d'une partie de la population, accueillera des maisons de luxe et un parc linéaire (voir texte ci-dessous). Les autres plaintes concernent le club de golf Country Club Montréal (CCM). Le renouvellement de son bail, qui n'arrivait à échéance qu'en 2030, place l'administration de Saint-Lambert au coeur d'un débat sur les conflits d'intérêt.

Mercredi, lors du dernier conseil, le maire Sean Finn a refusé de répondre aux questions des citoyens et des médias sur ces deux dossiers, au motif qu'il y avait «enquête» et qu'il n'avait pas encore pris connaissance des plaintes.

«Si on trouve des irrégularités, on enverra le dossier au procureur général, dit Louise Quintin, attachée de presse de la ministre Nathalie Normandeau. La direction générale du Ministère va nous soumettre son rapport, mais ce n'est pas un tribunal ni une cause en cours. Donc, à mon avis, le maire peut répondre aux questions quand même.»

Créé en 1910, le CCM, club «prestigieux» de 557 membres, est «formé de gens d'affaires et de professionnels», pour reprendre les mots de son directeur général, Michel Podeszfinski, dans la lettre qu'il envoie aux nouveaux membres.

La Ville a justifié la résiliation du bail par le fait que le CCM voulait faire des travaux depuis des années et que les « banques demandaient que le lien de propriété soit de longue durée », a dit la directrice générale de la Ville de Saint-Lambert, Michèle V. Lortie.

Mais les citoyens ont appris que le CCM allait bénéficier d'une baisse importante de son loyer annuel. Normalement, il devrait être de «50 000 $, valeur de 1986», soit environ 87 000 $, selon un des plaignants, mais la nouvelle entente l'abaisserait à 40 000 $, soit moins que le loyer d'un restaurant de la rue Victoria.

Pour un terrain de 3,2 millions de pieds carrés, soit 5 % de la superficie de la municipalité, d'aucuns ont trouvé choquante cette baisse de loyer, d'autant plus que, jusqu'à ce que Saint-Lambert soit fusionné à Longueuil, en 2001, le CCM n'avait jamais payé de loyer.

De plus, pour les années 2006, 2007 et 2008, la Ville n'a pas facturé de loyer, une perte que l'un des plaignants évalue à 240 000 $. La directrice générale de la Ville affirme que les impôts fonciers que paie le CCM depuis la défusion «tiennent lieu de loyer» jusqu'à ce que le nouveau bail soit signé.

Un des plaignants a écrit à la ministre Normandeau et à la Commission municipale du Québec que Saint-Lambert veut permettre au CCM de déduire ses dépenses d'immobilisation de son loyer à payer. Cela pourrait se traduire, selon lui, par une exemption totale de tout paiement.

Taxation résidentielle

L'évaluation foncière du terrain du CCM, de 5,1 millions en 2005, est passée à 2,4 millions en 2006 - une baisse de 52 %. Pourtant, terrains, maisons et golfs voisins ont pris de la valeur. Le terrain du CMM est évalué à 0,75 $ le pied carré, alors que celui du Parcours du cerf est à 2,25 $.

Des citoyens se plaignent par ailleurs que l'impôt foncier du club est établi au taux résidentiel, contrairement aux autres clubs de golf privés ou semi-privés de la Rive-Sud.

Un des plaignants dénonce le fait que l'impôt foncier et la taxe scolaire n'ont jamais été facturées au club entre 1973 et 2005. Il a fallu la fusion de Saint-Lambert à Longueuil pour qu'une facture soit envoyée au CCM. L'entente entre le CCM et la Ville contenait une clause d'exemption de taxes reconduite depuis 1973. Mais l'agglomération a rejeté cette clause, jugée illégale.

Des citoyens ont aussi soulevé des liens étroits entre la Ville et le CCM. La directrice générale de la Ville figure dans le répertoire 2008 des membres du club avec son mari, Pierre Lortie. Or, c'est elle que le maire a chargée négocier le renouvellement du bail. Michèle V. Lortie rétorque qu'elle n'est pas en conflit d'intérêts puisqu'elle ne se considère pas comme membre à part entière du club, mais membre conjointe. La Presse a constaté qu'un membre conjoint doit payer une cotisation annuelle de 2313,50 $ au club.

Le maire Finn et le conseiller municipal Bruno Burrogano sont aussi membres du CCM. Le conseiller municipal Philippe Brunet en est actionnaire, mais il dit que ses actions n'ont «aucune valeur marchande».

Le membre du CCM qui renégocie le bail avec la Ville est Robert Taylor : il était l'agent officiel du maire Finn lors des dernières élections municipales.

Le CCM n'est pas dans une situation financière florissante. Son nombre de membres diminue : 633 en 1998, 593 en 2001, 557 en 2007. Dans son rapport annuel 2007, sa dette est de 722 323 $ et son déficit de 110 121 $ a dû être comblé par une cotisation supplémentaire.

Des citoyens trouvent qu'on fait un cadeau au CCM alors que, en même temps, Saint-Lambert ne déneige plus tous ses trottoirs. De plus, un projet de Maison de la culture traîne depuis des années. Le conseiller Philippe Brunet a suggéré mercredi à Louise D'Aoust, qui se bat pour créer cette Maison de la culture, de demander aux Lambertois qui signent sa pétition de donner plutôt chacun un chèque de... 1000 $.