L'érosion des berges a pris des proportions alarmantes dans certains secteurs qui longent le fleuve Saint-Laurent, au point où un regroupement d'élus du couloir Sorel-Montréal réclame des mesures urgentes du gouvernement fédéral pour contrecarrer ce phénomène, a appris La Presse.

« On se fait manger notre terrain tous les ans et on ne peut rien faire, a dénoncé Roger Guérin, qui possède une maison au bord du fleuve à Verchères depuis trois décennies. J'ai perdu 1000 m2 depuis cinq ans, soit la moitié de mon terrain. C'est urgent. »

Le phénomène de l'érosion des berges, qui n'est pas nouveau, s'est aggravé de façon considérable ces dernières années, fait valoir le député bloquiste Xavier Barsalou-Duval, élu dans cette région. Il a envoyé la semaine dernière une lettre au ministre fédéral des Transports pour demander une « action concrète » dans ce dossier.

« Dans la dernière année, j'ai été interpellé par plusieurs citoyens qui sont venus me voir en me disant : j'ai mon mur [de protection] qui tombe, j'ai ma maison qui va tomber dans le fleuve, a souligné le député bloquiste. Les gens sont inquiets et me demandent ce que je peux faire pour les aider. »

Sa missive est cosignée par les maires de Lavaltrie, Sorel, Lanoraie, Contrecoeur, Varennes et Verchères, ainsi que par plusieurs députés du secteur. Ils blâment entre autres le fort volume de trafic maritime, la vitesse des navires et l'ouverture de la voie maritime en hiver pour expliquer la dégradation accélérée des berges.

Xavier Barsalou-Duval estime que la large coalition qu'il a réussi à assembler ajoutera du poids à ses demandes. Il exige un ensemble de mesures « concrètes » du ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, incluant la réfection et un meilleur entretien des murets aménagés le long du fleuve, de même qu'un contrôle plus serré de la vitesse des bateaux.

POURSUITE CONTRE OTTAWA

André Saint-Jean, qui habite depuis 35 ans au bord du fleuve à Verchères, se dit catastrophé par l'accélération de la dégradation. « C'est un phénomène qui a commencé il y a six ou sept ans et qui s'est vraiment aggravé l'an dernier, à tel point que mon terrain par endroits s'est affaissé de trois pieds sur une largeur d'une dizaine de pieds, avance-t-il. C'est comme s'il y avait eu un tremblement de terre suivi d'un affaissement de sol. Ça s'est fait tout d'un coup. »

Le citoyen attribue la situation à un « manque d'entretien » du mur de béton aménagé il y a plusieurs décennies par le gouvernement fédéral pour protéger les terrains des riverains.

Il s'apprête à déposer une poursuite contre Ottawa au palais de justice de Sorel, pour des vices allégués dans la conception de cette paroi.

LA PRÉFET INQUIÈTE

Suzanne Roy, préfet de la MRC de Marguerite-d'Youville, qui couvre l'essentiel du territoire concerné par l'érosion des berges, souligne que la situation a pris une ampleur jamais vue à la suite des fortes crues printanières de l'an dernier. Elle parle d'un « problème réel » qui « s'aggrave » en raison des changements climatiques. Elle exhorte Ottawa à mettre en place des mesures rapides.

« On pourrait songer à des programmes de soutien financier, d'accompagnement, a-t-elle fait valoir. Il faut aussi s'assurer que la vitesse maximale des navires soit effectivement respectée. »

Le cabinet du ministre des Transports Marc Garneau a confirmé à La Presse avoir bien reçu la lettre de Xavier Barsalou-Duval. On indique suivre l'enjeu de l'érosion des berges « de près ».

Une porte-parole de Transports Canada a pour sa part souligné que le phénomène est causé par plusieurs facteurs naturels, dont les glaces, les courants et les crues. « Certaines mesures ont été mises en place afin de réduire les effets du batillage des navires, dont des avis à la navigation en fonction des niveaux d'eau, la mesure de réduction de vitesse volontaire dans quatre secteurs entre Varennes et l'île des Barques à l'embouchure du lac Saint-Pierre, et le suivi continu, de jour comme de nuit, de la vitesse des navires », a-t-elle précisé.

Le Ministère affirme que le taux de conformité aux limites de vitesse est de 99 % dans ce secteur.

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LA FAUTE DU TRAFIC MARITIME ?

Le trafic maritime n'a pas augmenté, mais a plutôt diminué ces dernières années dans le couloir fluvial Sorel-Montréal, a indiqué en entrevue Daniel Dagenais, vice-président aux opérations du Port de Montréal. Le nombre de navires s'est élevé à 3990 l'an dernier, contre 4535 en 2007, mais la taille moyenne des bateaux a augmenté. Il cite un ensemble de facteurs naturels, comme les crues printanières record, le vent et les glaces, pour expliquer l'érosion dénoncée par plusieurs élus de la région. « Je ne dis pas que la navigation commerciale n'a pas une part de responsabilité, mais ce n'est certainement pas le seul facteur », a-t-il résumé. M. Dagenais soutient par ailleurs que la construction d'un nouveau terminal du Port de Montréal à Contrecoeur, estimé à 750 millions de dollars, entraînera seulement la venue de deux ou trois navires supplémentaires par semaine « lorsqu'il sera à pleine capacité ».

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

André Sait-Jean, citoyen de Verchères dont le terrain donne sur le fleuve se dit catastrophé par l'accélération de la dégradation des berges. Il attribue la situation à un « manque d'entretien » du mur de béton aménagé il y a plusieurs décennies par le gouvernement fédéral pour protéger les terrains des riverains.