La construction d'un port pétrolier à Cacouna pourrait être compromise, a indiqué le premier ministre Philippe Couillard, hier.

TransCanada a annoncé lundi avoir mis sur la glace cette composante du projet Énergie Est, après qu'un comité fédéral eut désigné le béluga comme une espèce « en voie de disparition ». Le premier ministre a laissé entendre que ce rapport pourrait forcer l'entreprise à chercher un nouveau site.

« Il m'apparaît difficile de continuer à prévoir un site de port pétrolier avec une information de cette sorte, a déclaré M. Couillard. Maintenant, c'est au promoteur de décider d'aller vers des sites alternatifs. »

Le port de Cacouna se situerait dans une zone de reproduction du béluga. Selon les documents produits par TransCanada à l'ONÉ, 175 pétroliers y transiteront chaque année.

En matinée, le Parti québécois a pressé le gouvernement Couillard de refuser de renouveler le certificat d'autorisation de TransCanada pour forer au large de Cacouna.

« Si le Québec est cohérent, si le Québec applique le principe de précaution dans la Loi sur le développement durable, je pense que le Québec ne doit pas autoriser les travaux à la hauteur de Cacouna », affirme le député péquiste Sylvain Gaudreault.

Les forages exploratoires de TransCanada sont suspendus depuis la fin septembre. La compagnie était en pourparlers avec Québec depuis des semaines pour corriger un problème de bruit, mais elle n'a pu faire approuver son plan correctif avant l'expiration de son certificat d'autorisation, dimanche.

Les sables bitumineux exclus du BAPE

M. Couillard a par ailleurs affirmé que l'évaluation environnementale de Québec sur le pipeline Énergie Est ne tiendra pas compte des émissions de gaz à effet de serre découlant de l'extraction du pétrole bitumineux en Alberta.

« Quel que soit l'avenir du projet de TransCanada, l'extraction aura lieu, a expliqué le premier ministre. Donc, ça n'ajoute rien au débat de regarder cet aspect-là, qui est déjà bien connu et discuté nationalement et internationalement. »

Cela veut dire que ni Québec ni Ottawa n'étudieront l'impact de l'acheminement quotidien de 1,1 million de barils de pétrole albertain sur la production de GES en amont. L'Office national de l'énergie, l'organisme fédéral chargé de réglementer le projet, ne se penchera pas sur cette question non plus.

Les écologistes ont promptement dénoncé la décision de Québec. Le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, reproche au gouvernement libéral d'adopter la même approche à l'évaluation environnementale que le gouvernement Harper à Ottawa.

« Si le Québec veut être un leader climatique, il ne peut jouer à l'autruche et ignorer les 30 millions de tonnes de GES supplémentaires que ce projet générera en Alberta en raison de l'expansion de la production de pétrole bitumineux. »

Québec a imposé sept conditions à son appui au projet de 12 milliards, lesquelles ont été reprises par le gouvernement de l'Ontario.

M. Couillard rencontrait hier son homologue albertain, Jim Prentice, pour discuter du projet. M. Prentice a révélé avoir demandé des explications à son vis-à-vis au sujet de l'étude québécoise des émissions de GES.

« L'évaluation dans laquelle le Québec s'est engagé touche le pipeline lui-même, ce qui était ma compréhension avant la rencontre, a-t-il déclaré. Je suis heureux que nous soyons sur la même longueur d'onde à cet égard. »

Un rapport du département d'État américain sur le projet d'oléoduc Keystone XL a conclu que cet oléoduc, de taille comparable à Énergie Est, aurait un effet marginal sur les émissions globales de GES. La raison : même sans sa construction, le pétrole albertain serait exporté ailleurs.

Le rapport notait en revanche que l'extraction du pétrole bitumineux était 17 % plus polluante que celle du pétrole traditionnel lorsqu'on tient compte de l'ensemble du cycle de production.

L'industrie des sables bitumineux est à l'origine de 9 % des émissions canadiennes de GES.