Des milliers de citoyens ont manifesté dimanche après-midi à Sorel-Tracy, en Montérégie, afin d'affirmer leur opposition au projet de manutention de pétrole brut venant de l'Ouest canadien sur les berges du fleuve Saint-Laurent.

Des artistes, des politiciens de plusieurs formations politiques et des citoyens ont livré de vibrants discours contre ce projet au début et à la fin d'une marche de quelques kilomètres qui s'est déroulée sur la route 132. La députée de la circonscription de Vachon et candidate à la direction du Parti québécois (PQ), Martine Ouellet, qui participait à la manifestation, a affirmé que l'ensemble de ses collègues croyait que « ce projet n'a pas de sens ni en matière économique ni en matière environnementale. »

« Je travaille sur ce dossier depuis cet été, quand les trains [transportant du pétrole] ont commencé à circuler sur la Rive-Sud. Avec tous les rapports qui blâment Transport Canada, et constatant qu'il n'y a pas eu de modifications sur les contrôles et les suivis, tout ceci est très inquiétant », a-t-elle affirmé.

« Des projets comme transformer le fleuve en autoroute d'exportation du pétrole n'ont pas de sens. Il n'y a aucun intérêt économique, mais tous les risques environnementaux », a-t-elle poursuivi.

Cette opinion est aussi partagée par l'écologiste et cinéaste Jean Lemire, connu pour ses expéditions à bord du navire Sedna IV.

« Notre fleuve, c'est ce qu'on a de plus précieux. Ce projet n'amène pas de développement économique, alors je ne comprends pas pourquoi on fait ça. Les États-Unis ont dit non, la côte ouest a dit non, mais nous disons oui sans exiger des redevances ou quoi que ce soit? », s'est questionné M. Lemire.

« Le Saint-Laurent est probablement un des tronçons fluviaux les plus difficiles à naviguer au monde. Je le sais, car je passe ma vie sur le fleuve. C'est un écosystème extrêmement fragile », a-t-il ajouté.

« Des retombées pour toute la région »

Cette critique très sévère du projet de manutention de pétrole brut n'est toutefois pas bien reçue par la compagnie Kildair, qui a défendu dimanche après-midi que son projet est sécuritaire et génère des retombées économiques positives pour les citoyens de la région soreloise.

« Ce projet impliquant les entreprises Kildair, Suncor et le CN, a un impact positif réel sur l'activité économique [de la région]. Nous en sommes très fiers. Cette fierté est également accompagnée d'une immense responsabilité à l'égard de la sécurité de nos opérations, une responsabilité que nous avons toujours prise très au sérieux », a affirmé le président-directeur général de Kildair, Daniel Morin.

Dans un communiqué, M. Morin a aussi rappelé que le transport de pétrole brut sur le Saint-Laurent était une opération en cours depuis maintenant des décennies. Si sa compagnie reçoit près de 100 navires chaque année à son quai de Sorel-Tracy, le projet actuel ferait augmenter ce nombre d'environ 25.

« À la suite d'un investissement de plus de 30 millions de dollars, nous avons remis les réservoirs à niveau, installé une rampe de déchargement de wagons-citernes moderne, parmi ce qui se fait le mieux au monde. [...] Les deux tiers de cet investissement se sont traduits par des travaux effectués par des firmes locales et régionales », a affirmé M. Morin.

Mais ces arguments n'étaient visiblement pas assez convaincants aux yeux de ceux qui sont venus manifester.

« C'est essentiel de protéger le fleuve et nos écosystèmes, mais aussi de se mobiliser contre les sables bitumineux en général. En ce moment, l'expansion de cette énergie sale est bloquée à l'ouest et au sud. Il ne reste plus que le Québec. Si on réussit à bloquer sa sortie, on bloquera aussi l'émission de milliers de tonnes de gaz à effet de serre », a affirmé la sociologue et fondatrice d'Équiterre, Laure Waridel.