La justice américaine a donné raison mardi au groupe pétrolier Chevron qui estimait que le jugement équatorien lui ayant infligé une amende record de 9,5 milliards de dollars pour pollution était entaché d'irrégularités.

A l'issue de six semaines d'audience, le juge de district new-yorkais Lewis Kaplan estime en effet que les avocats des plaignants ont corrompu le juge équatorien chargé de l'affaire et ont falsifié certaines preuves.

Les quelque 30 000 plaignants, regroupés au sein du Front de défense de l'Amazonie et soutenus par leur gouvernement, ont annoncé dans un communiqué qu'ils faisaient appel «immédiatement».

En attendant ils ne pourront pas demander aux États-Unis de saisir les actifs de Chevron, qui s'est refusé jusqu'à présent à les indemniser et a porté l'affaire devant un tribunal d'arbitrage international de La Haye, dénonçant la corruption de la justice équatorienne.

Les prochains rounds vont se jouer devant les tribunaux brésilien, argentin et canadien devant lesquels les plaignants cherchent à obtenir la saisie des actifs de la major, a confié à l'AFP leur porte-parole Han Shan. Ce qu'a confirmé celui de Chevron, Morgan Crinklaw, soulignant que le géant pétrolier n'avait pas d'actif «important» en Equateur.

Mardi, tout en se réjouissant de cette «victoire éclatante», le pétrolier a voulu accentuer dans la foulée son avantage, en expliquant qu'il allait faire traduire dans différentes langues le jugement new-yorkais.

«Une décision sur 500 pages parlant d'irrégularités devrait avoir des conséquences collatérales dans d'autres juridictions», ajoute M. Crinklaw. 

Comme à Hollywood 

Pour le juge Lewis Kaplan, qui dit s'appuyer sur plus de 37 témoignages et avoir examiné des milliers de preuves et documents, l'avocat new-yorkais des plaignants, Steven Donziger, a outrepassé la loi.

«Cette affaire est extraordinaire», écrit-il dans sa décision. «Les faits sont nombreux et parfois complexes. Ils incluent des choses qui relèvent normalement d'Hollywood».

Et de citer en vrac des courriels codés entre Me Donziger et ses collègues décrivant leurs tactiques d'approches des juges équatoriens, la désignation d'un «pseudo expert neutre».

Il s'en prend à la jeunesse du juge équatorien «qui était si inexpérimenté et mal à l'aise au civil qu'il a demandé à un autre juge (...) de rédiger un brouillon du jugement pour lui», s'étonne M. Kaplan.

Me Donziger et ses clients «ont soumis des preuves falsifiées. Ils ont exercé des pressions sur le juge pour faire nommer par le tribunal un supposé "grand expert" impartial pour évaluer les dommages», fustige encore le juge new-yorkais.

Pour lui, «la question n'est pas de savoir si Chevron a pollué ou pas il y a plus de 20 ans, mais plutôt si le jugement a été obtenu par des moyens frauduleux».

«Me Donziger et ses clients avaient une cause juste (...) mais pas le droit de vicier le processus pour atteindre leur but», conclut le juge Kaplan, qui explique n'avoir pas examiné le dossier sur le fond.

Les plaignants n'ont pas caché leur amertume, déplorant une décision «injuste».

«Si les Equatoriens respectent la loi dans tous les pays, ils ne reconnaissent pas cette juridiction (new-yorkaise) et moins encore son jugement», a affirmé M. Han Shan, dans un communiqué.

Poursuivi à l'origine par 30 000 indigènes de la région amazonienne, Chevron a été condamné en 2011 par la cour de la province de Sucumbios à une amende de 9,5 milliards de dollars.

Les dégâts dans la forêt amazonienne remontent à l'exploitation pétrolière par la compagnie américaine Texaco, qui a opéré en Equateur entre 1964 et 1990, avant d'être rachetée en 2001 par Chevron.

L'amende de Chevron en Equateur représente l'une des plus fortes dans l'histoire du droit de l'environnement, dépassant celle de 4,5 milliards de dollars infligée à ExxonMobil pour la marée noire de l'Alaska en 1989.

Le président Rafael Correa, un dirigeant socialiste aux relations conflictuelles avec les États-Unis, a récemment lancé une campagne internationale de boycottage contre les produits de Chevron qu'il accuse d'être  responsable d'un des «pires désastres environnementaux de la planète».