Une cinquantaine de maires se sont réunis hier après-midi à Saint-Bonaventure, dans le Centre-du-Québec, afin de créer un fonds de défense contre de possibles contestations judiciaires de règlements municipaux qui encadrent des projets gaziers et pétroliers.

Cette initiative, menée par le juriste Richard Langelier, tente d'amasser plus de 100 000 dollars. Le fonds permettrait aux 71 municipalités qui ont adopté des règlements encadrant les forages de se défendre en appel si les sociétés pétrolières les contestent.

« Les gens sont conscients que la lutte qui se mène actuellement à Gaspé ou à Ristigouche concerne tout le monde. Si nous obtenons la validation que le règlement [de Gaspé] ne contrevient pas aux lois québécoises, c'est l'ensemble des municipalités qui seront protégées », a expliqué M. Langelier.

Le 10 février dernier, le juge Benoît Moulin de la Cour supérieure du Québec a rendu son jugement dans le cadre d'une requête en jugement déclaratoire dans une cause entre la Ville de Gaspé et la société d'exploration pétrolière Pétrolia.

Ce jugement, qui sera exécuté après le 11 mars si Gaspé n'interjette pas appel, invalide un règlement qui interdit tout forage susceptible de nuire à la qualité de la nappe phréatique dans une zone de deux kilomètres autour de puits artésiens.

« Plusieurs personnes ont étudié ce jugement et sont d'avis qu'il comporte des erreurs de droit », a indiqué Me Monia Minville, qui représente Gaspé dans cette cause.

Le juge rate la cible

Selon Guillaume Rousseau, professeur en droit municipal à l'Université de Sherbrooke, le jugement rendu par la Cour supérieure prête le flanc à la contestation, puisqu'il comporte « de grosses faiblesses ».

« Le juge [Moulin] mentionne une clause dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme qui dit que tous les règlements municipaux qui en découlent ne peuvent pas encadrer les activités minières, gazières ou pétrolières. Or, le règlement de Gaspé ne découle pas de cette loi, mais plutôt de la Loi sur les compétences municipales », plaide M. Rousseau.

« Il y a aussi de la jurisprudence (notamment de la Cour suprême) qui dit qu'il ne faut pas conclure qu'un règlement municipal est inopérant si une loi provinciale existe déjà, mais seulement si la loi et le règlement sont en conflit direct, comme lorsque la loi oblige à faire quelque chose d'interdit par le règlement municipal », ajoute le juriste.

La Ville de Gaspé n'a toujours pas annoncé si elle allait porter le jugement en appel. Pour l'instant, le maire Daniel Côté a demandé à Québec d'adopter rapidement un règlement sur la protection de l'eau potable, promis depuis longtemps.

« Si ce règlement est adopté par Québec, ça ferait en sorte qu'en vertu d'un article de la Loi sur la qualité de l'environnement, le règlement de Gaspé serait inopérant, puisque la loi québécoise aurait préséance. C'est ce que la Ville souhaite », a expliqué l'avocate qui représente Gaspé, Me Minville.

Québec n'a toujours pas annoncé quand ce règlement serait déposé. Si des élections provinciales sont déclenchées au cours des prochaines semaines, le délai pourrait inciter Gaspé à interjeter appel.