Alors que le dossier est sous le coup d'une injonction et retourne devant le tribunal ce matin, le ministère des Ressources naturelles (MRN) a délivré hier le permis de coupe visant le mont Kaaikop, dans les Laurentides.

Le geste ne laisse aucun doute sur les intentions du gouvernement dans ce dossier, estime Claude Samson, membre de la Coalition pour la préservation du mont Kaaikop.

«Ça prouve qu'ils se moquent des citoyens et de tous les éléments qu'on a mis sur la table», affirmé M. Samson à La Presse.

«Ils peuvent bien délivrer un permis de coupe, mais l'injonction tient toujours, a-t-il ajouté. On maintient que notre dossier est valable et valide.»

Il ajoute que le gouvernement a attendu à la dernière minute, hier, pour transmettre aux opposants à la coupe forestière les témoignages et documents qui seront présentés ce matin à la Cour supérieure.

La Cour doit décider si elle prolonge l'injonction provisoire qu'elle a accordée à la fin de décembre à la municipalité de Sainte-Lucie-des-Laurentides.

Sainte-Lucie s'oppose aux coupes de bois publiées en 2012 par le MRN mais passées inaperçues.

Une vive opposition

Le printemps dernier, la municipalité a présenté un projet d'aire protégée pour le mont Kaaikop, deuxième massif des Laurentides après le mont Tremblant.

Devant le tribunal, la municipalité demande le report d'un an des coupes forestières d'une superficie de 180 hectares qui sont prévues dans les hauteurs du massif, le temps de faire des inventaires écologiques.

L'opposition aux coupes réunit une large coalition, dont de nombreuses municipalités des Laurentides ainsi que la communauté des Mohawks de Kahnawake, qui vit dans une réserve juste au sud du mont Kaaikop.

Le MRN n'a pas voulu commenter le dossier hier. Il a renvoyé La Presse au ministère de la Justice, qui n'a pas rappelé.

Dans les documents transmis hier aux opposants, les témoins du MRN affirment que le projet de coupes au mont Kaaikop a fait l'objet des consultations prévues dans le nouveau régime forestier, ce que les opposants contestent.

Le MRN affirme par ailleurs que des analyses effectuées entre 2006 et 2008 n'ont pas révélé la présence d'écosystèmes dignes d'être protégés sur le mont Kaaikop.

Cependant, a appris La Presse, ces analyses ont été faites uniquement par cartographie aérienne, et non par une inspection du terrain.

Le permis délivré hier est au profit du Groupe Crête Division Riopel, à Saint-Faustin-Lac-Carré. L'entreprise n'a pas rappelé La Presse hier.

La Presse a pu parcourir récemment une partie des zones visées par les coupes et repérer plusieurs arbres de taille impressionnante, notamment des sapins baumiers de près de 60 cm de diamètre.

Selon les cartes que La Presse a pu consulter, la principale cible de la coupe est une vieille sapinière de 68 hectares abritant des spécimens dont l'âge moyen atteint 90 ans.

Cependant, affirme le MRN dans ses documents, le vent a fait tomber plusieurs arbres dans ce massif ancien, ce qui le condamne à moyen terme.

Des experts consultés hier ont néanmoins invité le gouvernement à se montrer prudent dans le dossier.

«Pour une scierie, plus le diamètre est gros, plus c'est intéressant, dit Alison Munson, professeure à la faculté de foresterie et géomatique à l'Université Laval. Mais en même temps, les arbres de cette taille sont de plus en plus rares. C'est donc aussi un enjeu écologique pour la province, le manque de vieilles forêts. Un enjeu clairement identifié par le Ministère.»