Le comité de surveillance présidé par l'ancien ministre conservateur Chuck Strahl a encouragé les services de renseignement canadiens à rester à l'affût des menaces posées par l'extrémisme environnemental, dans un rapport passé presque inaperçu en décembre.

M. Strahl est dans l'embarras depuis quelques jours: il a été révélé qu'il agit comme lobbyiste pour le pipeline controversé Northern Gateway de la société Enbridge depuis 2011, en marge de ses responsabilités de président du comité chargé de surveiller les activités du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

Selon le député du Nouveau Parti démocratique (NPD) Nathan Cullen, il s'agit d'un conflit d'intérêts «inquiétant et troublant». Le NPD et divers groupes environnementaux dénoncent déjà la proximité trop grande entre le SCRS et l'industrie pétrolière, au détriment des opposants aux projets de pipeline. Dans les derniers mois, on a appris que les services de renseignement ont surveillé les activités des opposants à Northern Gateway, d'une part, tout en organisant au moins une séance d'information pour l'industrie pétrolière sur la sécurité des infrastructures énergétiques.

Rapport annuel

Or, la lecture de son dernier rapport annuel, qui a reçu très peu d'attention médiatique en décembre, démontre que le comité de surveillance présidé par M. Strahl a recommandé au SCRS de garder un oeil sur diverses formes de terrorisme au pays, dont le terrorisme environnemental.

Le rapport explique que le niveau de menace posé par divers groupes extrémistes au Canada «a été réévalué, en particulier avec la clôture d'événements de grande envergure qui ont pris place en 2010 (par exemple, les Jeux olympiques et paralympiques de Vancouver, et les Sommets du G8 et du G20)».

«Un défi demeure, a toutefois mis en garde le rapport: le besoin inévitable du gouvernement d'obtenir des informations sur des menaces actuellement latentes, mais qui peuvent refaire surface rapidement. Le Service doit donc rester au courant des questions névralgiques ou des éléments déclencheurs possibles qui peuvent nourrir l'extrémisme intérieur et causer une menace à la sécurité nationale.»

Le comité a défini ces autres formes d'«extrémisme intérieur» comme «des actes de violence liés à des questions telles que les droits des animaux, l'environnement, l'antimondialisation et la suprématie blanche». Il a par ailleurs reconnu que «la grande majorité de ces activités relèvent bien du domaine de la protestation légitime».

Confiance brisée

Selon le député du NPD Nathan Cullen, tout cela illustre le fait que le lien de confiance est brisé entre la population canadienne et le comité chargé de surveiller les activités du SCRS. «Quand vous espionnez vos propres citoyens, vous devez avoir une très bonne raison. Et encore: le chien de garde [des services de renseignement] doit être indépendant et fort. Maintenant, c'est remis en question. Et ce sont les conservateurs et le premier ministre qui en sont responsables.»

Chuck Strahl n'a pas rappelé La Presse hier. Lors d'une entrevue télévisée, mardi, il a affirmé qu'il avait reçu l'aval de la commissaire parlementaire à l'éthique pour mener toutes ces activités de front. Il a ajouté qu'à titre de président du comité, il se retirerait de tout dossier dans lequel il pourrait avoir un intérêt. «Nous nous attendons à ce que tous les membres du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité [CSARS] mènent leurs activités conformément aux lois canadiennes», a pour sa part déclaré Jean-Christophe de Le Rue, un porte-parole du ministre fédéral de la Sécurité publique Steven Blaney.