Le gouvernement fédéral a apparemment décidé de ne plus participer à l'évaluation environnementale des nouveaux projets d'exploitation de sables bitumineux.

Une liste de projets dont l'impact sur l'environnement devra nécessairement être évalué par Ottawa, publiée vendredi, n'inclut pas les propositions d'exploitation «in situ» de sables bitumineux, qui devraient être le type de projet le plus couramment choisi par l'industrie à l'avenir.

«Il s'agit de la plus importante source unique de croissance des émissions de gaz à effet de serre au pays, et le gouvernement fédéral n'y jouera pas de rôle», a déclaré Keith Stewart, de Greenpeace.

Jeudi, Environnement Canada a publié un rapport concluant que le Canada risque d'atteindre, d'ici 2020, la moitié seulement de ses objectifs de réduction des émissions polluantes établis selon l'Accord de Copenhague en 2009.

Les demandes d'agrandissement pour les installations à ciel ouvert continueront à être évaluées par le fédéral. Toutefois, 80 pour cent du pétrole provenant des sables bitumineux ne peut être recueilli que par des méthodes in situ, auxquelles la majorité des nouvelles installations auront recours. Ces techniques consistent à liquéfier le bitume sous terre et à le pomper jusqu'à la surface sans creuser de trou.

Elles sont, à certains égards, plus écologiques - ne nécessitant pas d'immenses puits à ciel ouvert ou de bassins de décantation et de stockage des résidus -, et ce même si elles génèrent habituellement plus de gaz à effet de serre par baril de pétrole. Il est en effet nécessaire de produire de la vapeur pour liquéfier le bitume, ce qui exige la combustion de grandes quantités de gaz naturel.

Les données du gouvernement albertain précisent que la production in situ crée de un à 10 kilogrammes supplémentaires de CO2 par baril que la méthode d'extraction habituelle.

Au dire de M. Stewart, des questions demeurent sans réponse à propos de certaines méthodes in situ. Il montre ainsi du doigt un projet de Canadian Natural Resources qui a entraîné une fuite de bitume pendant des mois, malgré les tentatives de la compagnie pour y mettre fin.

Les installations in situ feront toujours l'objet d'une évaluation environnementale provinciale. Le fédéral conservera également le droit de réclamer une telle évaluation, le cas échéant.

Mais selon l'avocate environnementaliste Melissa Gorrie, la province semble réduire le champ de ce qu'elle estime devoir faire l'objet d'une évaluation. Pour Mme Gorrie, une récente décision signifie que deux projets in situ ne feront l'objet d'aucune audience publique après que la province eut jugé que des communautés autochtones ne seraient pas directement affectées par ces développements énergétiques.

«Il y a eu beaucoup de problèmes pour même obtenir des audiences pour des projets in situ dans la province», dit-elle.

Dans des documents portant sur le fond du dossier, Ottawa affirme que les changements apportés visent à «effectuer des examens plus prévisibles et de façon plus rapide, éviter les doublons, renforcer la protection de l'environnement et améliorer la consultation des groupes autochtones».

Au dire de Me Gorrie, il est faux de penser que les installations in situ n'ont pas d'impacts importants. «Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de grande mine à ciel ouvert qu'il n'y a pas d'impacts environnementaux importants, et que les projets ne nécessitent pas d'évaluation.»