Malgré des investissements au cours des dernières années pour améliorer l’accès aux soins en santé mentale, sur le terrain, un constat demeure : la rapidité avec laquelle un patient recevra des services dépend largement de son code postal. Et obtenir un portrait réel de l’attente est impossible.

Guichets d’accès en santé mentale : Quelle est la véritable attente ?

Le monde d’Amélie s’est écroulé, en juin dernier, quand elle a appris que son conjoint avait agressé sexuellement sa fille de 3 ans. Sous le choc, la mère qui habite le nord du Québec a consulté l’accueil psychosocial de son centre de santé pour obtenir de l’aide psychologique. Elle a été inscrite au Guichet d’accès en santé mentale de sa région, principale porte d’entrée pour obtenir des services en santé mentale dans la province.

« Les trois premiers jours, j’étais en état de choc. Je suis sortie tranquillement de ma torpeur. Mais j’ai passé l’été dans un état second », relate Amélie, qui ne veut pas divulguer son nom de famille pour protéger l’identité de sa fille.

Plus de cinq mois plus tard, Amélie est sur le point d’obtenir son premier rendez-vous avec un psychologue. « Je n’arrête pas de me remettre en question. Je me demande si, inconsciemment, j’ai choisi ce gars. Je me demande quel est l’avenir de ma fille avec les hommes. J’ai une tonne de questions. Je me sens seule et abandonnée », dit-elle.

À l’accueil psychosocial de son centre de santé, on a dirigé Amélie vers des organismes communautaires pour obtenir du soutien. « Mais pour avoir accès à un psychologue, on me disait toujours que j’étais sur la liste d’attente », dit-elle.

Amélie s’estime bien outillée pour naviguer dans les méandres bureaucratiques du réseau de la santé : elle est elle-même intervenante. « Mais je n’imagine pas les gens qui ne s’y connaissent pas… » D’autant plus qu’elle doit composer avec les démarches à la protection de la jeunesse et devant les tribunaux. « Je dois aller en cour bientôt et je serai interrogée sur ce qui s’est passé. Je dois être forte. Mais à part mon avocat, je n’ai pas de soutien. »

Un accès à géométrie variable

L’efficacité des Guichets d’accès en santé mentale adultes (GASMA) varie grandement d’une région à l’autre au Québec, révèlent des données compilées par La Presse.

Alors que dans la région Mauricie–Centre-du-Québec, les personnes qui s’inscrivent au Guichet obtiennent un premier service en moyenne en 25 jours, en Abitibi-Témiscamingue, il s’écoule en moyenne 101 jours.

Présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec, la Dre Karine Igartua reconnaît que l’accès aux services en santé mentale est à géométrie variable.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La Dre Karine Igartua, présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec

C’est très inégal. Dans certains guichets, il y a assez d’intervenants et en une semaine, ton intervention commence. Mais à d’autres endroits, c’est très long.

La Dre Karine Igartua, présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec

« Une équipe professionnelle dans un CISSS ou un CIUSSS peut être bien organisée, avoir fait descendre de façon importante les listes d’attente, alors que dans un autre CISSS, c’est très différent », affirme David Johnson, de l’Association des parents et amis de la personne atteinte de maladie mentale (AQPAMM).

Pour être inscrit au Guichet d’accès en santé mentale, un patient doit passer par son CLSC ou son médecin de famille. La Presse a demandé à tous les établissements de santé du Québec de lui fournir le nombre de personnes sur leur liste d’attente et le délai moyen pour obtenir un premier service.

Mais ces données ne sont pas compilées de la même façon d’un établissement à l’autre. Si bien que les comparaisons restent difficiles à faire.

Au centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est, où 1505 personnes sont sur la liste d’attente, il s’écoule en moyenne 110 jours pour obtenir un premier service. Mais l’évaluation de l’usager « se fait dans les 10 jours de la demande » et « le Guichet peut accompagner la personne dans l’attente d’un service formel », affirme le porte-parole Hugo Bourgoin.

Au CISSS de Laval, où il s’écoule en moyenne 120 jours avant un premier service, on précise que pour les demandes au Guichet en provenance des médecins, le délai d’attente pour un premier service est de 12 jours. L’attente de 120 jours est pour les patients présentant des troubles « légers à modérés ».

Du maquillage de données

Charles Roy, président de l’Association des psychologues du Québec, estime qu’il y a « beaucoup de maquillage » dans les données sur l’attente pour les soins en santé mentale. Notamment parce que la seule évaluation d’un patient est considérée à plusieurs endroits comme un premier service. « Mais après avoir été évaluée, une personne peut attendre plusieurs mois avant d’avoir une vraie intervention », dit-il. Pour M. Roy, considérer l’évaluation comme un premier service est « comme une triche ». « Ce n’est pas un vrai service », dit-il.

La réalité, c’est que le vrai délai entre le moment où une personne en détresse demande un soin et le moment où elle est physiquement assise avec quelqu’un qui va l’aider, on ne le connaît pas. […] Il y a beaucoup de trucage là-dedans.

Guylaine Ouimette, présidente de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec

« À certains endroits, systématiquement, ça prend quatre mois avant d’avoir un appel. Et certains sont très vites à fermer les dossiers. Ils appellent une fois, ça ne répond pas, et on ferme le dossier. L’accès devient impossible », affirme la Dre Amal Abdel-Baki, psychiatre à la clinique Jeunes adultes psychotiques du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).

M. Roy ajoute que les listes d’attente ne disent pas tout. « Sous prétexte de vider les listes, on fait plusieurs choses », dit-il. Il note par exemple que des patients qui pouvaient recevoir de 20 à 30 séances avec un psychologue doivent maintenant se contenter de 15, voire de 10 séances à certains endroits. « Et on dirige des patients vers des activités de groupe ou d’autres services. Le vrai état des listes, on ne le connaît pas », affirme-t-il.

Dans son plus récent rapport déposé le 8 octobre, la vérificatrice générale du Québec concluait que le Québec « ne parvient pas à obtenir de données fiables et de qualité à l’égard des services offerts en santé mentale ».

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on explique que puisque les établissements « ont des réalités différentes en matière de demandes de services en santé mentale », ceux-ci ont la responsabilité de trouver les façons d’améliorer l’accès aux soins en santé mentale. « Une reddition de comptes mensuelle est demandée aux établissements et ces derniers sont accompagnés par le MSSS afin d’augmenter l’efficacité », explique le porte-parole, Robert Maranda.

Début novembre, à la suite de la tragédie de Québec où un homme a assassiné deux personnes dans la rue, Québec a annoncé l’ajout de 100 millions de dollars pour bonifier l’offre de soins et de services psychosociaux. Le ministre Lionel Carmant se donne entre autres jusqu’en 2022 pour éliminer l’attente.

Présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Andrée Poirier doute que l’investissement soit suffisant pour atteindre cet objectif. « Comment réussir à augmenter le volume et l’intensité des services si on a de la misère à garder notre monde dans le réseau, dont nos psychologues ? », demande-t-elle.

Où est le blocage ?

Les solutions pour améliorer l’efficacité des guichets d’accès sont connues depuis des années. En 2015, l’Association des médecins psychiatres du Québec a déposé un Plan d’action qui notait qu’en « l’absence de modèle clair, les guichets mis en place varient grandement d’une région à l’autre quant à leur mode de fonctionnement, aux services offerts et aux résultats enregistrés ». Plus de cinq ans plus tard, la situation a peu changé. « Où est le blocage ? Je ne le sais pas », dit la Dre Igartua.

Toujours dans son document, l’Association des médecins psychiatres recommandait que les hôpitaux « fournissent suffisamment de temps/psychiatre pour assurer le bon fonctionnement des guichets ». Le psychiatre Olivier Farmer explique que certains établissements ont beaucoup investi dans leurs guichets ces dernières années en y installant suffisamment de professionnels. Il cite en exemple le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, où il travaille (voir autre texte). Pour le DFarmer, il y a manifestement « un tour de roue supplémentaire à donner » du côté des Guichets d’accès afin que tous fonctionnent correctement.

Psychiatre à Rouyn-Noranda, le DGuillaume Barbès-Morin croit que les établissements doivent s’assurer d’intégrer suffisamment de professionnels aux Guichets d’accès en santé mentale. « Les Guichets, c’est un bon système. Mais si tu ne les nourris pas, c’est voué à l’échec », dit-il.

Avec ses collègues, la Dre Igartua planche sur d’autres solutions. Ils ont notamment conçu et proposé au MSSS un formulaire de préévaluation rapide des patients pour accélérer le traitement de leurs demandes dans les Guichets. « Mais on se bute à une certaine inertie », dit la Dre Igartua.

Le MSSS explique avoir conçu en 2008 un document détaillant « les balises de fonctionnement des Guichets d’accès en santé mentale ». C’est sur ce document, et non pas sur celui de l’Association des médecins psychiatres, que se base le Ministère pour suivre l’efficacité des Guichets. « Des travaux sont toutefois en cours pour le mettre à jour », dit Robert Maranda.

Des régions sans centre de crise

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Roxane Thibault, présidente du Regroupement des services d’intervention de crise du Québec

Autre preuve que les régions ne sont pas toutes aussi bien desservies quand vient le temps de parler de soins en santé mentale : certaines ne possèdent pas de centre de crise, comme l’Abitibi-Témiscamingue. « On estime que toutes les régions devraient en avoir un », affirme la présidente du Regroupement des services d’intervention de crise du Québec, Roxane Thibault.

Ouverte depuis 33 ans à Verdun, L’Autre Maison peut accueillir en temps normal jusqu’à sept personnes. Plus de 60 % des personnes qui se rendent à ce centre de crise présentent des risques suicidaires. La moitié de la clientèle est suivie en psychiatrie pour différents diagnostics. Des personnes ayant perdu leur emploi aux conjoints agressifs ne voulant pas passer à l’acte : le profil de la clientèle est très varié.

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Isabelle Ferland, directrice générale du centre de crise L’Autre Maison

« Les patients restent ici en moyenne une semaine. Le temps de se déposer. On leur offre un ‟safe space”. Et on les aide à planifier la prochaine étape pour leur rétablissement », affirme la directrice générale, Isabelle Ferland. Les centres de crise ont été créés afin de désengorger les urgences des hôpitaux. Ils sont financés par le Programme d’aide et de soutien aux organismes communautaires.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on explique que dans les régions qui n’ont pas de centres de crise, « le besoin populationnel est répondu par les établissements (CISSS et CIUSSS) en partenariat avec d’autres organismes ».

Attente maximale dans l’est de Montréal

CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal
Nombre de personnes sur la liste d’attente : 1984 personnes
Délai moyen avant la première intervention : nd
Nombre de psychiatres sur le territoire : 65
Population desservie : 536 974 personnes

Près de 2000 personnes attendent d’obtenir un premier service au Guichet d’accès en santé mentale de l’est de Montréal. Il s’agit de la plus longue liste d’attente de la province.

Certes, le centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de-Montréal est l’établissement de santé desservant la plus importante population au Québec – près de 550 000 personnes. Mais les problèmes d’accès en santé mentale y sont connus depuis des années.

« Les listes d’attente ne cessent d’augmenter. Il y a des problèmes récurrents comme l’insuffisance de personnel et la rigidité du mécanisme d’accès aux psychiatres », note Maxime Ste-Marie, président par intérim du Syndicat SCFP 5425.

Avec un ratio d’un psychiatre pour 8261 patients desservis, l’est de Montréal présente pourtant l’un des meilleurs ratios de psychiatre par habitant du Québec. En comparaison, les citoyens de l’ouest de la Montérégie ne peuvent compter sur le soutien que d’un psychiatre pour 19 885 habitants.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Jonathan Brière, directeur des programmes de santé mentale, dépendance et itinérance, et le Dr Lionel Cailhol, chef du département de psychiatrie, au CIUSSS de l’Est-de-l'Île

Jonathan Brière, directeur des programmes de santé mentale, dépendance et itinérance au CIUSSS de l’Est-de-l'Île, précise que les cas urgents sont vus en maximum 24 heures sur le territoire. Une équipe (Résolution) est de garde 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour gérer les urgences. « On ne laisse pas les gens flotter. Les cas fragiles sont accompagnés », assure-t-il.

Mais pour les cas moins urgents, le délai d’accès peut aller jusqu’à 12 mois.

L’évaluation des patients se fait très rapidement. Mais c’est le suivi après qui peut être plus long.

Jonathan Brière, directeur des programmes de santé mentale, dépendance et itinérance au CIUSSS de l’Est-de-l'Île

M. Brière assure que la gestion de la liste d’attente s’améliore. Il y a un an et demi, 1000 patients attendaient de recevoir une évaluation d’un psychiatre. « Maintenant, ils ne sont que 97 », souligne-t-il.

Au cours des derniers mois, deux psychiatres ont été affectés dans les CLSC de l’Est et ont permis de réduire l’attente. « Mais ç'a augmenté la demande pour des suivis en psychologie ou auprès d’infirmières. L’attente s’est déplacée », explique M. Brière.

Ce dernier indique que plus de 7000 demandes de soins en santé mentale ont été traitées l’an dernier au CIUSSS de l’Est-de-l'Île-de-Montréal. L’indice de défavorisation est aussi plus élevé sur ce territoire, un facteur qui augmente les risques de problèmes de santé mentale. Et une forte proportion de patients n’a pas de médecin de famille.

Une pression à la hausse

Depuis le début de la pandémie, une augmentation de 34 % des appels a été constatée à la ligne d’appel de crise de l’est de Montréal. « On a déjà beaucoup de demandes. Et on s’attend à ce que ça augmente », note M. Brière.

Le DLionel Cailhol, chef du département de psychiatrie pour le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, explique que les psychiatres de l’est de Montréal ont vu leurs tâches s’alourdir ces dernières années. Affiliés à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (ancien hôpital Louis-H.-La Fontaine), les psychiatres doivent remplir une mission universitaire d’enseignement et de recherche en plus d’offrir des soins généraux. Une mission de psychiatrie légale s’est aussi ajoutée ces dernières années. Et la croissance de la clientèle présentant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme monopolise de plus en plus le temps des psychiatres.

On ne parvient pas à fournir.

Le Dr Lionel Cailhol, chef du département de psychiatrie pour le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

Ce dernier reconnaît que certains psychiatres étaient hésitants à aller travailler en CLSC. « Il y avait une question de changement culturel où les gens étaient habitués à travailler à un endroit et on leur demandait d’aller travailler ailleurs, avec d’autres équipes », dit-il. Mais le DCailhol est fier du chemin parcouru. « Et ce n’est pas fini. On a des ambitions plus importantes. On veut plus de soins en CLSC par les psychiatres », dit-il.

Les patients en détresse de l’est de Montréal qui veulent joindre l’équipe Résolution peuvent composer le 514-351-9592 ou le 811 pour du soutien psychosocial.

Pénurie de psychiatres et de psychologues

Une pénurie de personnel touche les services en santé mentale, tant du côté des psychiatres que des psychologues. « On a perdu 450 psychologues depuis 2008 au public », affirme le président de l’Association des psychologues du Québec, Charles Roy. La présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec, la Dre Karine Igartua, souligne pour sa part que le ratio idéal est de 15 psychiatres par 100 000 habitants. « Mais au Québec, on vise 12 pour 100 000, parce que la pénurie est là », dit-elle. Pour éviter les ruptures de services dans certaines régions, l’Association des médecins psychiatres a conçu un plan de contingence qui vise notamment à inciter les psychiatres qui travaillent en cabinet à aller six semaines par années dans des régions à risque, sous peine d’impact sur leur rémunération. « Le but n’est pas d’être coercitif, mais d’assurer un accès aux soins partout », résume le DGuillaume Barbès-Morin, psychiatre à Rouyn-Noranda. Le plan a été présenté en détail aux psychiatres jeudi (19 novembre).

Le bon élève

CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal
Nombre de personnes sur la liste d’attente : 118
Délai moyen avant la première intervention : 15,7 jours
Nombre de psychiatres sur le territoire : 15 psychiatres dans le secteur est et 39 à l’Institut universitaire de santé mentale Douglas pour la deuxième ligne, dans le secteur ouest du territoire
Population desservie : 282 870 personnes

L’attente zéro dans un guichet d’accès en santé mentale, c’est possible ? Il semble que oui.

Dès qu’un dossier est dirigé vers le Guichet d’accès en santé mentale du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, l’usager est contacté. Dans la semaine qui suivra, il aura un premier rendez-vous d’évaluation. Les cas jugés sérieux seront vus dans les jours suivants, à domicile, par une équipe de suivi intensif dans le milieu. « Pour les cas graves, il n’y a pas d’attente », résume Isabelle Catelli, coordonnatrice des services en santé mentale adultes au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Et pour les autres, l’attente s’échelonnera tout au plus sur quelques semaines pour obtenir des services.

Les 118 personnes qui se trouvent sur la liste d’attente sont souvent des gens que les intervenants ont du mal à contacter. Jamais on ne laisse la liste grimper de façon incontrôlée, précise Mme Catelli.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Isabelle Catelli, coordonnatrice des services en santé mentale adultes au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Quand on a plus d’affluence au guichet, on ajoute du personnel. On ne veut pas que le guichet d’accès joue un rôle de goulot d’étranglement pour les services.

Isabelle Catelli, coordonnatrice des services en santé mentale adultes au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Le CIUSSS du Centre-Sud a 87 employés dans ses deux guichets d’accès en santé mentale, l’un situé dans l’est du territoire et l’autre, dans l’ouest. Une trentaine d’autres personnes viennent compléter l’équipe en deuxième ligne. Total : près de 120 employés, psychologues, travailleurs sociaux, éducateurs, ergothérapeutes. Tout récemment, trois infirmières praticiennes spécialisées en santé mentale se sont jointes à l’équipe.

Quinze psychiatres sont également à l’œuvre dans le secteur des Faubourgs, dans l’est du territoire. Ils œuvrent aussi bien en première qu’en deuxième ligne. Le secteur ouest est desservi en deuxième ligne par l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, qui compte sur les services de près de 40 psychiatres et pédopsychiatres. Le Douglas a cependant également le mandat de desservir le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

« L’accès, pour nous, c’est une priorité. L’intervention commence dès la première rencontre au guichet d’accès, et les guichets ont toute l’autonomie pour orienter adéquatement les patients. », résume Mme Catelli.

On ne veut pas remplir de papiers, on veut voir les personnes, pour les aider le plus vite possible. Et à travers le temps, on a réussi à maintenir cet accès rapide.

Isabelle Catelli, coordonnatrice des services en santé mentale adultes au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Emmanuelle Manseau, 38 ans, est l’une de ces usagères. Il y a deux ans, après une dépression qui a fait suite à un épuisement professionnel, elle a accepté d’aller consulter. Elle l’avoue d’emblée : elle était très sceptique sur la possibilité d’obtenir rapidement des services. Or, six semaines à peine après avoir fait un premier appel, elle entreprenait sa prise en charge.

« J’ai appelé au CLSC de mon quartier. On m’a dit de me présenter en personne, le jour même, dans un point d’accès. Après une heure d’attente, j’ai pu rencontrer un intervenant et lui relater mon histoire. » Après une deuxième rencontre, on l’a dirigée vers une travailleuse sociale. Elle a pu avoir 16 rencontres avec cette dernière, entièrement remboursées par le régime public. Elle n’a pas déboursé un sou.

Quand elle a abouti chez la travailleuse sociale, elle était en dépression majeure. « Je travaillais en restauration, des horaires de fou. J’avais une fasciite plantaire aux deux pieds. Il a fallu que mon corps m’arrête pour que je réalise que je n’allais pas bien. Je me suis écroulée devant mon médecin. »

Après avoir été médicamentée, et avoir suivi une thérapie aux côtés de la travailleuse sociale, elle est retournée aux études. Sa vie a été complètement transformée. « Pour vous dire, je trouve que 2020 est une belle année ! »

« Les travailleurs sociaux de l’équipe travaillent en collaboration avec des psychologues, des psychiatres, des infirmières. Le travail d’équipe est fondamental », souligne Isabelle Catelli.

Chaque fois, Emmanuelle Manseau a obtenu des services dans son quartier. « Le fait que ce soit offert localement, pour moi, ça a tellement aidé. Jamais je ne me serais rendue dans un hôpital. »

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