Une campagne sans pareil, sans précédent. La campagne électorale qui se termine a été étonnante, souvent en dehors des sentiers battus.

On l'a dit, on l'a écrit jusqu'à plus soif. Cette campagne est la première depuis 1960 où la question de l'avenir politique du Québec n'a pas été débattue. Avec l'imminence d'une annonce autour du libre-échange avec les États-Unis, les chefs sont revenus hier sur l'importance de la défense des intérêts du Québec. Un baroud d'honneur.

Même avant la première élection du Parti québécois (PQ), la question nationale était un enjeu de taille, au coeur du bras de fer entre les partis. C'était le « Maître chez nous » de Jean Lesage en 1962, puis le « Québec d'abord » de Daniel Johnson en 1966.

C'est aussi la première campagne où les candidatures de femmes ont presque atteint la parité avec celles des hommes au sein des quatre principaux partis : 47 % de candidates cette année, contre 29,8 % aux élections générales précédentes, en 2014. Une étude minutieuse de Radio-Canada a cependant démontré qu'elles se retrouvaient davantage dans des circonscriptions difficiles - cinq fois plus souvent que les candidats masculins dans le cas de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Consultez la carte complète des résultats

Pour voir les résultats sur un appareil mobile, cliquez ici

Autre situation inédite avec cette élection : c'est la première campagne où les électeurs étaient partagés en trois groupes au poids comparable. 

Les électeurs de 18 à 35 ans, la génération X née entre 1966 et 1976 ainsi que les boomers ont théoriquement le même pouvoir d'influencer l'élection de ce soir. 

Mais le taux de participation des plus jeunes est historiquement plus bas - de 71 % pour l'ensemble de la population en 2014, on s'est retrouvé à 55 % pour les 18 à 24 ans et à 60 % pour les 25 à 34 ans.

Jamais par le passé n'aura-t-on eu autant recours aux simulations informatiques pour prédire les résultats dans les circonscriptions. Too Close to Call existait, mais n'avait pas la même notoriété ; depuis s'est ajouté Qc125. Cette industrie ne pouvait fonctionner sans l'apport de nombreux sondages - Mainstreet Research les alimentait en enquêtes quotidiennes, une autre première pour cette élection. En 2003, Léger avait testé ces sondages journaliers, avec un succès mitigé.

La kyrielle de candidats embarrassants est un passage obligé. Chaque campagne électorale compte bon nombre d'aspirants politiciens qui mettent leur parti dans l'embarras par des déclarations injustifiables. Ici, ce qui est nouveau, c'est qu'informatique oblige, ils se font désormais épingler sur vidéo ou sur les réseaux sociaux.

Les candidats à problèmes étaient, cette fois encore, au rendez-vous, de Mohammed Barhone à Gertrude Bourdon et Guy Ouellette pour les libéraux. La CAQ y a aussi contribué : Éric Caire, Stéphane Le Bouyonnec et Stéphane Laroche, l'aubergiste de Saint-Jean trop tolérant pour l'âge de ses clients. Le PQ n'a pas été en reste avec Guy Leclair, Michelle Blanc et Pierre Marcotte, le candidat de Drummondville qui voulait tester l'intégration des musulmans en leur présentant un sandwich au jambon !

Dans le passé, les faux pas venaient des candidats, d'une organisation défaillante, d'engagements hyperboliques. Mais cette fois, on constate que les chefs se sont eux-mêmes mis les pieds dans les plats.

C'était d'abord François Legault et son incapacité à décrire un système d'immigration qu'il se fait fort de modifier. Le lendemain, échaudé d'avoir été mis en boîte, il refusait d'indiquer combien le Canada comptait de provinces bilingues.

Jean-François Lisée a lui aussi sauté dans un piège, volontairement. Sa diatribe surprenante contre Manon Massé, de Québec solidaire (QS), au dernier débat télévisé lui aura coûté cher. Une sortie improvisée, apparue entre la salle de maquillage et le plateau d'enregistrement.

Philippe Couillard pouvait se vanter d'un parcours sans faux pas, et sans enthousiasme. C'était sans compter sur une entrevue matinale où on lui a demandé s'il était possible de nourrir trois personnes avec 75 $ par semaine. C'est possible avec peu de variété et beaucoup de végétal, a-t-il expliqué.

Finalement, Manon Massé n'avait pas fait de faux pas, ou si peu. Elle avait erré en début de campagne en soutenant que l'anglais, comme le français, était langue officielle au Québec. Faute oubliée rapidement. Mais la porte-parole de Québec solidaire a eu un autre dérapage en fin de campagne, reconnaissant que son parti était « marxiste ».

Comment expliquer ces bévues de la part de ceux qui dirigent ces campagnes ? Des journalistes plus pugnaces ? Des points de presse plus nombreux et plus longs ? Des « briefings » moins méticuleux, moins serrés ? Le résultat du scrutin de ce soir balaiera toutes ces réflexions bien avant qu'une réponse soit trouvée.