Philippe Couillard déménagerait en région une partie des fonctionnaires et des cadres de trois ministères s'il est réélu. Mais de toute évidence, il devrait d'abord s'entendre avec les syndicats pour assurer le succès d'une telle opération.

Les conventions collectives limitent en effet le déplacement des fonctionnaires. Un transfert peut se faire dans un rayon maximal de 50 kilomètres du domicile ou du « port d'attache » d'un fonctionnaire, selon le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ). Si le déplacement est plus important, l'employé a le droit de refuser. Les conventions collectives seront échues le 31 mars 2020.

« On va parler avec les syndicats pour que la règle permette ce qu'on veut faire », a affirmé le chef libéral Philippe Couillard mardi, à Gaspé.

Après le chef péquiste Jean-François Lisée, il a pris un engagement pour décentraliser la prise de décisions vers les régions. Il a multiplié les superlatifs, parlant de « la plus grande décentralisation gouvernementale de l'histoire du Québec » que seul lui-même, « premier ministre de région », peut réaliser.

Ainsi, il a promis d'envoyer en Abitibi-Témiscamingue les employés et la haute direction du secteur des mines du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles.

Ceux du secteur des forêts du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs iraient au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

La Gaspésie accueillerait les fonctionnaires et la direction du secteur des pêches du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Les employés et les cadres du secteur de la mariculture de ce même ministère prendraient la direction des Îles-de-la-Madeleine.

Les hautes directions de ces divisions de trois ministères se trouvent à Québec présentement. Il y a certains fonctionnaires en région, mais un nombre plus important devrait s'y rendre, en vertu de l'engagement libéral. Par "haute direction", on entend entre autres le sous-ministre adjoint.

Combien de fonctionnaires seraient déplacés ? M. Couillard a donné un seul exemple précis : il y aurait 25 personnes qui prendraient la direction de Gaspé, dont le sous-ministre adjoint aux Pêches.

Le maire de Gaspé, Daniel Côté, a salué l'engagement de M. Couillard et veut que le prochain gouvernement, « peu importe qui aura le pouvoir le 2 octobre prochain », le réalise. 

« Quand tu es dans une tour du centre-ville de Québec ou de Montréal, tu es moins sensibles aux réalités des régions », a-t-il souligné. C'est une toute autre réalité quand, par exemple, on croise les pêcheurs à l'épicerie, selon lui. « Le fait de décentraliser le pouvoir vers les régions, ce n'est que du positif », a-t-il ajouté.

Le maire voudrait que les fonctionnaires des Pêches s'installent dans un édifice construit à côté de l'hôtel de ville sous René Lévesque. Le premier ministre péquiste avait promis, il y a 40 ans, d'y déménager le ministère des Pêches - ce qui ne s'est jamais produit. Il avait déclaré en substance que ce serait plus facile de faire monter une morue à Québec que de faire descendre un fonctionnaire à Gaspé.

Philippe Couillard se dit quant à lui « persuadé qu'on n'aura pas de difficulté de trouver des employés à Québec qui sont intéressés à s'établir » en région. Il a déploré qu'on laisse entendre qu'il s'agisse d'une « punition ». « Quel triste sort » de se retrouver dans une région magnifique comme la Gaspésie, a-t-il ironisé. « Il y a beaucoup de gens, y compris des fonctionnaires à Québec, qui rêvent d'une vie différente pour leur famille, notamment d'une vie en région. »

Le coût de l'opération serait « marginal », essentiellement des frais de déménagement, a-t-il dit sans autre précision.

En début de mandat, le gouvernement avait aboli les directions régionales du ministère de l'Éducation, réalisant des économies inférieures aux prévisions. Philippe Couillard n'y voit pas de contradiction : une direction régionale n'est pas « le même niveau de décision » qu'une direction nationale dotée d'un sous-ministre adjoint, a-t-il plaidé.

Cette décentralisation, qui se ferait « graduellement », serait « une première étape ». « D'autres régions vont lever la main » pour obtenir la haute direction d'une division ministérielle, et un gouvernement libéral analyserait ces demandes, a-t-il indiqué.

Lundi, Philippe Couillard a promis la création d'un ministère des Régions et de la Vitalité du territoire, avec un ministre en titre à sa tête. Il n'y aurait pas embauche d'effectifs : on y transférerait du personnel actuel de la fonction publique.

Le chef libéral visite trois circonscriptions péquistes mardi: Gaspé, Matane-Matapédia et Duplessis (Côte-Nord).