Il n'y a pas que Québec solidaire qui veut des beaux sourires : le premier ministre Philippe Couillard promet d'étendre la gratuité des soins dentaires de base aux enfants de 10 à 16 ans et aux aînés à faible revenu. Or son gouvernement est en conflit avec les dentistes depuis des mois au sujet des tarifs payés pour couvrir les bénéficiaires actuels du régime public.

« C'est un geste important en faveur de la prévention et de la santé » et une façon de « soulager la pression financière » des familles et des aînés démunis, a plaidé le chef libéral en dévoilant dimanche sa promesse au département d'hygiène dentaire du Cégep de Chicoutimi.

À l'heure actuelle, les enfants de moins de 10 ans reçoivent gratuitement des soins dentaires de base - l'examen annuel et les plombages par exemple, mais pas le nettoyage, le détartrage, l'application du fluorure et l'orthodontie. Les libéraux s'engagent à prolonger la couverture publique jusqu'à 16 ans inclusivement - comme c'était le cas jusqu'en 1992.

Jean Charest avait fait la même promesse lors de la campagne de 2012, sa dernière ; ni le parti lors des élections de 2014 ni le gouvernement Couillard au cours de son mandat n'avaient ramené l'idée. « On n'a pas pu faire ça avant parce qu'on n'avait pas les marges de manoeuvre » financières, s'est défendu M. Couillard.

Les assistés sociaux et leurs enfants ont également droit à de tels soins gratuitement en ce moment. Le PLQ ajouterait les aînés recevant le supplément de revenu garanti.

Au total, 1,2 million de personnes de plus seraient admissibles à la couverture publique.

La mesure ferait économiser 330 $ par année en moyenne à une famille qui a deux adolescents, selon les libéraux.

La promesse coûterait au total 150 millions de dollars par année. « On va s'ajuster, quel que soit le niveau de demande, a précisé M. Couillard. Si les Québécois, comme je le souhaite, portent plus à attention à leur santé dentaire maintenant que ce régime est plus généreux, tant mieux, on défraiera les coûts qui sont afférents. »  

D'après les données de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), il en coûtait 160 millions de dollars en 2016 pour couvrir les 630 000 bénéficiaires actuels du régime public. Il y a un million de personnes admissibles actuellement, mais 370 000 ne se prévalent pas du programme.

L'entente entre Québec et les dentistes sur le remboursement des services donnés aux personnes couvertes par la RAMQ est échue depuis trois ans. Le conflit s'est envenimé cet été alors que les dentistes ont tenté de se retirer du régime public, donc de ne plus offrir les services. Les tarifs payés par l'État ne reflètent plus les coûts réels, selon l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec. Il y aurait un écart de 20 %. L'association soutient également que le gouvernement veut imposer une réduction additionnelle de 12 % de leur rémunération. M. Couillard réfute ces chiffres mais il ne donne pas de détails sur l'offre gouvernementale.

Fin juillet, le ministre de la Santé Gaétan Barrette a adopté un décret pour éviter le retrait des dentistes du régime public. Leur association a annoncé son intention de contester la mesure devant les tribunaux.   

L'élargissement du régime que son parti annonce était l'une des deux demandes de l'association, a souligné M. Couillard. « Pour ce qui est des autres éléments qui sont plus liés aux considérations financières, on est disposés nous à avoir une entente négociée [...], à l'intérieur du cadre financier du gouvernement. » Il a ajouté qu'« il n'y aura pas d'autre issue possible qu'une entente négociée », laissant entendre que le recours à une loi spéciale est écarté.

S'il est réélu, il mettrait en oeuvre sa promesse dès qu'il y aurait entente.

Philippe Couillard ne s'engage pas à revoir le panier de soins couverts par le régime public. L'Ordre de dentistes recommandait de l'élargir, donc d'ajouter des services, en 2016.

« On doit avoir des discussions avec l'Ordre là-dessus, mais clairement, on ne peut pas tout payer ! J'aime autant être direct avec la population », a lancé Philippe Couillard.

Québec solidaire (QS) s'est engagé à créer une assurance dentaire publique universelle. « Il veut couvrir tout pour tout le monde, mais là on est à un milliard [de dollars]. Soyons réalistes », a commenté le chef libéral.

Pour la co-porte-parole de QS, Manon Massé, l'engagement libéral « n'arrive pas à la cheville » de ce que propose son parti. Philippe Couillard « dépoussière une vieille promesse de Jean Charest pour se sauver la face » alors que « les libéraux ont eu 15 ans pour faire quelque chose et n'ont rien fait », a-t-elle déclaré par voie de communiqué.