Les sondages ne présagent pas une victoire de Québec solidaire, mais ils esquissent un scénario possible : l'élection d'un gouvernement minoritaire. La balance du pouvoir pourrait bien se retrouver entre les mains du parti de gauche. Manon Massé pose une condition sine qua non à toute collaboration : le gouvernement devra réformer le mode de scrutin.

Le printemps dernier, dans un rare consensus, la Coalition avenir Québec, le Parti québécois et Québec solidaire ont fait une sortie commune en faveur d'un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte pour les élections de 2022.

Une telle réforme ferait en sorte qu'une partie des élus représenteraient une circonscription, alors que les autres seraient désignés à partir d'une liste électorale. Ces députés «de liste» seraient répartis en fonction de la part des votes que chaque parti a obtenue. Ce serait ainsi la fin de l'actuel scrutin uninominal à un tour.

Seul le Parti libéral s'oppose à l'idée d'une réforme, bien qu'il en ait été un partisan après les élections de 1998, où il avait obtenu plus de voix que le PQ, mais récolté moins de sièges. Les libéraux considèrent aujourd'hui que la représentation des régions pâtirait de la proportionnelle.

Pour avoir la collaboration de QS, un gouvernement minoritaire devrait mettre en place la réforme du mode de scrutin, insiste sa co-porte-parole Manon Massé, en entrevue avec La Presse.

«Québec solidaire a toujours travaillé en collaboration avec n'importe quel autre parti quand c'est pour être au service du monde. Ce n'est pas fermé, l'idée de collaborer», dit Manon Massé.

«Je pense que la première collaboration annoncée, que ce soit le Parti québécois ou la CAQ, ça va être sur la réforme du mode de scrutin. Je m'attends à ce qu'ils tiennent parole, sinon je vais hurler!»

Manon Massé ne veut pas laisser croire que son parti danserait le tango aisément avec un gouvernement minoritaire. «Il faudrait que la CAQ revire de bord pour qu'il y ait des budgets acceptables pour nous! On est loin, très loin l'un de l'autre sur notre vision de l'économie», dit-elle à titre d'exemple.

Pas juste des dépenses

Parmi ses priorités, Manon Massé signale la mise sur pied d'une «assemblée citoyenne représentative» qui serait chargée de rédiger la Constitution d'un Québec indépendant. Il y a bel et bien de l'appétit pour le projet souverainiste, selon elle.

«Ça dépend comment tu en parles! Juste dire "la question nationale", c'est plate à mort! Les nouvelles générations ont envie qu'on leur parle d'un rêve et qu'on leur montre comment on a besoin de récupérer l'ensemble de nos leviers décisionnels pour être capables de protéger notre eau potable, dire non aux pipelines», par exemple. De son côté, le Parti québécois «a arrêté d'en parler depuis 1995, ou alors il en parle très mécaniquement. On ne rêve plus du Québec que l'on souhaite»!

QS ambitionne de couper de moitié les tarifs des transports collectifs. Il chiffre à 428 millions de dollars le coût de sa promesse.

Manon Massé priorise également la création d'une assurance dentaire publique pour tous, un engagement qu'elle évalue à 950 millions de dollars par année.

Une réforme des normes du travail est également nécessaire, selon elle, pour, par exemple, hausser le salaire minimum à 15 $ l'heure.

«Mais on ne fera pas juste des dépenses! On va aussi enclencher ce que ça nous prend pour les revenus.»

Son plan d'action : couper la rémunération des médecins, taxer le commerce en ligne et créer une société publique (Pharma-Québec) afin de réduire le prix des médicaments.

Au-delà du «Plateau»

C'est la cinquième campagne électorale de QS, mais la première sans Françoise David et Amir Khadir sur les rangs. «Les gens vont voir que ça continue dans le même sens et qu'on n'y va pas selon les aléas d'un chef qui change d'idée», soutient Manon Massé.

La présente campagne, «c'est la plus grosse qu'on a jamais faite. On est mieux organisés, mieux structurés, [on a] plus de financement et plein de monde sur le terrain».

Elle envisage «l'élargissement du développement » du parti, qui est passé de 3,6% des voix en 2007 à 7,6 % en 2014. «Québec solidaire à Québec, c'est plus que possible ! Il y a des courses à quatre dans Taschereau et Jean-Lesage », où deux ex-candidats d'Option nationale se présentent, Catherine Dorion et Sol Zanetti. Manon Massé en profite pour déboulonner ce qu'elle considère comme un mythe : «Ça relève de l'imaginaire, "Québec solidaire montréalais". Il y a plus de membres à l'extérieur de Montréal qu'à l'intérieur de Montréal. L'association au Québec où il y a le plus de membres, c'est Taschereau. Ce n'est pas le Plateau Mont-Royal!»