Analyse. Pauline Marois avait besoin d'un gouvernement majoritaire pour survivre. Un scénario désormais bien peu probable, si l'on en croit les sondages. Même si le résultat de lundi est passablement serré, on peut s'interroger sur les lendemains d'une défaite pour celle qui a lancé ses troupes en campagne il y a un mois.

Après son passage à la Chambre de commerce de Montréal, hier, Mme Marois faisait songer au pilote d'avion qui, se voyant piquer du nez, agite frénétiquement toutes les manettes. Elle a brandi des baisses d'impôts dans deux ans, après l'atteinte du déficit zéro - Jean Charest avait fait la même chose en 2007, sans grand succès. Il venait pourtant de mettre la main sur 1 milliard de transferts fédéraux supplémentaires.

L'entourage de Mme Marois chuchote que les résultats, lundi, seront bien plus serrés que prévu. Et pour fermer la boucle, le PQ passait sous la manche ces dernières heures un sondage interne montrant que la CAQ avait désormais rejoint les libéraux chez les francophones, à 26%, derrière le PQ à 37%. Cela signifierait une très courte victoire du PLQ, clairement minoritaire soutient-on, un constat toutefois à l'opposé de la totalité des sondages indépendants rendus publics jusqu'ici.

Avec une défaite péquiste, Pauline Marois serait dans l'obligation de passer la main. Déjà dans les coulisses du parti, on cherche des coupables pour cette campagne ratée. Il y a un mois seulement, la victoire paraissait dans le sac. Pierre Karl Péladeau est montré du doigt; dès son arrivée les problèmes ont commencé pour le PQ. Mais ultimement, ce serait Mme Marois qui aurait à rendre des comptes - le putsch avorté de 2011 n'est pas si loin, les acteurs sont toujours au sein du caucus péquiste.

Ses conseillers savent exactement où et pourquoi ils ont échappé le ballon au cours des 30 derniers jours. Mais la campagne est inexorablement derrière eux. Pierre Karl Péladeau n'aurait pas dû lever le poing, son texte avait été soigneusement rédigé par Stéphane Gobeil, un vétéran. Chaque expression avait été soupesée le vendredi soir précédant le «dimanche noir». Le geste belliqueux, lui, n'était pas prévu.

Pas prévue non plus la grogne des journalistes privés de point de presse le jour du déclenchement des élections. Pas davantage dans le plan de match, les tergiversations de la chef sur les frontières du Québec, ou la monnaie d'un Québec souverain. Mme Marois n'a gagné aucun des deux débats - son body language dans le premier échange l'a révélée nerveuse, fébrile. La sortie de Janette Bertrand sur la Charte aura été contreproductive. Dans les derniers jours, Mme Marois a spéculé sur les congédiements et le recours à la clause dérogatoire, deux scénarios qu'avait pourtant refusé de cautionner Bernard Drainville pendant des mois.

Advenant une défaite de Mme Marois et sa démission à la direction du parti, Bernard Drainville aurait sa chance, lui qui se voit chef depuis son entrée en politique. Il peut compter déjà sur plusieurs appuis dans la machine. Jean-François Lisée sera tenté aussi, même s'il est bien moins populaire chez les militants. Pierre Duchesne a pu avoir des prétentions, mais il est plutôt susceptible de se rallier à son compère de Radio-Canada, Drainville.

Mais c'était avant l'entrée en scène de Pierre Karl Péladeau, qui voudra sûrement lui aussi devenir chef. Le patron de presse peut s'engager une armée d'organisateurs - déjà au siège social de Québecor, le message téléphonique de Martin Tremblay, son vice-président-à-tout-faire, prévenait «de retour le 8 avril». Mais il est loin d'être sûr que la greffe prendrait au PQ, M. Péladeau ne correspond pas du tout au brand du parti, plutôt gauchisant, indiquent déjà des organisateurs.

Un mariage de raison

Ici, il faut rappeler que l'union du PQ avec sa «Dame de béton» a toujours été un mariage de raison. À la direction de 2005, elle n'avait reçu l'appui que de 20% des militants. Elle devait quitter le parti quelques mois plus tard. Revenue en 2007, après qu'André Boisclair eut démissionné, elle avait annoncé un réalignement du parti sur l'axe gauche-droite. L'arrivée de Québec solidaire aura forcé la mise au rancart de ce programme centriste. Une bonne performance aux élections de 2008 a ramené Mme Marois comme chef de l'opposition.

Normalement, avec l'alternance habituelle au Québec, Pauline Marois pouvait espérer devenir première ministre sans trop de problèmes. Elle sera bien élue quatre ans plus tard, mais minoritaire. Après des mois de turbulences, de scandales, des semaines de crise sociale dans les rues, les libéraux de Jean Charest sont tout de même revenus avec 50 circonscriptions, seulement 4 de moins que le PQ.

A-t-elle déjà connecté avec la population? Sa popularité a fait un bond important en août 2013, après la catastrophe de Lac-Mégantic, où elle avait été perçue à la fois comme solide et empathique. Mais il lui faudra attendre décembre pour être perçue comme meilleure première ministre que Philippe Couillard. Ce dernier était alors aux prises avec sa dissidente Fatima Houda-Pepin. Mme Marois n'a jamais eu ce surcroît de popularité lié à la fonction qu'elle occupe. Plus encore, en pleine campagne électorale, Philippe Couillard est repassé devant elle dans les sondages comme le plus «premierministrable».