Philippe Couillard voudrait lancer une étude environnementale stratégique (ÉES) sur le pétrole, et si possible suspendre les forages exploratoires avec fracturation hydraulique à Anticosti durant ce travail.

«C'est ce que je souhaite», a répondu le chef libéral en conférence de presse à Sherbrooke. Mais il promet de «respecter l'entente» signée par le gouvernement Marois cet hiver.

En vertu de cette entente, Québec a investi 115 millions de dollars pour prendre part dans deux sociétés qui exploreront le pétrole de schiste sur l'île d'Anticosti.  Cette entente comporte des clauses de confidentialité. M. Couillard ne l'a pas lue. «L'entente signée par l'État est peut être liante», a-t-il rappelé. Il ne sait donc pas s'il serait possible de suspendre les forages exploratoires.

Le gouvernement péquiste souhaite procéder dans l'ordre inverse. Les forages, qui nécessitent de la fracturation hydraulique, doivent précéder les études environnementales. La raison: ils fourniront des données pour mieux documenter les risques, a déjà soutenu le ministre de l'Environnement Yves-François Blanchet.

Questionné à ce sujet, M. Couillard a répondu le contraire. Mais ce qui l'inquiète, c'est surtout «le partage de risques» financiers entre l'État et le privé. Mme Marois a fait miroiter un potentiel pétrolier de 46 milliards de barils à Anticosti.

Le chef libéral voit «deux drapeaux rouges se lever» à ce sujet: le rapport Sproule, qui évalue à 10% la probabilité qu'un tel potentiel se concrétise. Et le fait «qu'il n'y a pas de partenaire majeur de l'industrie pétrolière qui s'est intéressé au projet». Québec s'est associé à un partenaire au passé ombrageux, et cherche encore un partenaire pour son autre coentreprise.

Des «questions essentielles» ont été négligées selon M. Couillard.  «Comment on fait pour avoir un port en eau profonde à Anticosti? Qu'est-ce qu'on va faire avec le gaz naturel qui va être extrait en même temps que le pétrole?», a-t-il demandé.

L'économie d'abord

Selon un bulletin de groupes environnementaux, les libéraux font piètre figure en environnement. Ils obtiennent une note de 33%, devant les caquistes (28 %), mais derrière les péquistes (45,5%) et les solidaires (98%).

M. Couillard n'a pas rendu disponible la plateforme de son parti. Il faut consulter à la pièce les communiqués de presse du parti, dont très peu parlent d'environnement. «Ça ne veut pas dire qu'on ne s'y intéressera pas», s'est défendu M. Couillard, en assurant qu'il voudrait réduire les émissions de gaz à effet serre (GES).

«Mais je veux répéter le message, a-t-il poursuivi. On va avoir un gouvernement qui va se concentrer pas totalement, mais très majoritairement à l'économie et à l'emploi, parce que c'est ça, le gage de réussite de nos services publics.»

«Je rappelle toujours que dans l'expression développement durable, il y a le mot développement», a-t-il ajouté.

La cible de réduction des GES des libéraux pour 2020: 20% sous le niveau de 1990. Celle des péquistes: 25% sous le niveau de 1990. Québec peine actuellement à atteindre ses cibles de Kyoto et les programmes lancés sous les libéraux ont été 10 fois moins efficaces que prévu.

Le gouvernement péquiste n'a pas eu le temps de mettre à jour le plan d'action des libéraux contre les changements climatiques, ce que déploraient cet hiver les environnementalistes.

Stratégie maritime : du mazout au gaz

M. Couillard soutient que sa stratégie maritime, qui veut relancer l'économie autour du transport sur le fleuve Saint-Laurent, serait verte. «On va encourager les navires à faire une migration du mazout lourd vers le gaz naturel liquéfié. C'est un gain important en terme de gaz à effet de serre.»

Le chef libéral a aussi parlé du marché du carbone, lancé par le gouvernement Charest et poursuivi par le gouvernement péquiste. Et il a dit qu'il poursuivrait l'électrification des transports proposée par le gouvernement péquiste, sans donner plus de détails.

Le gouvernement péquiste préparait un projet de loi sur les milieux humides. On ignore si les libéraux poursuivraient ce travail.

Quant au gaz de schiste, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) doit remettre son étude avant la fin de l'année. Le gouvernement péquiste avait déposé un projet de loi pour créer un moratoire durant cinq ans. La loi  interdirait la fracturation hydraulique, mais seulement pour le gaz, et seulement dans la vallée du Saint-Laurent. Elle ne s'appliquerait donc pas à Anticosti. Il n'y a pas d'acceptabilité sociale dans la vallée, une zone habitée, ce qui n'est pas le cas de l'île d'Anticosti, peuplée par moins de 1000 habitants, expliquait le gouvernement péquiste.

Après avoir reçu le rapport du BAPE, en 2015, un gouvernement libéral relancerait-il l'industrie du gaz de schiste? «C'est une question essentiellement théorique», a répondu M. Couillard, car cette filière ne serait pas rentable actuellement au Québec à cause du faible prix du gaz. 

Si le marché s'améliore, il s'inspirerait de l'Angleterre. «Après avoir fait un moratoire sur la fracturation du gaz de schiste, ils ont redémarré (cette filière), mais avec un ensemble de règles très précises sur l'acceptabilité sociale, la communication et la transparence. Ça s'appelle les golden rules