Volte-face au Parti québécois: Pauline Marois envisage maintenant d'utiliser la clause nonobstant pour déroger à la Charte canadienne des droits et protéger sa charte des valeurs contre les contestations devant les tribunaux.

Jusqu'ici, le PQ avait écarté cette option, affirmant que la charte repose sur des assises juridiques solides.

« Nous entendons des bruits assez sérieux à l'extérieur du Québec où on voudrait pouvoir contester cette charte. Et on ne prendra pas de chances, tout simplement », a expliqué la chef péquiste en conférence de presse à Trois-Rivières lundi. « Si ça nous prend des outils juridiques plus puissants, on va les utiliser. »

Son ministre de la Justice, Bertrand Saint-Arnaud, avait refusé de confirmer l'existence même d'avis juridique de son ministère sur le projet de charte. Mais Pauline Marois a laissé entendre qu'elle en a plusieurs en sa possession et qu'ils sont contradictoires. « Nous avons fait faire des évaluations, nous avons eu des avis juridiques. Certains nous disent que cette charte pourrait tenir la route. Mais cependant, je tiens à ce point à cette charte que s'il faut aller vers une dérogation, nous le ferons », a-t-elle dit, confirmant que des avis « disent qu'il y a des risques ».

« Nous voulons être certain que cette charte puisse être adoptée et puisse s'appliquer. Et quand on voit les articles qui sont faits ailleurs qu'au Québec, on a l'impression qu'on veut intervenir dans notre campagne. Je pense qu'à ce moment-là, pour qu'il n'y ait aucun doute pour la population, encore une fois nous allons faire repréciser encore nos avis juridiques, mais s'il s'avérait que cette charte puisse être contestée, nous appliquerons la clause dérogatoire », a-t-elle plaidé.

Cette clause serait ajoutée au projet de charte avant son adoption. Un gouvernement péquiste n'attendrait donc pas un affrontement devant les tribunaux. « Je souhaiterais, et je vais faire creuser davantage la question lorsque nous reviendrons au gouvernement, que si les risques s'avèrent importants, on l'intégrerait à la charte avant qu'elle ne passe par les tribunaux et ne soit invalidée. On a vu comment notre loi 101 a été charcutée à un certain moment, alors on ne voudrait pas prendre la même chose », a-t-elle expliqué.

Des partis fédéraux ont déjà signalé leur intention de contester la charte devant les tribunaux si elle devait être adoptée. Pauline Marois se défend de vouloir une « prise de bec avec les partis fédéraux » ou encore un affrontement avec Ottawa pour faire mousser son option souverainiste.

« On ne cherche pas de chicanes avec Ottawa, jamais. Ce qu'on cherche, c'est qu'Ottawa respecte le Québec, respecte nos lois, respecte nos orientations, notre langue. Notre objectif, ce n'est pas des chicanes avec Ottawa, c'est de pouvoir choisir note propre chemin et que celui-ci soit respecté par Ottawa. »

Pauline Marois affirme qu'elle n'est « pas désespérée » en abattant une telle carte en fin de campagne. « On entend beaucoup de bruit de l'extérieur du Québec. Je n'ai jamais vu autant d'articles de médias en dehors du Québec qui concernent notre élection. On n'a jamais vu ça », a-t-elle affirmé pour justifier sa sortie.

« On voit qu'il y a un peu d'ébullition ailleurs au Québec sur cette question. Et moi, je veux que cette charte ne soit pas simplement un document qu'on va mettre sur la tablette et qu'on devra mettre à la poubelle parce qu'il sera contesté. »

Elle a défendu le recours à la clause nonobstant en rappelant qu'elle est prévue à la constitution canadienne « pour permettre à des sociétés d'adopter des lois, des politiques qui respectent ce qu'ils sont et qui respectent tout à fait la majorité par exemple ». « C'est dans ce sens-là qu'il ne faut pas avoir peur de cette clause et ne pas la démoniser », a-t-elle insisté.