Trois partis, trois chefs, mais une dernière ligne droite. Et surtout un seul gagnant. Pauline Marois, Philippe Couillard et François Legault entament aujourd'hui une course à un rythme fort différent: plus d'intensité, davantage de précision. Les tournées vont accélérer le rythme, mais les itinéraires seront désormais soigneusement évalués.

Les vieux organisateurs politiques avaient de ces raccourcis: «les résultats aux élections ressemblent à la photo du début de campagne». On disait aussi que plus rien ne bougeait après le débat télévisé - il n'y en avait qu'un à l'époque.

Tout a changé. Est-ce l'information continue, les médias sociaux? Les occasions pour les chefs de croiser le fer durant une journée sont décuplées. Les points de presse de la dernière semaine se transforment en autant de chemins truffés de mines. Un faux pas et quelques points s'envolent, une conséquence déterminante dans une course à trois.

Pauline Marois bourdonnera beaucoup autour de Montréal. Le Parti québécois (PQ) paraît avoir renoncé aux dépouilles de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans la région de Québec, et elle ne s'est pas rendue dans plusieurs régions. On concentrera le tir dans le 450, puis en Mauricie. En fin de semaine, Mme Marois a tenu ses événements dans une circonscription péquiste, soit Sainte-Marie - Saint-Jacques. On peut penser que la candidate de Québec solidaire, Manon Massé, souffle dans le cou de Daniel Breton.

Beaucoup d'identitaire pour cette dernière ligne droite du côté du PQ - de la Charte, mais aussi de la langue, après les hésitations de Philippe Couillard lors du débat sur cette question névralgique en région.

Après un excellent débat, François Legault se sentira décoller... à tort ou à raison. On peut penser que sa performance favorisera la mobilisation des bénévoles, c'est déjà ça. Legault n'économisera pas l'essence de son autocar d'ici le 7 avril et circulera entre Québec et Montréal, comme depuis le début de la campagne.

Après une semaine passée sur la défensive, Philippe Couillard appuiera aussi sur l'accélérateur au milieu de la semaine. Après des passages à Drummondville et à Sherbrooke, il faut prévoir que les libéraux engageront un sprint intense qui leur permettra de se rendre, pour la seconde fois, dans des régions où Mme Marois n'a même pas mis les pieds. Une démarche susceptible de faire bouger l'aiguille en région, estiment des vétérans libéraux.

Les stratégies passées

C'est cette stratégie que Daniel Johnson avait choisie - il avait adopté un rythme démentiel en fin de campagne, en 1994, contre Jacques Parizeau. Pietro Perrino était déjà là à l'époque avec Daniel Johnson, il est revenu dans la cabine de pilotage au Parti libéral. En 1994, Johnson avait perdu, mais il avait fait bien mieux que le prédisaient les sondages en début de campagne. Après deux mandats libéraux, il était revenu avec 47 députés.

Depuis ce scrutin, il est devenu évident que les fins de campagne peuvent influencer les résultats. Les observateurs ont ainsi expliqué la déception péquiste: Jacques Parizeau aurait levé le pied de l'accélérateur au cours des derniers jours. Des factions au sein du PQ ont rendu l'organisateur Pierre Boileau responsable de la déception, après un résultat moins bon que ce que prévoyaient les sondages.

Loin d'être un long fleuve tranquille, les fins de campagne sont toujours palpitantes.

En 2007, après une campagne ratée, Jean Charest a abattu une carte majeure à sept jours des élections!

Une baisse d'impôt de 950 millions, grâce au budget que venait tout juste de déposer Ottawa. Stephen Harper était furieux, et la stratégie a fait long feu; Mario Dumont, de l'ADQ, avait misé dès le début sur une prestation de 100 $ par enfant, par semaine, pour les mères qui restaient à la maison - une promesse irréaliste, qui a fait recette.

Du côté du PQ, André Boisclair coulait comme une roche. Pour sa fin de course, il avait promis que, même minoritaire, un gouvernement péquiste tiendrait un référendum. Une stratégie perdante.

En 2003, Bernard Landry avait le vent en poupe au début de la campagne - les électeurs étaient à 53 % satisfaits de sa gouvernance. Mais des promesses erratiques - la semaine de quatre jours pour tous, appuyée par des études fantômes - ont fait déraper la campagne. En effet, chez Pauline Marois, on avait vite chuchoté que la ministre plénipotentiaire de l'Économie n'avait jamais entendu parler de cet engagement.

La fin de campagne a été un long supplice pour le «militant exemplaire». L'ADQ s'était écrasée, le PQ ne pouvait battre le PLQ en combat singulier. Bernard Landry avait baissé les bras après le quiproquo autour des déclarations de Jacques Parizeau.

En 1998 également l'issue du scrutin était prévisible plusieurs jours à l'avance.

Avec «la confiance» comme slogan, Lucien Bouchard naviguait en tête. Il mobilisait ses troupes en soutenant que sa victoire, le 30 novembre, était la première «condition gagnante» vers la souveraineté. Roublard, il tenait un autre langage pour le reste des électeurs: il s'agissait alors de combattre «l'union sociale», un sombre projet du gouvernement de Jean Chrétien pour étrangler le Québec, disait-il. Des miroirs aux alouettes, utiles jusqu'aux élections.