C'est une onde de choc dans la campagne électorale. Après avoir passé les derniers mois à jurer qu'il ne se lancerait pas en politique, Pierre Karl Péladeau se présente pour le Parti québécois dans Saint-Jérôme. Il le fait pour «le pays», sans nier son ambition de devenir chef et en restant l'actionnaire de contrôle de Québecor.

«Je m'engage au Parti québécois parce que j'ai la conviction extrêmement profonde de faire du Québec un pays», a-t-il lancé en conférence de presse avec la chef Pauline Marois. La salle était bondée de militants, qui malgré les demandes du parti applaudissaient et chahutaient parfois les journalistes.

M. Péladeau a quitté hier matin ses fonctions de président des conseils d'administration de TVA, Québecor Médias et Hydro-Québec, ainsi que la vice-présidence du conseil de Québecor. Mais il demeure l'actionnaire de contrôle de Québecor.

Il a déjà contacté le commissaire à l'éthique et à la déontologie de l'Assemblée nationale pour gérer la transition. S'il est élu, en moins de 60 jours, il s'engage à «placer tous [ses] avoirs économiques au sein d'une fiducie sans droit de regard». Il «n'a pas l'intention» de demander à la fiducie de vendre ses actions de Québecor. Au contraire, «des instructions de cette nature vont être effectivement émises aux mandataires» pour ne pas vendre ces actions, a-t-il dit. Québecor a des relations avec l'État, notamment par le biais de ses différents crédits d'impôt. «Vous savez, il y a plusieurs autres actionnaires de Québecor, dont la Caisse de dépôt, qui participent à l'enrichissement collectif. Alors les actionnaires de Québecor sont très nombreux. Je ne vois pas de conflit d'intérêts», a-t-il commenté.

M. Péladeau avait quitté l'année dernière son poste de président et chef de la direction de Québecor. Il avait ensuite offert à Mme Marois de «servir». Elle l'a nommé, sans rencontrer d'autre candidat, à la tête de la présidence du conseil d'administration d'Hydro-Québec.

Mme Marois confirme qu'elle l'a approché «il y a quelques mois» pour qu'il devienne candidat. Elle n'a jamais cessé de rencontrer son entourage pour le convaincre. M. Péladeau a finalement pris sa décision il y a six jours, a-t-elle affirmé. Il a signé sa carte de membre hier matin.

Il affirme avoir été convaincu par l'insistance de Mme Marois et aussi par le soutien de son ex-conjointe et mère de deux de ses trois enfants, Julie Snyder. À la suggestion de son avocat, ils consultent une médiatrice qui est aussi psychanalyste. Cela l'aide à gérer cette «étape éprouvante» de sa vie.

Il a aussi dit faire le saut pour son célèbre père, «un bâtisseur du Québec». «Je sais qu'il serait très fier de la décision que j'ai prise il y a quelques jours.»

Pour devenir le prochain chef?

A-t-il l'ambition de succéder à Mme Marois? «J'ai l'intention d'être élu et de représenter les électeurs et électrices de Saint-Jérôme», a-t-il répondu. Pressé par un journaliste, il a refusé plus tard en conférence de presse de répondre par oui ou non à cette question. «Je pense avoir répondu à la question. La réponse est adéquate.»

Durant le lock-out au Journal de Montréal, le PQ voulait moderniser le Code du travail pour empêcher les cadres de faire à distance le travail des lock-outés. M. Péladeau s'y opposait fermement. Cette proposition figure dans le programme électoral du PQ, mais elle a été abandonnée samedi dans la plateforme. Mme Marois assure qu'il n'y a «aucun lien» avec le recrutement de son candidat-vedette dans Saint-Jérôme.

À la tête de Québecor, M. Péladeau a déclenché plusieurs lock-out. De 2000 à 2009, il fut responsable de 54% des journées par personne perdues au Québec à cause d'un lock-out, lui a déjà reproché le péquiste Stéphane Bergeron.

Son arrivée annonce-t-elle une rupture avec les sympathies syndicales du PQ et un virage à droite? Le Parti québécois n'est «ni à gauche ni à droite, il est en avant», a-t-il répondu, en reprenant la formule de Bernard Landry.

L'homme d'affaires a la réputation d'être frondeur. Il promet d'ajuster son style. Après avoir servi ses actionnaires, il dit vouloir servir la collectivité. «Je ne crois pas que l'État doit être géré comme une entreprise», a-t-il avancé. Il veut «renouveler le défi de l'entrepreneurship et de la propriété de nos entreprises».

Un journaliste de TVA lui a demandé comment il «assurerait l'indépendance de l'entreprise» maintenant qu'il s'engage en politique. «La direction [de Québecor] n'intervient pas dans le contenu éditorial», a-t-il répondu, en disant que rien ne changerait.