Le parcours des autocars de campagne des chefs en dit long sur leur stratégie dans cette joute électorale. Dans la dernière ligne droite, le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont tenté de sauver les meubles. À l'inverse, galvanisé par les sondages, le Parti libéral s'est porté à l'offensive.

La campagne électorale qui s'achève s'est principalement jouée dans le 450, révèle une analyse de la tournée des autocars des chefs de parti réalisée par La Presse. Une compilation inédite de tous les arrêts effectués depuis un mois démontre aussi à quel point les sondages de mi-campagne ont changé la stratégie des partis sur le terrain.

Pas moins de 92 des 233 arrêts faits par les autocars électoraux depuis le déclenchement des élections ont eu lieu en banlieue de Montréal, démontre le décompte de La Presse.

«Pour le Parti québécois, c'est là où il pouvait et peut encore faire des gains, plusieurs circonscriptions étant prenables. Si le PQ voulait une majorité, c'est là qu'il pouvait espérer l'obtenir. Et à l'inverse pour la Coalition avenir Québec, c'est là qu'elle a le plus à perdre», analyse le politicologue Réjean Pelletier, de l'Université Laval, à qui nous avons soumis nos données.

Moins courtisés dans la première moitié de la campagne, la Mauricie et le Centre-du-Québec ont surtout suscité l'intérêt des partis après le débat.

Les trois principaux partis ont toutefois consacré peu d'attention à Montréal. Même le chef libéral y a passé très peu de temps alors que son parti détient pourtant 20 des 28 sièges en jeu. «Le 514, c'est acquis pour le PLQ. Ça peut sonner un peu cru, mais ils n'ont pas de temps à dépenser en y allant, dit Réjean Pelletier. S'il y a une lutte qui se fait dans l'île, c'est entre le PQ et QS, et non avec le PLQ et la CAQ.»

En deux temps

La tournée des chefs démontre également que la campagne a profondément changé lorsque les sondages ont indiqué que les libéraux prenaient les devants dans les intentions de vote. Les trois principaux partis ont alors semblé réajuster le tir.

Partie première dans les sondages, Pauline Marois avait lancé sa tournée en visitant principalement des circonscriptions où des gains semblaient possibles. À partir du premier débat, le Parti québécois a toutefois commencé à se rendre davantage dans des secteurs menacés par leurs rivaux.

Philippe Couillard avait pour sa part abordé cette campagne plus prudemment, ciblant d'abord des circonscriptions déjà libérales. C'est lorsque les sondages se sont montrés favorables à son endroit que le Parti libéral s'est mis à courtiser davantage les circonscriptions détenues par ses adversaires.

En difficulté dans les sondages, François Legault a quant à lui mené une campagne à fond de train, effectuant le plus grand nombre d'arrêts. Sa tournée a aussi changé de cible à la mi-campagne, délaissant quelque peu les visites des circonscriptions des rivaux de la CAQ pour se concentrer sur celles remportées en 2012.

Alors que plusieurs s'attendaient à ce que péquistes et libéraux visent des gains en territoire caquiste, l'itinéraire des autocars permet de constater que c'est avant tout le PQ qui s'est retrouvé dans le feu croisé de ses adversaires. Les péquistes ont vu leurs rivaux faire 69 arrêts dans leurs circonscriptions, contre 45 pour le PLQ et 38 pour la CAQ.

Cap sur les circonscriptions volages

Nos données démontrent également que les chefs visitent davantage les circonscriptions gagnées en 2012 avec des majorités inférieures à 3000 voix. Des 233 arrêts faits par les chefs depuis le début de la campagne, les deux tiers ont eu lieu dans ces secteurs jugés «prenables». Pourtant, ces sièges représentent seulement 42% des 125 en jeu.

À l'inverse, les chefs visitent peu les circonscriptions gagnées par de fortes majorités. À peine 7% des arrêts ont eu lieu dans des secteurs où les majorités dépassaient 10 000 votes. Ils représentent pourtant 17% des sièges en jeu.

«Ces chiffres nous montrent à quel point les partis sont des machines à gagner des votes, dit Jean-Herman Guay, de l'Université de Sherbrooke. On dit souvent que ce sont des machines qui véhiculent des idées, mais on voit que les partis vont aux endroits où ils pensent pouvoir emporter la circonscription.»

Les campagnes électorales ont beau se dérouler principalement dans les médias depuis 50 ans, la tournée des chefs demeure toujours aussi importante, rappellent les politicologues. Et ce, même si les arrêts sont souvent brefs, permettant de rencontrer seulement une poignée d'électeurs. «Dans bien des circonscriptions, les gens sont satisfaits de savoir que les chefs de parti sont passés, même si ç'a été rapide. Ils se disent «on n'a pas été oubliés», dit Réjean Pelletier.

Il serait pratiquement impossible pour un chef de visiter toutes les circonscriptions. Pour y arriver, son autobus devrait faire quatre arrêts par jour durant toute la campagne, sans jamais revenir sur ses pas. Or les partis aiment souvent revenir une deuxième ou même une troisième fois dans certains secteurs qui pourraient basculer dans leur camp le jour du vote. «Même si on est deuxièmes, dit Réjean Pelletier, il faut montrer qu'on ne désespère pas de conquérir une circonscription.»

21 circonscriptions visitées par les 3 chefs

Dans le 450

• Brome-Missisquoi (Montérégie)

• Chomedey (Laval)

• Granby (Montérégie)

• Groulx (couronne nord)

• La Prairie (Montérégie)

• Montarville (Montérégie)

• Saint-Hyacinthe (Montérégie)

• Saint-Jérôme (couronne nord)

• Sainte-Rose (Laval)

• Taillon (Montérégie)

Dans le 418

• Lévis (Chaudière)

• Montmorency (Québec)

• Portneuf (Québec)



Dans le 819


• Drummond-Bois-Francs (Centre-du-Québec)

• Maskinongé (Mauricie)

• Nicolet-Bécancour (Centre-du-Québec)

• Sherbrooke (Estrie)

• Trois-Rivières (Mauricie)

Dans le 514

• Saint-Henri-Sainte-Anne (Montréal)

• Sainte-Marie-Saint-Jacques (Montréal)

• Westmount-Saint-Louis (Montréal)