Avec un parti qui bat de l'aile dans les sondages, à dix jours du vote, le chef de la Coalition avenir Québec François Legault a tout donné lors du dernier engagement télévisé devant ses adversaires. À l'évidence le plus combatif, il a asséné de solides coups à Pauline Marois et Philippe Couillard.

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>> Moins de «garrochage de boue» que prévu, se réjouit Françoise David

>> Un « tournant historique », dit Legault

>> Couillard dit être resté digne et «debout»

>> «Je vais être capable d'écouter les Québécois», dit Pauline Marois

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On sentait l'énergie du désespoir chez ce politicien dont le parti risque de disparaître. Champion de l'image-choc, il a clairement marqué des points, s'en prenant à la chef péquiste et au chef libéral.

Après s'être défendu avec vigueur sur les questions d'éthique, le chef libéral paraissait moins préparé aux questions de langue et de Charte des valeurs. Un feu roulant d'attaques de Legault lui a permis de renvoyer dos à dos Pauline Marois et Philippe Couillard.

Sur la défense du français, le chef libéral a cru bon défendre la connaissance de l'anglais, même pour les employés d'usine, recul qui a littéralement fait bondir M. Legault et Mme Marois. Le chef caquiste a par ailleurs soutenu qu'une entente était à portée de main entre son parti et le gouvernement, mais Mme Marois « voulait garder cela pour les élections ». Les citoyens « veulent vivre en français, et ça, M. Couillard, ça l'achale ! », de lancer le caquiste.

Sur la Charte, Philippe Couillard n'a pu répliquer avec aplomb quand Legault a demandé si une policière pouvait porter un signe religieux. « Ce soir, vous patinez ! Il y a une majorité de Québécois qui pensent qu'une policière ne devrait pas porter de signe religieux. Vous n'êtes pas capable de défendre l'identité ! », de lancer Legault. « Vous êtes insultant ! Il existe une loi, on ne s'habille pas comme on veut pour aller faire la police ! Arrêtez de créer des problèmes qui n'existent pas ! », de répliquer le chef libéral. Par son ton solennel, Philippe Coullard voulait manifestement jouer la carte du futur premier ministre. Mais désavantagé par la position assise, il a semblé à quelques reprises manquer de tonus au fil des deux heures d'échanges.

Mme Marois ne fut pas en reste. Le chef caquiste lui a rappelé que la position de son parti - l'interdiction limitée aux fonctionnaires en position d'autorité et aux enseignants - avait obtenu l'appui de MM. Parizeau, Bouchard et Duceppe. Entre le PLQ, qui prône la liberté totale, et le PQ qui veut tout interdire, la CAQ proposait une solution susceptible de rassembler les Québécois, dira Legault. Il s'en est pris à Mme Marois. « Si jamais il y a un gouvernement libéral qui arrive, vous aurez raté l'occasion d'avoir une charte. Vous avez étiré le dossier pendant huit mois, alors que c'est un dossier explosif. Vous ne vouliez pas régler ! », a lancé le caquiste. 

Si Pauline Marois, jouant de prudence, était clairement préparée à attaquer Philippe Couillard, elle était moins d'attaque devant François Legault. Elle a mieux fait qu'au débat de la semaine précédente, mais n'a pas asséné le coup décisif susceptible de marquer l'opinion publique. Legault l'a frappé durement. « Trois promesses, trois mensonges ! », a-t-il martelé, la taxe santé existe encore, les tarifs d'électricité ne sont pas gelés, pas plus que les frais de garderie.

Au chapitre de l'intégrité, Legault s'est là encore porté à l'attaque, soulignant qu'il y avait « un éléphant dans la pièce » : les relations entre M. Couillard et Arthur Porter, ex-directeur général du CUSM. M. Couillard a répété que la société formée avec l'administrateur aujourd'hui accusé de fraude n'avait jamais fonctionné. Le ton a monté quand Pauline Marois a suggéré que cette amitié avait joué dans le contrat du CUSM : « Vous venez de montrer que vous n'avez aucun scrupule. J'ai quitté en 2008, le contrat du CUSM a été accordé en 2010 », de répliquer Philippe Couillard. Françoise David a souligné qu'il était moralement inacceptable de cacher ses revenus dans un paradis fiscal, même en toute légalité.

« Votre foulard blanc est fort taché », a lancé Couillard à Pauline Marois qui soutenait qu'il n'y avait pas eu de « deal » entre la FTQ et son mari. Michel Arsenault, sous serment, a reconnu qu'il avait frappé « un mur de béton » lors de ses rencontres avec la première ministre, d'insister Mme Marois.

François Legault réservait plusieurs flèches à son ancienne collègue péquiste. Rappelant son expérience au PQ, il a souligné que ses militants la pousseraient à tenir un référendum. « Vous devriez changer de slogan sur votre autobus, au lieu de "Déterminée" cela devait être "Déconnectée !" », a-t-il lancé martelant que 70 % des Québécois ne veulent pas de référendum.

Mme Marois a dénoncé les changements de cap de Philippe Couillard sur la question nationale : il « tente de faire dévier le débat, il n'y aura pas de référendum tant que les Québécois ne sont pas prêts. L'élection porte sur le choix d'un gouvernement. Elle a relevé que le libéral ne parle plus de son projet de faire que le Québec adhère à la constitution de 1982. Ici, le chef libéral a répliqué avec vigueur : « Je ne vous donne pas le droit de décider qui est un bon Québécois. Vous n'avez pas la franchise de dire aux Québécois que vous allez les enfermer dans un référendum. L'histoire de votre parti, c'est le piège référendaire ! »