Le dernier débat des chefs a lieu ce soir sur les ondes de TVA. Cette fois, il s'agit d'une formule face à face qui peut s'avérer plus risquée pour les chefs. Que doivent-ils surveiller pour marquer des points auprès de l'électorat? Peuvent-ils améliorer leur performance de la semaine dernière? À deux semaines des élections, tout est encore possible.

Si on en croit la twittosphère québécoise, c'est le Parti québécois qui a le plus fait jaser sur Twitter lors du débat de jeudi dernier. Le nom de Pauline Marois a été mentionné le plus souvent, suivi de près par le nom de son parti. Ces données ont été recueillies par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), qui a conçu une application pour analyser le contenu des conversations dans les réseaux sociaux. Utilisée à titre expérimental durant la précédente campagne électorale, elle permet aux chercheurs d'analyser ce qui se dit sur Twitter durant cette campagne. «On voulait voir s'il y avait un décalage entre les propositions des politiciens et les perceptions des citoyens», observe Terry Warin, vice-président au CIRANO.

Durant le dernier débat, M. Warin et son équipe ont analysé 20 000 tweets. «On ne remplacera pas les sondeurs, précise-t-il. Ces chiffres ne prédisent pas les gagnants, mais ils peuvent fournir un complément d'information.»

Les chercheurs du CIRANO ont entre autres noté que l'écart entre le nombre de mentions du nom de Philippe Couillard et celui de Pauline Marois s'était rétréci. Était-ce annonciateur de quelque chose?

Toujours est-il qu'en l'espace d'une semaine, les choses ont changé. Le Parti libéral a remonté dans les sondages, la Coalition avenir Québec a perdu des plumes et le Parti québécois est davantage sur la défensive. À partir de leur performance de jeudi dernier, que doivent faire les chefs pour améliorer leur performance ce soir? Nous avons posé la question à deux experts.

Jean-Jacques Streliski, cofondateur de Cossette, professeur à HEC Montréal

Pauline Marois

Elle va devoir jouer sur deux tableaux: attaquer et se défendre. Si elle est trop agressive et qu'on la perçoit comme irritante, ce qui arrive souvent, cela lui nuira. Attention aussi à la condescendance, ça ne passe pas au Québec. Elle a également du travail à faire pour aller chercher l'électorat de gauche.

Philippe Couillard

La dernière fois, on pouvait pardonner à Philippe Couillard une certaine nervosité, c'était son premier débat. Cette fois, il pourrait accéder au poste de premier ministre, à la tête d'un gouvernement majoritaire. Il doit l'assumer, cela doit transparaître dans son ton, son style, le timbre de sa voix. Il doit s'adresser aux autres sans condescendance.

François Legault

Il va essayer de limiter les dégâts, mais c'est dans l'isoloir que ça va se passer pour lui. Les partisans de la CAQ qui songent à voter pour un autre parti auront-ils pitié du chef? François Legault n'est pas mauvais dans les débats, mais il faudrait un miracle pour qu'il remonte dans les sondages.

Françoise David

Québec solidaire mène une campagne très gentille. Cela leur servirait d'être plus mordant, car QS peut aller chercher des votes dans une ou deux circonscriptions de l'île de Montréal. Ils ne sont pas assez virulents sur les questions qui touchent la gauche. On sent les idées politiques de Françoise David, mais pas l'ambition; elle aurait avantage à attaquer Pauline Marois sur la gauche.

Justin Kingsley, auteur et stratège, ancien responsable des relations publiques chez Sid Lee

Pauline Marois

Le secret pour moi, c'est d'être sincère, authentique, de trouver la meilleure façon d'être soi-même. Les études montrent que c'est sur la base du langage corporel que les gens prennent leur décision. Or, Mme Marois a beaucoup de travail à faire. Son slogan, c'est «déterminée»; or, son parti semble le moins bien préparé. D'un point de vue communicationnel, il y a trop de contradictions dans le message. Elle a une pente à remonter.

Philippe Couillard

Il est en bonne position, alors il sera prudent et ne prendra pas de risques. En publicité, il existe une expression: «challenge your brand». C'est ce que M. Couillard fait depuis le début de la campagne. Il a commencé sur un ton enragé, il a baissé le ton depuis, mais il semble déterminé à nous montrer qui il est, à «sortir de sa marque».

François Legault

Ce n'est pas la couleur d'une cravate qui va changer quelque chose. J'aimerais voir des candidats faire place à l'audace. François Legault est le mieux placé pour oser, surprendre les gens, car c'est celui qui a le moins à perdre.

Françoise David

C'est la meilleure sur le plan des communications depuis le début de la campagne. On sent qu'elle est authentique, comme l'était Jack Layton à l'époque. Son défi est davantage sur le plan stratégique et politique. Il y a du travail à faire de ce côté-là pour marquer des points.