Inquiets des élections à venir, une poignée de députés de la Coalition avenir Québec ont proposé aux libéraux une entente susceptible de leur éviter l'hécatombe. D'un côté, le PLQ ne présentait pas de candidats contre plusieurs élus caquistes, afin d'aider à leur réélection; de l'autre, la CAQ n'attaquait pas le PLQ durant la campagne électorale.

Les premiers échanges à ce sujet remontent à l'automne. Les caquistes proposaient alors aux libéraux de ne pas présenter de candidats dans 20 circonscriptions - essentiellement où ils étaient élus. Bien plus récemment, peu avant le début de l'élection, la demande avait fondu, on ne demandait plus que huit circonscriptions, a confié une source sûre du côté libéral. Des conseillers de la CAQ avaient évoqué ce scénario à La Presse dès novembre, le dossier est réapparu en février, jusqu'à une fin de non-recevoir sans appel du côté de Philippe Couillard.

Chez le chef libéral, une source confirme que «des députés caquistes ont parlé de ça, mais il n'y a jamais eu de négociations». Il y a eu des «conversations sur le plancher [de l'Assemblée nationale] entre des députés libéraux et caquistes», résume-t-on.

Au centre de ces tractations, Mario Charpentier, l'ancien président du parti, un de ceux qui avait le plus poussé pour la fusion de l'ADQ avec la Coalition avenir Québec de François Legault. Stéphane Le Bouyonnec et Christian Dubé n'étaient pas trop loin. François Legault a laissé planer ce scénario pour rassurer ses troupes, éviter des départs, mais n'a jamais abordé la question avec quelqu'un dans une position d'autorité au PLQ. «Il y a des gens qui souhaitaient un rapprochement», a-t-on confié dans l'entourage de M. Legault.

De l'autre côté, quelques députés libéraux, mais surtout Robert Dutil, ancien ministre de la Sécurité publique, qui doit se faire élire en Beauce, un des rares terreaux encore fertiles pour la CAQ. M. Charpentier n'a pas rappelé La Presse.

«Moi, je suis en campagne électorale, et mon adversaire, c'est un caquiste. Nous, ce qu'on veut d'abord éviter, c'est qu'il y ait des députés péquistes d'élus, avant toute chose, le moins de péquistes possible!», a soutenu jeudi M. Dutil, refusant de commenter davantage. Derrière les portes closes du caucus libéral, sans mentionner de circonscription, M. Dutil a déjà rappelé à ses collègues que «l'adversaire, c'est le PQ». La troisième voix n'a jamais été diabolisée par la famille Dutil - son frère Marcel Dutil, entrepreneur prospère, a déjà puissamment aidé l'Action démocratique du Québec.

«Il y a un mois, on n'était pas dans le même état d'esprit, on se disait: faut battre le PQ, mais serons-nous capables tout seuls?», a confié un libéral.

Le député libéral Guy Ouellette avait eu aussi des échanges de cette teneur avec Jacques Duchesneau, ex-policier comme lui.

Dans l'entourage de Philippe Couillard, on n'a jamais voulu endosser ce marché - un parti national se doit d'avoir des candidats dans l'ensemble des 125 circonscriptions. Mais en janvier et février, l'humeur était bien plus morose dans les officines libérales, où l'on entrevoyait une victoire péquiste. Des stratèges libéraux continuaient à considérer ce scénario, ne fermant pas la porte à leurs interlocuteurs de la Coalition.