Pierre Karl Péladeau promet de se plier aux directives du Commissaire à l'éthique et à la déontologie de l'Assemblée nationale. «Je vais respecter la loi, le Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, et toutes les directives qui seront énoncées par le commissaire», s'est-il engagé dans une courte déclaration écrite envoyée lundi après-midi.

M. Péladeau a quitté ses fonctions à Québecor, mais il en demeure l'actionnaire de contrôle. Que ferait-il comme député si le commissaire lui demandait de vendre ses actions? Dans sa courte déclaration, M. Péladeau ne précise pas s'il déciderait de vendre ses actions ou de quitter la politique.

Plus tôt en journée en impromptu de presse à Saint-Bruno, le candidat péquiste vedette s'était montré moins docile. Que ferait-il si le commissaire lui demandait de vendre ses actions? Il avait refusé de répondre à cette question «tout à fait hypothétique». Mais il avait précisé peu après que sa position était ferme et qu'elle «ne changera pas». «Je n'ai pas l'intention de vendre mes actions. Le mandataire va recevoir le mandat de gérer dans une fiducie sans droit de regard. Il va avoir des instructions claires, nettes et précises. Il n'est pas question de vendre Québecor», insistait-il.

Travail délicat pour le commissaire

Le Commissaire à l'éthique aura un travail délicat à faire si M. Péladeau est élu député péquiste de Saint-Jérôme. Me Jacques St-Laurent n'est pas en mesure de dire si le code d'éthique actuel exigerait que M. Péladeau vende ses actions.

«Il n'y a pas de jurisprudence», dit le commissaire, au sujet d'un élu actionnaire de contrôle d'une société publique qui détient notamment des intérêts dans des médias.

Me Saint-Laurent ne veut pas commenter le cas spécifique de M. Péladeau, car il n'est pas encore élu. Le candidat a déjà pris contact avec lui et s'engage à placer ses actions dans une fiducie ou un mandat sans droit de regard 60 jours après son élection.

C'est nécessaire, mais peut être pas suffisant. Une telle fiducie ne suffit pas à prévenir tous les risques de conflits d'intérêts, explique Me Saint-Laurent. «Un ministre a la responsabilité de ne pas vous placer dans une situation de conflit d'intérêts», dit-il. Par exemple, le ministre de la Culture, Maka Kotto, quittait le conseil des ministres lorsque des questions touchaient sa conjointe, la mairesse de Longueuil.

Le commissaire dit ne pas pouvoir «se prononcer sans connaître la nature des intérêts en jeu» ou «les responsabilités» qu'occuperaient M. Péladeau. Il fait des recommandations distinctes basées sur les particularités de chaque cas. Elles varieront, par exemple, si le ministre est responsable d'un dossier lié ou non au secteur d'activité de la société dont il est actionnaire.

La différence entre Whissell et Péladeau

Me Saint-Laurent croit qu'un cas comme celui de M. Péladeau est différent de celui de l'ex-ministre libéral du Travail, David Whissell. On l'avait forcé à choisir entre son poste de ministre et sa participation dans son entreprise familiale d'asphaltage. Et ce, même si sa participation avait été confiée à une fiducie sans droit de regard. M. Whissell avait choisi de quitter le conseil des ministres.

Le cas de M. Péladeau serait «différent», selon le commissaire, car Québecor est une société publique en bourse. Contrairement à la compagnie d'asphaltage privée ABC Rive-Nord, Québecor pourrait donc continuer de faire affaire avec un gouvernement péquiste dont Pierre Karl Péladeau serait ministre.  

Même s'il dit s'en remettre à la décision attendue du Commissaire à l'éthique et à la déontologie de l'Assemblée nationale, M. Péladeau croit que les précédents jouent en sa faveur.

Par exemple, l'ancien chef libéral fédéral Paul Martin avait placé ses actions dans une fiducie sans droit de regard, sans devoir les vendre. Québecor est menée par un conseil d'administration formé de «membres chevronnés, comme Brian Mulroney, Françoise Bertrand et Pierre Laurin». «Et je n'ai plus aucun rôle opérationnel ou décisionnel, de quelque nature que ce soit», ajoute-t-il.

Protéger les sièges sociaux

M. Péladeau ajoute qu'il ne voudrait pas qu'un «fleuron» comme Québecor appartienne à un non Québécois. «Je milite depuis les trois dernières années pour le maintien des sièges sociaux au Québec, comme président de la Fondation de l'entrepreneurship. Nos entreprises doivent rester québécoises. Je serai bien mal placé pour vendre mes actions», a-t-il expliqué.

Le premier engagement de la campagne électorale péquiste portait d'ailleurs sur la protection des sociétés québécoises lors d'une offre d'achat hostile (OPA).

C'était déjà proposé lors de la dernière campagne. Après son élection, le gouvernement péquiste avait renvoyé la question à un groupe de travail, qui a appuyé sa position. Le rapport a été déposé en même temps que le dernier budget.

Pauline Marois promet d'agir rapidement si elle élue. Elle modifierait la Loi sur les sociétés par action. On offrirait un droit de vote variable. Une personne qui détient ses actions depuis une certaine période - probablement plus de deux ans - aurait des votes additionnels.

Autre changement: comme le recommande l'Autorité des marchés financiers, lors d'une OPA, le conseil d'administration pourrait prendre une décision basée sur l'intérêt de l'entreprise elle-même. Le conseil n'aurait plus le devoir de décider seulement en fonction du portefeuille de leurs individus actionnaires. Cette position est partagée notamment par la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain.

La mesure vise à donner des armes à des sociétés comme Rona, visée par une OPA en 2012. Plusieurs acteurs québécois s'étaient opposés à cette transaction et Rona  avait dit non.

Mme Marois veut aussi encore modifier le mandat de la Caisse de dépôt et placement du Québec, une autre promesse qui figurait dans sa plateforme électorale en 2012.