À trois jours du vote, François Legault ignore désormais Jean Charest, dont il estime la victoire impossible, dans ses discours. Mais il lui emprunte sa stratégie.

Toute la journée, le chef de la Coalition avenir Québec a brandi la menace d'un référendum. «Si vous voulez remettre le contrôle de votre avenir, celui de nos enfants et de nos petits-enfants, entre les mains de quelques extrémistes radicaux, votez pour Pauline Marois», a-t-il lancé devant environ 800 militants à Drummondville,  incluant les 100 candidats sur la scène.

Il s'agissait du plus gros rassemblement de sa campagne. C'était la première fois qu'il réunissait plus de 500 personnes.  

Le chef de la CAQ accuse depuis quelques mois les péquistes et les libéraux de vouloir diviser la population entre souverainistes et fédéralistes pour gagner des votes. Les Québécois sont «tannés» de ces vieux débats, martèle-t-il.

C'est maintenant le thème principal de ses discours. Après s'être vanté de mener une «campagne propre» sur les idées, M. Legault sollicite maintenant les votes stratégiques. «On est à la fin de la dernière période. C'est 2-2 et l'issue du match est loi d'être décidée», a-t-il lancé.

Selon lui, le Parti libéral n'est pas dans la course.  Il s'est présenté comme «la seule option pour rallier cette écrasante majorité d'électeurs qui ne veulent  pas de référendum».

«La question est vraiment claire maintenant: voulez-vous un référendum pour quitter le Canada ? Oui ou non ?», a-t-il ajouté plus tard en anglais.

Il a même questionné l'amour de Mme Marois pour le Québec. «Si on aime le Québec, on ne veut pas le plonger dans un référendum. Si on aime le Québec, on ne veut pas le livrer aux mains des radicaux», a-t-il accusé.

M. Legault a avancé qu'il n'était pas le premier politicien à «remettre en question le référendum». «Parmi d'autres, je me permets de mentionner René Lévesque», a-t-il dit. Contrairement au chef de la CAQ, l'ancien premier ministre voulait poursuivre le dossier constitutionnel avec le Beau risque (https://goo.gl/0siOt), et non le mettre entre parenthèses. Il n'a jamais dit qu'il voterait Non à un futur référendum.

Un «ministre du Référendum», raille Legault

Il ne faudrait pas créer de ministère de la Gouvernance, croit M. Legault. Plus tôt ce matin dans le Centre-du-Québec, il a raillé cette promesse de Pauline Marois. «Je ne comprends pas comment le Parti québécois peut faire aussi exprès pour être à côté de la track», a-t-il lancé.

Ce serait un «ministre du Référendum», a-t-il ironisé. «Mme Marois et le Parti québécois vivent dans un monde imaginaire, un monde parallèle. (...) Faut vraiment être déconnecté pour penser que ce que les Québécois veulent actuellement, c'est de nommer une personne qui va être responsable de préparer un référendum d'initiative populaire dont personne ne veut».  

Il s'agirait en fait d'une nouvelle mouture d'un ministère qui existe déjà depuis plusieurs années. En 2002, sous le gouvernement Landry, Jean-Pierre Charbonneau avait institué le Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques. Les trois gouvernements Charest ont aussi eu leur ministre de la Réforme des institutions démocratiques: Jacques Dupuis, Jean-Marc Fournier, Pierre Moreau puis Yvon Vallières.

La carte électorale et la Commission d'accès à l'information relèvent notamment de ce ministère. Le ministre de la Gouvernance du PQ instaurerait des élections à date fixe, une mesure reprise par la CAQ. Il gérerait aussi les référendums d'initiative populaire. Ce mécanisme permettrait à 15% de la population de demander la tenue d'un référendum en signant un registre. Le sujet ne devrait pas porter sur des questions fiscales, ni violer les Chartes des droits et libertés.

Même s'il prétend que les Québécois ne veulent plus parler de souveraineté, M. Legault est convaincu que sous un gouvernement péquiste, plus de 800 000 citoyens signeraient un registre pour déclencher un référendum par initiative populaire. «Avec les radicaux du Parti québécois, c'est clair qu'il va y avoir un référendum. Je les connais assez, je les ai fréquentés», a-t-il prédit.

Il s'agirait d'un défi. L'Assemblée nationale tient un registre des pétitions depuis décembre 2001. La plus volumineuse pétition déposée depuis compte plus de 200 000 signatures. Elle portait sur les centres de la petite enfance. Dans les années 1990, les deux plus importantes pétitions comptaient un peu plus de 700 000 signatures. La première s'opposait au rapatriement unilatéral de la constitution canadienne. La seconde demandait en 1992 au premier ministre Robert Bourassa de déclencher un référendum.

La CAQ donnait sa conférence de presse devant l'hôpital de Saint-Ferdinand, qui a été abandonné en 2003. Il est fermé et sa démolition a déjà commencé.

Legault à genoux devant Ottawa, dit Marois

De son côté, de passage à Châteauguay, Pauline Marois a accusé François Legault d'être le «seul chef de parti à s'être mis à genou devant Ottawa avant d'être élu». Ce n'est donc «pas surprenant» selon elle que les quotidiens The Globe and Mail et National Post lui ont donné leur appui cette semaine. «Ces grands quotidiens font le choix de M. Legault parce que c'est celui qui leur fait le moins peur pour défendre les intérêts du Québec. Il est devenu un fédéraliste inconditionnel», a-t-elle pesté. Elle en vient à dire qu'«un vote pour la CAQ, c'est un cadeau à Stephen Harper».

- Avec Tommy Chouinard