Pauline Marois pourrait bien devenir mardi la première femme élue à la tête du gouvernement du Québec, mais les électeurs, réticents à la tenue d'un autre référendum et avant tout désireux de remplacer Jean Charest, ne lui donneraient pas le mandat majoritaire qu'elle souhaite. La montée de la Coalition avenir Québec (CAQ) s'essouffle juste au moment où François Legault semblait en voie de devenir chef de l'opposition.

C'est ce qui ressort de la quatrième et dernière enquête réalisée par la maison CROP pour le compte de La Presse dans le cadre de la campagne électorale. Le coup de sonde, qui a été réalisé du 27 au 29 août derniers, a permis de joindre par téléphone 1002 personnes, ce qui assure que la marge d'erreur ne dépasse pas 3,1%. Pas de changement dramatique dans les appuis des trois principaux partis depuis la semaine dernière. Seuls les partisans de Québec solidaire ont une raison de se réjouir; le parti gagne deux points, à 9%, conséquence directe de la bonne performance de Françoise David au débat télévisé, observe Youri Rivest, vice-président de CROP.

Une fois répartis proportionnellement les 19% d'indécis, dont 6% de «discrets», CROP constate que le PLQ et la CAQ restent au même niveau que la semaine dernière, avec respectivement 26 et 28% des intentions de vote. Le PQ passe de 33 à 32%, un mouvement d'un point trop faible pour être significatif. Sur les quatre sondages de la campagne, le PQ paraît faire du surplace, le PLQ a baissé mais il s'est stabilisé, et la CAQ voit pour la première fois sa lente progression stoppée.

Pour le spécialiste, Mme Marois est clairement en terrain minoritaire, mais il devient impossible de prédire quel parti formera l'opposition officielle.

Il reste beaucoup d'indécis; 12% des gens affirment ne pas savoir pour qui ils vont voter. Avec 6% de «discrets» et 22% de répondants qui reconnaissent pouvoir changer d'idée, c'est près d'un électeur sur trois qui est «disponible», «c'est beaucoup, à une semaine du vote», dit M. Rivest, qui juge toujours possible un courant de dernière minute échappant aux sondeurs. Les gens sont déterminés à aller voter - 86% des répondants vont aller aux urnes - 93% des péquistes, 91% des caquistes et 89% des libéraux vont «certainement» faire leur devoir de citoyen. Et la campagne a suscité de l'intérêt: 75% des gens y prêtent attention, contre 64% au signal de départ.

Dans l'ensemble, le 4 septembre, les trois principaux partis conserveront un nombre respectable de sièges, prédit Youri Rivest; aucun ne sera marginalisé. Le PLQ peut espérer «au moins 30 sièges». Une première en 30 ans, le PLQ risque d'être deuxième quant au nombre de votes. Les libéraux ont toujours eu la pluralité des voix après la défaite de Claude Ryan en 1981, même battus en 1994 et en 1998. Forte à Québec et dans la couronne montréalaise, la CAQ a aussi un plancher à 30 élus, selon lui. Pour M. Rivest, comme le PQ ne peut espérer récolter la totalité des 65 circonscriptions qui restent, il est pratiquement impossible qu'il soit majoritaire - le seuil est à 63 circonscriptions.

On constate une similitude avec 2007. Les bastions de l'ADQ étaient les mêmes que ceux de la CAQ actuellement: des appuis importants dans la région de la Capitale-Nationale, dans l'axe Québec-Montréal et dans les couronnes nord et sud de Montréal. C'est le désert partout ailleurs.

Chez les francophones, l'avance du PQ sur la CAQ monte d'un point, à 37% contre 30%, encore là un indice insuffisant pour constater un mouvement. Les libéraux restent enfoncés à 19% seulement d'appuis chez les francophones - un famélique taux de 11% chez les moins de 45 ans. Pour la CAQ, l'opération séduction auprès des anglophones fait long feu - on passe de 20 à 18% d'appui. Le seul déplacement est au profit de Québec solidaire, qui passe de 7 à 10% chez les francophones.

Par région, on constate que la bataille se poursuit entre le PQ et la CAQ dans le 450. Le PQ est à 35%, comparativement à 33% pour la CAQ, le même écart qu'au précédent sondage. Dans l'île de Montréal, le PQ resserre l'écart avec le PLQ - il monte de trois points, à 28%, tandis que les libéraux glissent d'autant, à 32%. Dans la région de Québec, la CAQ continue de dominer, à 35%, les libéraux montent de deux points, à 27%, mais le PQ glisse de quatre points, à 24%.

Sous l'angle de la popularité des chefs, guère de changement par rapport à semaine dernière. Jean Charest gagne un point, à 20%, Pauline Marois fait deux points de moins, à 21%, et M. Legault descend d'un cran, à 23%. Françoise David grimpe de deux, à 9%.

Sur une période plus longue, on observe que la campagne n'a pas permis à Mme Marois de se mettre en valeur. Elle est passée de 25 à 21% comme «meilleur premier ministre». Jean Charest a chuté aussi, de 26 à 20%. François Legault avait 22% à la ligne de départ, il reste à 23%, mais avait atteint les 25% après avoir enrôlé Jacques Duchesneau comme candidat. «Personne ne se démarque», observe Youri Rivest, qui souligne que 25% des gens ne voulaient pas se prononcer ou ne trouvaient aucun des chefs capable de remplir cette fonction.



Vote stratégique


C'est au Parti québécois qu'on retrouve le plus de votes «stratégiques», l'ultime levier des chefs de parti pour inciter les électeurs à les appuyer. Pas moins d'un électeur péquiste sur quatre - 24% - avoue qu'il appuiera le PQ pour s'assurer qu'un autre parti ne prendra pas le pouvoir.

Pour Youri Rivest, ces données portent à croire que les gens veulent remplacer Jean Charest sans adhérer pour autant aux réformes plus draconiennes que laisse entrevoir la Coalition avenir Québec. En revanche, c'est aussi l'indice qu'une victoire du PQ n'est pas nécessairement le gage d'un enthousiasme particulier pour son plan de match sur la question nationale.

CROP a mesuré ce qui motive les électeurs à appuyer l'un ou l'autre des partis. On observe que c'est à la Coalition avenir Québec qu'on trouve les appuis les plus liés au programme lui-même. Ainsi, 89% des partisans de la CAQ expliquent leur choix en soutenant que ce parti est celui qui «se rapproche le plus de [leurs] valeurs et de [leurs] convictions». Pour les libéraux, Québec solidaire et Option nationale, on retrouve les mêmes scores à 86%.

La situation est différente au PQ, où 76% des gens votent pour le parti qui correspond le plus à leurs valeurs. Le vote «stratégique» destiné à bloquer la route à une autre formation représente 24% de ses électeurs. Pour 13% des libéraux et des partisans de Québec solidaire, on vise à bloquer un adversaire. Seulement 10% des caquistes appuient cette stratégie.

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Méthodologie

Un sondage téléphonique probabiliste

La collecte téléphonique de données s'est déroulée du 27 au 29 août 2012. Un total de 1002 entrevues ont été réalisées.

Les résultats ont été pondérés afin de refléter la distribution de la population adulte du Québec selon le sexe, l'âge, la région de résidence ainsi que la langue maternelle.

La marge d'erreur maximale de ce sondage est de 3,1 points, 19 fois sur 20.