Celui qui est destiné à devenir le prochain ministre de la Santé dans un gouvernement péquiste, le Dr Réjean Hébert, se dit prêt à en découdre avec les puissants lobbys de médecins qui pourraient vouloir opposer de la résistance aux changements qu'il veut imposer.

L'ancien doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke de 2004 à 2010 a démontré dans le passé qu'il pouvait tenir tête à ses collègues, car il n'était pas reconnu pour être particulièrement proche des syndicats, comme en témoignent des documents obtenus par La Presse Canadienne.

Si on lui demande, à titre d'exemple, s'il va mettre au pas le président de la Fédération des médecins spécialistes (s'il reprend ses fonctions) et candidat de la CAQ, le Dr Gaétan Barrette, reconnu pour son franc-parler et ses positions tranchées, il répond par l'affirmative: «Oui. Je pense que j'ai bien montré dans cette campagne que j'étais capable de tenir tête au Dr Barrette», a soutenu le Dr Hébert, lors d'une entrevue à La Presse Canadienne.

Le programme du Parti québécois en santé suppose de nombreuses réformes qui nécessiteront la collaboration des syndicats et des associations professionnelles.

Sans jamais nier qu'il est pressenti pour devenir ministre de la Santé dans un cabinet Marois, le Dr Hébert dit ne pas craindre «de résistance majeure» de la part du milieu aux changements à venir.

L'ancien doyen a connu dans le passé des relations tendues avec l'association des médecins-enseignants de la faculté, qui souhaitait former un syndicat et n'appréciait pas son style de gestion.

Retourné depuis 2010 à ses fonctions de professeur et chercheur à la même faculté, le Dr Hébert défend son approche. «Quand on gère, on ne fait pas nécessairement plaisir à tout le monde», dit-il, en ajoutant qu'un gestionnaire doit savoir «être capable de mettre ses culottes» si nécessaire, pour régler des différends.

S'il devient ministre de la Santé, ce spécialiste en gériatrie veut faire en sorte d'attirer davantage les étudiants en médecine vers la pratique générale, en vue de doter les Québécois d'un médecin de famille. Pour cela, il veut revoir à la hausse leur rémunération.

Tout en affirmant qu'un gouvernement péquiste respectera la signature du gouvernement libéral au bas des conventions conclues avec les médecins spécialistes, il s'engage à réduire l'écart salarial entre eux et les médecins de famille.

Sa prémisse: il n'est pas normal qu'un médecin de famille gagne moins qu'un médecin spécialiste.

«Pourquoi un radiologiste (comme le Dr Barrette) gagne en moyenne 450 000 $ par année, alors que quelqu'un en santé communautaire en gagne 200 000 $. Et quelqu'un en gériatrie en gagne 200 000 $, pourquoi? Un est plus important que l'autre?», s'interroge-t-il, en ajoutant que même à l'intérieur des différents champs de spécialités médicales, on observe des écarts injustifiables.

À cet égard, il invite le Dr Barrette à appliquer le principe d'«équité salariale» à l'intérieur même de sa fédération, donc à aplanir les écarts salariaux entre les différents groupes qui composent sa fédération.

Le Dr Hébert, qui en est à sa deuxième tentative de devenir député du PQ dans Saint-François (il avait failli l'emporter en 2008 contre la ministre Monique Gagnon-Tremblay), a quitté son poste de doyen en 2010. Même s'il est parti de son plein gré, il a eu droit à un an de salaire après son départ, soit la somme de 218 661 $.

Vidéo contre la syndicalisation

En 2006-2007, les professeurs de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke - les seuls enseignants de l'université non syndiqués - ont jonglé avec l'idée de se syndiquer, mais, ayant eu vent du projet, le Dr Hébert a mis tout son poids pour le tuer dans l'oeuf.

Il a produit une vidéo à l'intention des enseignants pour les mettre en garde contre la «menace de syndicalisation».

Il y fait valoir qu'il a obtenu des avis d'experts et des avis juridiques «quant aux conséquences possibles de la syndicalisation» et dit s'inquiéter pour l'avenir de la faculté si un syndicat y met les pieds. Il y critique le Code du travail, qu'il juge contraignant et ne juge pas «qu'il y ait des bénéfices si importants à la syndicalisation». Il brandit le spectre de «divisions» au sein de la faculté, voire de l'impact sur l'obtention future de bourses de recherche.

En 2007, l'association des professeurs a porté plainte à la Commission des relations de travail, jugeant que le doyen s'opposait au principe reconnu dans la loi de la libre association. Finalement, sentant l'affrontement, le doyen a reculé et cessé toute démarche.

Mais le climat de tension a laissé des traces. «Il y a des gens qui ont des crottes contre moi», reconnaît-il, en admettant son erreur, tout en affirmant que sur le fond il avait raison. «C'était pas mon rôle d'intervenir dans la réflexion des associations de professeurs», dit-il, en rappelant que, depuis, les enseignants n'ont toujours pas formulé de demande d'accréditation syndicale.

Il dit avoir agi dans le seul but d'éviter un clivage entre les enseignants qui sont médecins et ceux qui ne le sont pas.

De manière générale, il assure avoir toujours eu une «gestion très transparente» et dit aimer communiquer par vidéo avec les employés, se vantant d'en avoir produit plus d'une centaine en six ans.

Sur sa gestion du personnel, il note que durant son règne il n'y a eu aucun conflit de travail, peu de griefs, et des conventions collectives signées sans moyen de pression avec les employés syndiqués de l'université.