Malgré ce qu'elle affirme, Pauline Marois n'aurait à peu près pas le choix d'accepter la tenue d'un référendum sur la souveraineté si 15% des électeurs le demandent, estime le député sortant Bernard Drainville. Refuser reviendrait selon lui à «flouer» les Québécois.

La volte-face de la chef péquiste sur le référendum d'initiative populaire (RIP) cause bien des remous. Mercredi soir, après son face-à-face avec François Legault à TVA, elle a affirmé qu'un gouvernement péquiste ne serait pas obligé de déclencher un référendum si 850 000 électeurs signent un registre le lui demandant. Elle disait le contraire en février.

Pour Bernard Drainville, partisan du RIP, «si un gouvernement [péquiste] ne se plie pas à la volonté démocratique» de 850 000 électeurs, il y aurait un «prix politique énorme à payer». Certes, en vertu du régime parlementaire, l'Assemblée nationale est «souveraine», et le dernier mot lui revient. Mais en pratique, «si le gouvernement décide de dire on n'en fera pas [de référendum] pour une raison x, y, z, imaginez-vous le ressac populaire? Imaginez-vous la réaction qu'il y aurait au sein de la population de se faire flouer d'une certaine façon?», a lancé M. Drainville sur les ondes de RDI, hier. Il a refusé d'accorder une entrevue à La Presse.

Bernard Drainville avait fait la promotion du RIP l'an dernier, à la faveur de la crise qui a secoué le PQ et menacé le leadership de la chef. Sa proposition a fait son chemin, si bien que les péquistes l'ont adoptée et intégrée au programme en février. Pauline Marois avait accepté le verdict des militants, reconnaissant toutefois qu'elle avait toujours été «frileuse» au sujet du RIP - elle s'y était farouchement opposée en 2008.

Selon la formule retenue par le PQ, un référendum aurait lieu sur un sujet donné - par exemple la souveraineté - si 15% des électeurs (850 000 personnes) signent un registre en ce sens.

En février, Pauline Marois avait clairement dit qu'un RIP serait exécutoire, qu'un gouvernement péquiste n'aurait pas un droit de veto, donc qu'il serait obligé d'aller de l'avant.

Or, elle a dit hier que le gouvernement aurait «le dernier mot», que c'est «ultimement à l'Assemblée nationale de décider quand se tiendra un référendum portant sur l'avenir national du Québec». Selon elle, «ce serait même anticonstitutionnel qu'il en soit autrement». «M. Drainville est du même avis», a-t-elle noté. Elle a toutefois reconnu que la signature de 850 000 électeurs créerait une «certaine pression», «forcera le gouvernement à faire une réflexion en profondeur». Elle a nié que ce soit pour rassurer les nationalistes modérés qu'elle a fait volte-face.

Pour le secrétaire du SPQ Libre, Pierre Dubuc, un partisan du RIP, «il faut laisser au gouvernement la marge de manoeuvre nécessaire pour évaluer la situation». Mais refuser un référendum souhaité par 850 000 électeurs serait à ses yeux «le pire des scénarios».

5,5 milliards pour la dette

En soirée, devant environ 1000 militants réunis à Québec, Pauline Marois a passé au moins la moitié de son discours à pourfendre François Legault, «le roi du changement d'idées», celui qui «jette son mépris sur les syndiqués», qui veut «agir contre les Québécois» et qui «pactise avec des adversaires acharnés de la loi 101 pour courtiser le vote anglophone». Elle a repris un thème cher à la Coalition avenir Québec en promettant de rembourser «au minimum» 5,5 milliards de la dette l'an prochain. Il s'agit de la somme qui se trouve actuellement dans le Fonds des générations; le PQ s'était déjà engagé à l'abolir. C'est l'engagement no 35 de sa plateforme électorale. Sur la scène du théâtre Impérial, le dramaturge Robert Lepage a donné son appui à Pauline Marois.