François Legault a réussi à se tailler une place dans l'électorat en convaincant les partisans modérés des autres partis politiques, révèle une étude réalisée pour La Presse par la firme CROP.

Et malgré les apparences, les électeurs de la Coalition avenir Québec (CAQ) sont beaucoup moins attachés aux valeurs de droite que ceux du Parti libéral du Québec (PLQ). Le Parti québécois (PQ), quant à lui, attire un électorat plus progressiste que le Québécois moyen.

«C'est comme si la CAQ était allée chercher la partie modérée des électeurs du PLQ et les moins souverainistes des péquistes. Elle a créé une base électorale de gens modérés mais insatisfaits des deux vieux partis», analyse Alain Giguère, président de CROP.

«Il ne reste chez les libéraux que les plus à droite et chez les péquistes que les purs et durs de l'idéal du PQ.»

Selon les données recueillies par le sondage, la CAQ tire presque autant d'électeurs du PLQ et du PQ que de l'ADQ: environ un tiers de son électorat a voté pour chacun de ces partis lors du dernier scrutin, en 2008.

La CAQ en plein centre

Grâce à une série de propositions, la firme de sondage a réussi à définir des répondants comme étant de «gauche» ou de «droite».

Les résultats sont surprenants: 51% des électeurs appuyant François Legault penchent à gauche, alors que 49% penchent à droite, une égalité presque parfaite.

Par exemple, ceux qui comptent donner leur appui à la CAQ croient majoritairement, à 56%, que «trop de soutien du gouvernement crée de la dépendance», mais 50% d'entre eux croient aussi qu'il est acceptable de hausser les impôts des plus riches.

L'idée du changement, que le parti tente d'incarner, fait l'unanimité chez ses électeurs: 85% d'entre eux croient qu'«il faut vraiment que ça change en politique au Québec, il faut faire avancer les choses».

Un PQ à gauche

Les électeurs péquistes sont encore plus attachés à l'idée du changement; 87% d'entre eux l'appuient.

Les idées progressistes recueillent aussi une vague d'appui importante chez ceux qui devraient voter pour Pauline Marois le 4 septembre.

Par exemple, 77% des péquistes sont d'accord pour dire que «l'un des principaux rôles du gouvernement est d'égaliser la richesse et rendre ses services accessibles», comparativement à 63% des Québécois. De plus, 67% des péquistes veulent que les riches paient plus d'impôts (58% de l'ensemble des répondants).

Au total, 70% des électeurs péquistes sont étiquetés comme «de gauche» par CROP.

Libéraux bien ancrés à droite

Au contraire, les électeurs libéraux se situent à droite de l'échiquier politique: environ 58% peuvent être définis comme tels, selon CROP.

Ils sont 71% à penser qu'«il est normal qu'il y ait des écarts de salaire dans la société», alors que seuls 47% du total des sondés sont du même avis, un gigantesque écart de 24%.

Par ailleurs, les électeurs du PLQ sont particulièrement plus religieux et plus âgés que ceux des deux autres partis.

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Le portrait-robot de l'indécis

Un électeur peu scolarisé, peu fortuné et allergique à l'instabilité: voilà le profil type de l'indécis, proie prisée et chassée par toutes les formations politiques à 10 jours du scrutin.

Les plus récents sondages estiment que près d'un Québécois sur cinq ne sait pas encore pour qui il votera le 4 septembre, un bassin de votes immense. Analystes et experts sont unanimes: ce sont eux qui détiennent la clé du scrutin.

Selon une étude de la firme CROP réalisée pour La Presse, les indécis (ou les «discrets», ceux qui ne veulent pas révéler leur préférence) sont aussi davantage à gauche que l'ensemble de la population et plus fédéralistes que le Québécois moyen. Près de quatre indécis sur cinq disent vouloir que le Québec demeure une province canadienne.

Vulnérables» et «peu politisés»



Selon Alain Giguère, ces indécis ont souvent «un profil socioéconomique plus vulnérable. La vie est très complexe pour eux, la vie est très incertaine, ils ont beaucoup de difficulté à s'adapter», a-t-il évalué.

Ils seraient aussi très peu politisés.

Ils ont besoin que le gouvernement s'implique», a ajouté le président de CROP.

Les trois quarts d'entre eux croient d'ailleurs que l'État doit «égaliser la richesse», et 69% croient que les salaires doivent être «les plus égalitaires possible».

Selon lui, toutes ces caractéristiques permettent de dire sans se tromper que les indécis sont particulièrement peu politisés.



Vote imprévisible



Les caractéristiques des répondants indécis rendent leur vote extrêmement difficile à prédire, selon M. Giguère. «Ils ont un profil de gauche parce qu'ils ont besoin de l'aide des institutions et du gouvernement (ce qui pourrait les pousser vers le Parti québécois), mais en même temps ils sont fédéralistes.»

«Ils sont des orphelins politiques», a ajouté Youri Rivest, vice-président de CROP.

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Autour de la machine à café virtuelle...

Le Parti libéral (PLQ) du Québec est corrompu, les engagements de la Coalition avenir Québec (CAQ) sont irréalistes et le Parti québécois (PQ) est obsédé par le déclenchement d'un référendum.  

Ce sont les reproches sans nuances qui seraient le plus souvent adressés aux différents partis politiques si tous les électeurs de la province pouvaient discuter autour de la même table.

Grâce à une technologie appliquée pour la première fois à la politique québécoise, la firme CROP a réussi à mettre des chiffres sur les discussions que les Québécois ont chaque jour autour de la machine à café ou au souper. La méthode permet à 1000 répondants de proposer leurs propres idées sur les partis et de répliquer à celles des autres. C'est un vaste réseau social représentatif de la population du Québec.



Forces et faiblesses


À force de le répéter, la CAQ de François Legault a réussi à s'associer aux idées du «changement» et du «ménage» dans la tête de beaucoup de Québécois: il s'agit des deux commentaires positifs qui reviennent le plus souvent dans la «conversation virtuelle» menée par CROP.

Le parti «semble vouloir faire beaucoup de changements rapidement» et souhaite «faire du ménage dans certains domaines comme les commissions scolaires», se réjouissent des répondants. D'autres reprochent toutefois à François Legault des promesses irréalistes et des «idées floues». «Je n'ai aucune confiance envers leurs solutions magiques», avance-t-on par exemple.

Du côté péquiste, plusieurs répondants penchent vers Pauline Marois par dépit, mais aussi en raison de sa personnalité. «Après tout ce qui a été dit, elle a quand même eu le courage de foncer», dit un participant. Un autre note que «ça ne peut pas être pire que les libéraux».

Par ailleurs, les reproches adressés au PQ touchent surtout sa «seule idée fixe: la séparation» et une Pauline Marois «assoiffée de pouvoir». «Elle est prête à promettre la lune pour arriver à son but!», s'est même exclamé un participant.

Les affaires de corruption constituent le principal reproche adressé aux troupes de Jean Charest, avant le manque d'écoute du premier ministre et sa gestion du conflit étudiant. «Trop de magouille, la confiance n'est plus là depuis trop longtemps», a affirmé un répondant, alors qu'un autre a attaqué le «grand cirque de la tricherie».

En revanche, les principaux commentaires positifs adressés au PLQ concernent sa gestion de la crise étudiante, dans laquelle il «a tenu son bout» et imposé une «juste contribution des étudiants», selon des répondants.  

L'attitude du gouvernement au printemps dernier semble avoir attiré presque autant de commentaires négatifs que de commentaires positifs.

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58% des Québécois penchent à gauche

Selon le sondage CROP, 58% des Québécois penchent vers la gauche, alors que 42% sont plutôt attachés aux valeurs de droite. L'étude confirme certains stéréotypes bien connus. Ainsi, 56% des habitants de la région de Québec seraient à droite de l'échiquier politique, alors que, à l'autre bout de l'autoroute 20, 62% des Montréalais sont «de gauche». La majorité des ménages à faible revenu penche à gauche, alors que ceux qui gagnent plus de 100 000$ par année sont plutôt de droite. À l'opposé, d'autres découvertes sont surprenantes: les 18-34 ans constitueraient le groupe d'âge le plus à droite de la société québécoise, alors que 63% des 35-54 ans pencheraient vers les idées progressistes.

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Méthodologie

La collecte de données en ligne s'est déroulée du 15 au 20 août 2012 au moyen de questions insérées dans un sondage omnibus réalisé à l'aide d'un panel web. Un total de 1000 questionnaires ont été remplis.  

Les résultats ont été pondérés afin de refléter la distribution de la population adulte du Québec selon le sexe, l'âge, la région de résidence, la langue maternelle et le degré de scolarité des répondants. De plus, une série de questions tirées de la vaste étude annuelle Panorama (3SC) portant sur les valeurs ont été ajoutées au questionnaire. Cela permet de pondérer l'échantillon en fonction des valeurs personnelles des répondants à partir d'un échantillon probabiliste.

Compte tenu du caractère non probabiliste de l'échantillon, le calcul de la marge d'erreur ne s'applique pas.