La meilleure défense, c'est l'attaque. Le chef libéral Jean Charest a clairement appliqué cette maxime, hier soir, en affrontant Pauline Marois lors du premier des trois face-à-face présentés par TVA. M. Charest, combatif, a accusé Mme Marois de salir inutilement des personnes, de faire du «racolage politique» auprès des jeunes et de cacher son plan de match référendaire.

La chef péquiste n'est pas demeurée en reste. Tenant son bout, elle a martelé qu'elle n'avait «pas de leçons d'intégrité» à recevoir du chef du gouvernement libéral. Selon elle, M. Charest se lave les mains de sa gestion laxiste, après neuf ans de laissez-faire en économie, en santé et dans la gestion des ressources naturelles. Elle a affirmé qu'il a manqué de courage politique. Pendant que M. Charest se battait avec une rare énergie, au bord de l'agressivité, Pauline Marois voulait clairement dégager l'impression d'une politicienne plus pondérée.

Jean Charest avait mis de côté ses sourires un peu condescendants de la veille. Plus combatif, plus loquace que son adversaire, il a souvent profité de la situation, quitte à couper la parole à Mme Marois. Bien préparé, il a multiplié les chiffres, les statistiques et les citations tirées de rapports indépendants.

Questions d'intégrité

Étrangement, sur les questions d'intégrité, après des mois de révélations embarrassantes pour son équipe, M. Charest avait presque l'air d'être à l'attaque. Selon lui, Mme Marois a «voulu nuire et salir des réputations» - celles de David Whissel, qui a quitté son poste, et de Tony Tomassi, visé par des accusations qui n'ont rien à voir avec l'attribution des permis de garderie. Il a ressorti le contrat pour 12 centres d'accueil accordé en 1996 par le gouvernement Bouchard à une firme dont Tony Accurso était copropriétaire avec Marcel Mélancon, alors responsable du financement du Parti québécois (PQ). La chef péquiste est en bonne partie responsable du cynisme des citoyens à l'endroit des politiciens, a-t-il affirmé. «C'est comme ça que vous avez opéré depuis que vous êtes chef de l'opposition», a lancé M. Charest.

Mme Marois a admis plus tard qu'elle avait trouvé M. Charest plus agressif que prévu, mais elle a nié avoir été déstabilisée par ses attaques, maintes fois répétées à l'Assemblée nationale. Durant le débat, elle avait répliqué sans appel: «C'est indécent, ce n'est pas vous, M. Charest, qui allez me donner des leçons d'intégrité. J'accepterai jamais qu'un ministre aille déjeuner avec quelqu'un de la mafia, qu'un ministre donne des permis de garderie à ceux qui financent le parti, qu'il reçoive de l'argent.» M. Charest a alors bondi et affirmé qu'il n'avait jamais été démontré que M. Tomassi avait reçu de l'argent de quiconque. Six membres de son association ont pourtant reçu des permis de garderie - avec son père, il a amassé 1,5 million pour la caisse du PLQ, a rappelé Mme Marois.

Crise étudiante

Sur la question des droits de scolarité, Mme Marois est cette fois montée au créneau. Elle a rappelé que la loi spéciale, décriée de tous, serait abrogée et que la hausse de 82% des droits serait mise de côté. Surtout, elle a constamment blâmé M. Charest d'avoir divisé les Québécois le printemps dernier. Un premier ministre du Québec doit rester attentif à la jeunesse, et «ce sont nos enfants qui étaient dans la rue», a-t-elle martelé. Pour Jean Charest, en revanche, il s'agissait de faire respecter «le droit fondamental» des étudiants qui voulaient se rendre à leurs cours. «On ne peut pas gouverner pour la rue», a-t-il soutenu. «J'ai l'intention de me tenir debout, je ne chercherai pas à gouverner avec la rue. Le premier ministre du Québec doit prendre des décisions difficiles, et s'il plie, le Québec devient ingouvernable», a affirmé M. Charest.

En ce qui concerne la santé, M. Charest a voulu passer à l'attaque en insistant sur la décision du gouvernement Bouchard de mettre des médecins à la retraite. Mme Marois l'attendait au détour. «Cela fait neuf ans que vous êtes là et vous n'êtes responsable de rien. Cela fait trois mandats que vous êtes là, vous devez être responsable de quelque chose!», a-t-elle dit, ironique.

Bras de fer

Après une partie de bras de fer sans vainqueur sur les finances publiques et les ressources naturelles, une dernière collision, frontale. Quand le modérateur Pierre Bruneau a demandé à Mme Marois si elle allait tenir un référendum au cours d'un premier mandat, elle a commencé par éluder la question, avant de répondre qu'elle tiendrait une consultation lorsqu'elle aurait l'impression qu'une majorité de Québécois approuverait le projet souverainiste.

M. Charest a alors sauté dans la mêlée, avec un lapsus. Selon lui, Mme Marois veut «mettre une épée de Démoclès [sic] au-dessus de la tête des Québécois», une stratégie bien difficile à justifier. M. Charest a ajouté que Pauline Marois souhaitait des élections à date fixe pour que les politiciens ne puissent jouer de finesse avec les électeurs, mais qu'elle se gardait bien de préciser son plan de match référendaire.

En ce qui a trait à l'identité, Mme Marois a défendu son projet de loi sur l'identité et expliqué qu'un candidat à la mairie dans une ville devrait à tout le moins parler français. Les Québécois n'ont pas besoin de se faire «materner», a répliqué M. Charest.

Sans broncher, Mme Marois a invité son adversaire à se rendre plus souvent dans les magasins du centre-ville pour constater que le français y est battu en brèche. L'invitation a piqué le chef libéral, qui a révélé avoir récemment rencontré Jean Martin Aussant, chef d'Option nationale... chez Costco!