Les chefs ont commenté le débat d'hier soir et leur performance, peu après l'échange de deux heures, lors de courts points de presse. Voici leurs réactions.

JEAN CHAREST: «Le choix est encore plus clair»

Jean Charest s'attendait à être la cible de tirs nourris de ses adversaires. Et c'est ce qui lui est arrivé hier soir sur le thème de la corruption. Mais le chef libéral se félicite tout de même d'avoir atteint l'objectif principal qu'il s'était donné.

«Les Québécois, je pense, ont un choix encore plus clair. Ils savent qu'appuyer le Parti libéral, ça veut dire s'occuper d'économie et d'emploi. Et Mme Marois, c'est un référendum demain matin. C'est plus clair qu'avant», a-t-il affirmé après être sorti du ring.

Il a esquivé les questions lui demandant d'évaluer sa performance. «On peut toujours faire mieux dans un débat», s'est-il contenté de dire.

Il a salué la performance de Françoise David. «Franchement, elle a été très claire dans ses propos, et j'ai apprécié ça», a-t-il affirmé. Selon lui, la co-porte-parole de Québec solidaire a éclipsé la chef péquiste Pauline Marois.

Au cours du débat, Jean Charest a mis sur le tapis le rapport Moisan, qui date de 2006, pour tenter d'embarrasser Mme Marois au sujet du financement du Parti québécois. C'était une façon pour lui de répliquer aux salves de la chef péquiste sur la corruption.

«Ça met les choses en perspective, a-t-il affirmé pour justifier sa stratégie. C'est le seul cas documenté où un juge fait un jugement clair sur un cas de corruption.» Il dit que le Parti québécois a «fermé les yeux» sur du financement illégal dans ses rangs. Lorsqu'un journaliste lui a fait valoir que le Parti libéral est également mis en cause dans ce rapport, M. Charest a répliqué que la faute est bien moins importante. Rappelons que selon le rapport Moisan, Groupaction - mêlée au scandale des commandites - avait fait des contributions de 96 400$ au PQ, qui avait «fermé les yeux» sur cette pratique illégale, et de 8325$ au PLQ.

Jean Charest avait lancé sa campagne en tentant de faire de cette élection un référendum sur le conflit étudiant. Mais ce sujet ne fut pas vraiment abordé durant le débat. Et le chef libéral a lui-même à peine effleuré la question. C'était son septième débat hier soir - tant à Ottawa qu'à Québec.

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PAULINE MAROIS: «Je crois que j'ai fait ça correctement»

Pauline Marois estime qu'elle a «fait ça correctement» au débat. Celle qui mène selon les sondages a par contre un peu minimisé l'importance de l'exercice.

Était-ce un tournant de la campagne? «Non», a-t-elle répondu. Il s'agissait simplement, selon elle, d'une autre occasion de faire valoir ses positions.

Cette campagne est déterminante pour la carrière politique de Mme Marois. Elle a assuré s'être sentie «en contrôle» et «très sereine» durant le débat. «Je sors de ce débat avec la même sérénité», a-t-elle affirmé.

Mme Marois était la seule chef de parti à ne pas encore avoir présenté son cadre financier. Elle a insisté sur le caractère «réaliste» et «responsable» de ses propositions. «Des engagements précis», a-t-elle martelé après le débat.

«Je crois que j'ai fait la démonstration que le PQ, un parti responsable, était capable de changer de direction, de changer de gouvernement», a-t-elle ajouté.

Comme l'a souligné Françoise David durant le débat, il a été relativement peu question d'éducation. Mme Marois était d'accord. Elle s'en est dite déçue. «J'aurais aimé avoir parlé davantage d'éducation», a-t-elle dit.

Pauline Marois insiste depuis le début de la campagne pour dire que les élections ne sont pas un référendum sur la souveraineté, mais plutôt un référendum sur un gouvernement «usé et corrompu». Or, Jean Charest lui a resservi le rapport Moisan. «Il a dit des choses qui n'étaient pas justes», a-t-elle affirmé. Elle a expliqué que deux élections se sont passées depuis et que «la personne concernée» a été sanctionnée. «Et il n'y a jamais eu de contrat donné à l'entreprise», a-t-elle ajouté.

«Je pense que je me serais gardé une petite gêne [à la place de Jean Charest], compte tenu de tout ce qui s'est passé au Parti libéral», a-t-elle conclu.

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FRANÇOIS LEGAULT: «Je suis assez satisfait de moi-même»

Bien qu'aucun de ses adversaires ne l'ait déstabilisé avec des révélations-surprises comme le craignait son candidat-vedette Jacques Duchesneau, François Legault a admis que son premier débat des chefs a été une «rude» expérience, hier soir.

«C'était un premier débat, donc on essaie toujours d'ajuster le ton, c'est rude, a observé le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), au terme de la soirée. Donc on peut se demander si c'est nécessaire que ce soit aussi rude, mais je suis assez satisfait de moi-même.»

Jean Charest et Pauline Marois avaient déjà croisé le fer lors de la dernière campagne électorale, en 2008. Mais M. Legault, lui, se prêtait à l'exercice pour la toute première fois.

À la fin des échanges, le chef caquiste s'est déclaré satisfait de sa performance, lui qui a concentré ses attaques contre la péquiste Pauline Marois.

En revanche, M. Legault a été attaqué de toutes parts sur sa promesse de fournir à chaque Québécois un médecin de famille un an après son élection. Pauline Marois l'a accusé de verser dans la «pensée magique» tandis que Jean Charest a affirmé que la province ne compte tout simplement pas assez de médecins pour respecter cette promesse.

M. Legault pense toutefois avoir été en mesure de dissiper les doutes sur cette pièce maîtresse de sa plateforme électorale.

«Ce qu'on a vu d'abord, c'est que Mme Marois dit qu'elle va donner un médecin de famille à tout le monde d'ici quatre ans, ce n'est pas clair. M. Charest, il nous dit qu'il manque 1000 médecins pour donner un médecin de famille à tout le monde, donc on n'est pas prêt d'avoir un médecin de famille avec M. Charest.»

M. Legault a talonné Pauline Marois sur la question des référendums d'initiative populaire. À ses yeux, cet élément de la plateforme péquiste permettrait aux militants «purs et durs» de plonger le Québec en pleine campagne électorale.

Mais sur ce même dossier, le chef caquiste a essuyé les tirs de Jean Charest. Le chef libéral l'a renvoyé dos à dos avec Pauline Marois, les accusant tous deux d'être des souverainistes.

Le chef caquiste n'a cependant pas été ébranlé par cette tactique de son adversaire.

«Je rejoins, avec mon cheminement, la majorité des Québécois, a-t-il affirmé. Je pense que les gens, dans leur salon, doivent s'être dit c'est vrai, ce n'est plus une priorité.»

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FRANÇOISE DAVID: «Il a fallu que je me taille une place»

La cochef de Québec solidaire (QS), Françoise David, a l'impression d'avoir su tirer son épingle du jeu dans une première performance à un débat des chefs. «Il a fallu que je me taille une place et j'ai l'impression d'y être arrivée, pas nécessairement en parlant plus fort que les autres, mais en présentant mes idées», a-t-elle déclaré à l'issue du débat télévisé.

Mme David, tout sourire lors du point de presse qui a suivi le débat, s'est félicitée que son parti puisse enfin présenter les idées de Québec solidaire dans ce forum télévisé, qui laisse parfois une empreinte profonde dans la campagne. «Je tenais à amener les idées de Québec solidaire au débat», a-t-elle dit.

L'exercice est difficile, a cependant admis la cochef du parti de gauche. «J'ai écouté beaucoup de débats des chefs dans ma vie, mais quand on est dedans, c'est tout autre chose.»

Quel adversaire a été le plus coriace? «Les adversaires se valaient. Ils ont tous exprimé leurs idées avec conviction», a souligné Mme David. La cochef de QS a adressé beaucoup de questions à la chef du Parti québécois, Pauline Marois, durant les deux heures de débat. «J'ai voulu relever les ambiguïtés du programme de Mme Marois, notamment par rapport à l'exploration pétrolière. Mais je n'ai pas obtenu les réponses que je voulais.»