C'est l'exercice le plus attendu de la campagne: le débat des chefs. Exercice de haute voltige pour les uns, fine partie d'échecs pour les autres, le débat des chefs est un exercice où, pour briller, il faut maîtriser parfaitement ses connaissances, posséder son scénario, mais aussi savoir improviser. Si Jean Charest et Pauline Marois sont rodés à cet affrontement cathodique, pour François Legault et Françoise David, ce sera une première. Tous jouent gros, rappelle le politologue Jean-Herman Guay: «Comme les électeurs sont volatils, le débat est d'autant plus important.» Le plus récent sondage CROP indique que près d'un cinquième des électeurs n'a pas arrêté leur choix. «C'est énorme», dit-il.

ÊTRE AUTHENTIQUE

C'est le défi premier d'un chef en débat. Laisser son humanité ou sa personnalité paraître derrière le personnage politique. «La clé du succès, c'est établir une connexion, une émotion avec le public», estime Justin Kingsley, ancien porte-parole de Paul Martin et vice-président de l'agence de publicité montréalaise Sid Lee.

MARTELER SON MESSAGE

Le débat, c'est l'occasion de faire connaître ses idées sans le prisme des médias. Il ne faut pas hésiter, donc, à répéter son message. «Quelle que soit la question, on donne la réponse qu'on veut livrer», dit Stéphane Venne, ancien conseiller de Jacques Parizeau. Une occasion à saisir, notamment pour les nouveaux venus. «On veut profiter de la tribune pour faire le tour des dossiers», annonce sans détour le directeur de campagne de la CAQ, Richard Thibault.

DOSER SES ATTAQUES

On peut comparer le débat à un jeu d'échecs ou à un match de boxe. Mais pour Jean-François Lisée, candidat péquiste dans Rosemont, ancien conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, ce serait plutôt un match de hockey. «On peut plaquer pour compter un but, dit-il. Mais si c'est juste pour plaquer, non. Un débat, ce n'est pas un pugilat.»

COMBATTRE LE STRESS

Pour son premier débat, Françoise David, co-porte-parole de Québec solidaire, prévoit s'isoler à la campagne avec une petite équipe dans les jours précédant le débat afin de se préparer. Le jour J, la marche et la natation sont ses deux remèdes antistress.

GARDER SON SANG-FROID

Les yeux écarquillés, le teint qui vire au rouge ou la voix tremblante de colère rebutent les spectateurs. «Ce qui ne passe pas, c'est la perte de contrôle facial, les yeux qui s'écarquillent, tous les éléments de langage corporel qui donnent l'impression qu'on ne se maîtrise pas», estime Stéphane Venne.

CHERCHER LA «PERLE RARE»

Chaque chef rêve d'une réplique qui passera à l'histoire. «Ce qui restera d'un débat, c'est une petite phrase assassine, un moment. C'est peu de choses. Tout se joue sur une ligne fine», observe Stéphan Bureau, journaliste et animateur du débat des chefs des élections fédérales en 2008. Pour être réussie, cette phrase ne peut être scénarisée: c'est ce qui la rend d'autant plus précieuse.

SOIGNER SA RÉPARTIE

C'est sous la douche que, pendant des années, Gilles Duceppe a imaginé ses réponses à des attaques lancées par ses adversaires. Un entraînement au long cours, qui peut être précieux. «On développe le réflexe de répliquer rapidement; ça peut nous sortir des problèmes», dit-il.

ÉVITER LE PÉTARD MOUILLÉ

Il peut être tentant de faire une révélation fracassante un soir de débat. Malheureusement, l'exercice est souvent périlleux. «Des fois, une bombe éclabousse ceux qui la lancent», prévient Bernard Motulsky, titulaire de la chaire de relations publiques de l'UQAM.

NE PAS CÉDER AUX ATTAQUES personnelles

Les candidats doivent se méfier des attaques personnelles. «Ce qui est moins bien vu, ce sont les attaques contre les personnes plutôt que contre les propos», rappelle Antonia Maioni, politologue à l'Université McGill.

Ne jamais rien tenir pour acquis

Certes, Jean Charest est le candidat le plus rodé aux débats. Mais les jeux sont loin d'être faits. «Il ne faut pas donner un avantage trop fort à l'expérience et au talent inné», affirme un ancien proche du Parti libéral. Un avis que partage Gilles Duceppe. «Si on pense que c'est parce qu'on en a fait beaucoup que tout va bien aller, on se trompe! Tenir les choses pour acquises, c'est la pire des choses.»