Élu depuis 2003, le député et ministre délégué aux Finances Alain Paquet a du pain sur la planche. À Laval-des-Rapides, le Parti québécois (PQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) lui opposent des candidats-vedettes: le fringant Léo Bureau-Blouin et l'incorruptible Maud Cohen. Dans cette circonscription qui reflète fidèlement les humeurs des électeurs québécois, les jeux sont loin d'être faits.

Dans le quartier de Pont-Viau, peut-être plus qu'ailleurs à Laval, la pauvreté est difficile à ignorer.

Boulevard des Laurentides, au Relais communautaire, il est encore tôt, mais déjà, des dizaines de personnes attendent, dans une petite salle, le début de la distribution alimentaire.

Un bénévole prête main-forte: Alain Paquet. Certes, il est en campagne. Mais Alain Paquet a réussi à se faire connaître et apprécier du milieu communautaire au cours de ses trois mandats. «Je représente tous les citoyens», affirme-t-il, en se retroussant les manches.

Il enfile son tablier et se glisse, à l'aise, derrière le comptoir de distribution de l'aide alimentaire, où il restera pendant deux heures. Alain Paquet est au Relais communautaire comme un poisson dans l'eau.

«En tant que député, il aide sa communauté», explique Patrick, qui accueille l'élu par une grande accolade. Patrick a passé sept ans dans la rue, avant de se réinsérer, notamment grâce aux démarches de son député. Il vote libéral.

«Pourquoi on voterait ailleurs quand on l'a, lui?»

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Laval-des-Rapides attise pourtant les convoitises. Avant le début de la campagne électorale, le Parti québécois a troqué son candidat investi, Marc Demers, contre l'ancien président de la Fédération étudiante collégiale, Léo Bureau-Blouin. La CAQ a répliqué en annonçant la candidature de Maud Cohen, ancienne présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec.

Tous jugent la circonscription «prenable».

«Je crois qu'il y a une lassitude, et que les gens ont envie d'un renouveau», estime Maud Cohen.

Réputée pour son engagement dans la lutte contre la corruption, Maud Cohen croit que son parti, qui a recruté Gaétan Barrette et Jacques Duchesneau, est bien placé pour incarner ce renouveau.

Pourtant, la bataille de Laval-des-Rapides ne se fait pas à armes égales. Le nom de la CAQ est moins connu des électeurs que celui de son chef François Legault. Et Maud Cohen fait campagne avec de plus petits moyens.

«Il faut être honnête, on fonctionne avec un budget de campagne qui n'a rien à voir avec celui du PQ et du PLQ. Mais on a des bénévoles formidables. Étonnamment, on arrive à faire des choses formidables.»

Le jour, elle arpente les commerces et stations de métro, accompagnée seulement de son père. Face aux quidams, elle est à l'aise.

«Elle m'épate», assure son père Roger Cohen qui, au fil de ses 44 années au Québec, et notamment à Laval, n'a pas perdu sa gouaille parisienne.

Si Maud Cohen reconnaît que ses adversaires sont coriaces, elle ne craint pas le débat. Au contraire. «Il va y avoir un échange d'idées. Je suis ici pour parler d'autre chose que de la crise étudiante. Il faut amener les partis politiques sur le terrain de la corruption, de l'éthique, sur le bilan économique du Québec.»

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L'expression «candidat-vedette» semble avoir été inventée sur mesure pour Léo Bureau-Blouin. Le jeune homme a peut-être dû essuyer les critiques de certains étudiants, qui digèrent mal son saut au PQ, ou de Jean Charest lui-même, mais il jouit d'une aura extraordinaire auprès du grand public.

Conscient de l'irrésistible force d'attraction de la jeune recrue du PQ, Marc Demers, ancien lieutenant-détective de la police de Laval, lui a cédé sa place sans tiquer.

Ses chances de l'emporter n'étaient pourtant pas négligeables: en 2008, il avait été devancé par Alain Paquet par moins de 1300 voix.

Pas rancunier, Marc Demers ouvre son carnet d'adresses à son remplaçant. «Je me suis présenté deux fois, et à part le fait qu'il soit plus jeune, plus beau et plus intelligent, qu'est-ce qu'il a que je n'ai pas?», plaisante-t-il.

Léo Bureau-Blouin, quant à lui, reste placide devant sa notoriété. «C'est amusant. Les gens se sont tellement désintéressés de la politique que si des gens connus se joignent à un parti, ça a un pouvoir d'attraction», dit-il.

Démonstration dans un Tim Hortons de Laval, où nous suivons le jeune homme. Il n'a pas encore poussé la porte que, déjà, les visages se tournent vers lui. Par la fenêtre, une jeune fille lui adresse un timide coucou. À l'intérieur, elle accueille le candidat avec un grand sourire. À ses côtés, ses parents sont enthousiasmés: son père se fait même photographier avec celui qu'on appelle Léo.

Erns lui donnerait sans hésiter sa voix, lui qui pourtant ne vote jamais PQ.

«C'est ça, le gros problème. On tombe en amour avec certaines vedettes. Même si on n'est pas en harmonie avec le parti, on va voter pour la personne», avoue-t-il.

À quelques tables de là, Kevin, 20 ans, se propose de venir aider Léo Bureau-Blouin dans sa campagne. «Un gouvernement, c'est comme un moteur de voiture. Quand ça ne marche pas, il faut faire un nettoyage», explique-t-il.

Dans le sillage de Léo Bureau-Blouin, les jeunes Lavallois font le saut vers le PQ, pour lui prêter main-forte. C'est le cas de l'ancien représentant des étudiants du collège Montmorency Alexandre St-Onge Perron, qui n'était pourtant pas un sympathisant péquiste.

«On est nombreux, à Montmorency, à nous impliquer. Et pas seulement des carrés rouges, assure-t-il. Il faut que les jeunes votent. Sinon, on ne sera pas représentés.»

Dans une circonscription marquée par l'abstention, notamment des jeunes électeurs, ce regain d'intérêt pourrait favoriser le PQ.

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En rempart à la vague de sympathie suscitée par Léo Bureau-Blouin, Alain Paquet oppose un bilan local irréprochable. «On n'est pas dans une téléréalité. Une élection, ce n'est pas du vedettariat. Mon engagement envers mes concitoyens est réel», soutient-il.

Malgré tout, Alain Paquet, devenu ministre délégué aux Finances en 2011, pourrait avoir du mal à se dissocier d'un gouvernement devenu impopulaire.»C'est sûr qu'il y a du mécontentement envers les libéraux, alors il mange la claque», se désole Denise Ouimet, directrice générale du Relais communautaire.

«Pourtant, je le verrais comme premier ministre. Là, on aurait de l'avenir.»

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Laval-des-Rapides: 53 418 électeurs

Superficie : 25,6 km2

Âge moyen: 41,1 ans (contre 39,1 ans dans le reste de la province)

Revenu moyen: 29 782$ (contre 32 074$ dans le reste du Québec)

Taux de chômage: 6,2% (contre 7% dans le reste de la province)

25,1% de la population a un diplôme universitaire (contre 26,2% dans le reste du Québec)

Source : Directeur général des élections du Québec