Jean Charest cherche à rendre son Plan Nord plus concret et attrayant pour les contribuables. S'il est réélu, les épargnants auraient droit à un crédit d'impôt en investissant dans des sociétés qui participent au développement du Nord.

Depuis lundi, le chef libéral frappe sur le clou de l'économie, thème phare de sa campagne électorale, comme en 2008 d'ailleurs. Il visite chaque jour une usine du sud du Québec qui profite du développement du Nord. Il a mis le cap sur le territoire nordique en fin de journée hier: il s'est rendu dans Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Il fera escale aujourd'hui dans Abitibi-Est et Ungava.

C'est à Québec, champ de bataille important de la présente campagne, que Jean Charest a fait la promesse de créer un crédit d'impôt non remboursable de 10% sur les sommes investies dans un nouveau produit, Épargne Plan Nord.

Ce produit financier serait créé par les fonds de travailleurs - de la FTQ et de la CSN - et Capital régional et coopératif Desjardins. Il serait possible d'y investir par l'entremise d'un régime enregistré d'épargne-retraite (REER) ou d'un compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

Si un Québécois investit 5000$ - le maximum annuel prévu -, il recevrait 500$ en réduction d'impôt.

«Nous voulons que les Québécois puissent tirer personnellement profit du développement dans le Nord», a affirmé Jean Charest en conférence de presse.

Le fonds serait «principalement constitué d'entreprises engagées dans le développement du Plan Nord». Les entreprises admissibles ne seraient pas seulement du secteur des ressources naturelles, mais aussi des fournisseurs qui profitent du Plan Nord, comme des fabricants de maisons modulaires ou des fournisseurs de services.

Le Parti libéral s'attend à ce que 50 000 personnes utilisent ce véhicule d'investissement dans la cinquième année du programme, a indiqué à La Presse Affaires le ministre des Finances sortant, Raymond Bachand. En considérant un investissement moyen de 2000$, les libéraux anticipent donc à terme une somme investie de 100 millions de dollars, ce qui coûterait environ 10 millions en crédits d'impôt annuels au gouvernement.

Le Plan Nord prévoit des investissements publics et privés de 80 milliards de dollars au cours des 25 prochaines années. Jean Charest estime qu'il y aura «une demande croissante sur nos ressources naturelles» au cours de cette période, mais il reconnaît qu'il y aura «des hauts et des bas». «C'est le propre des marchés»,

a-t-il ajouté.

Peu d'enthousiasme

À première vue, la proposition libérale de créer un véhicule d'investissement Épargne Plan Nord ne suscite pas un grand enthousiasme, tant du point de vue des entreprises que des investisseurs. Il faut dire qu'il subsiste beaucoup d'inconnues autour du projet.

Le crédit d'impôt non remboursable pour l'investisseur serait de 10%. «Je ne serais pas acheteur, dit Michel Marcoux, président d'Avantages Services financiers et auteur de livres sur les placements. Ce n'est pas alléchant.»

Selon M. Marcoux, le crédit ne fait pas le poids par rapport aux crédits totaux offerts par les fonds de travailleurs (entre 30 à 40%). Car la déduction de 10% ne pourrait pas s'additionner à celles des fonds de travailleurs. M. Marcoux rappelle aussi l'existence du régime épargne-actions (REA), qui offre un crédit provincial de 100%.

Philippe Le Blanc, président et gestionnaire de portefeuille chez Cote 100, affirme pour sa part que «ça commence à faire pas mal de véhicules d'investissements».

«Il y a quand même une limite à l'épargne. Pourquoi ne pas utiliser les véhicules existants au lieu de créer une nouvelle bibitte

Du côté des entreprises, l'idée est saluée, mais d'autres solutions sont proposées.

La vice-présidente pour le Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), Martine Hébert, dit privilégier les mesures qui profiteraient à toutes les PME. «Si on donnait de l'air à nos entreprises sur le plan fiscal, elles auraient de l'argent elles-mêmes pour investir.»

Dominique Doucet, président des sociétés d'exploration minière Sirios et Khalkos, toutes deux actives dans le Nord, soutient que «l'idée est bonne, mais je ne suis pas sûr que ça va nous aider». Il note que les fonds de travailleurs ne peuvent généralement pas investir plus de 10% dans des sociétés, ce qui, aux cours actuels des actions, représente peu d'argent.

«Pourquoi ne pas nous laisser émettre des actions directement, avec le même crédit d'impôt?», demande-t-il. Cela permettrait aux petites sociétés d'offrir une alternative aux actions accréditives, dont elles ne peuvent utiliser les recettes pour autre chose que des travaux d'exploration.