Il n'aura fallu que 24 heures pour que François Legault découvre les périls de s'associer à un candidat fort en gueule comme Jacques Duchesneau. Une déclaration que l'ancien chef de l'Unité permanente anticollusion a lui-même qualifiée de «raccourci» a offert aux autres partis une première occasion de s'en prendre au candidat vedette de la Coalition avenir Québec (CAQ).

La tournée médiatique de M. Duchesneau a débuté sur des chapeaux de roues lorsqu'il a déclaré à Paul Arcand, sur les ondes du 98,5 FM, qu'il aurait le pouvoir de nommer des ministres dans un éventuel gouvernement caquiste.

Cette déclaration a forcé M. Legault à rectifier le tir dès la matinée. Dans une conférence de presse portant sur les ressources naturelles, le chef caquiste a précisé que M. Duchesneau sera consulté sur le choix de quatre ministres, soit ceux qui dirigeront les ministères où la CAQ veut éliminer la corruption. C'est toutefois le chef qui aura le dernier mot.

«Il y aura seulement un patron», a affirmé François Legault lors d'un passage à Montréal.

M. Duchesneau a admis qu'il a emprunté un «raccourci».

«J'ai manqué mon coup, c'est aussi simple que ça, et j'ai eu tout un cours de politique aujourd'hui! Ce n'est pas moi qui mène, c'est M. Legault», a dit M. Duchesneau à La Presse.

Répliques cinglantes

Mais les adversaires de la CAQ - qui marchaient sur des oeufs depuis l'entrée en scène de l'ancien chef de police - ont eu tôt fait de bondir sur l'occasion de le critiquer.

Pauline Marois a parlé d'«amateurisme», et Jean Charest a tourné l'affaire en ridicule.

«Tout le monde comprend qu'à la CAQ, François Legault fait le compte Twitter et les cocktails de financement, et Jacques Duchesneau s'occupe du reste», a dit le chef libéral.

Dans la caravane libérale, on s'attendait à ce que M. Duchesneau commette une erreur de parcours, mais pas aussi rapidement. Ses déclarations et les corrections apportées par M. Legault ont été accueillies comme une véritable bénédiction au PLQ, dans le contexte où la CAQ prenait chaque jour plus de place dans la campagne.

Après avoir refusé de répondre aux questions sur Jacques Duchesneau dimanche, Pauline Marois a soudainement pris plaisir à commenter ses déclarations. «Ça ne fait pas très sérieux, ce qui se passe actuellement [à la CAQ]. Ça fait assez improvisé... C'est le premier ministre qui nomme les ministres. C'est sa prérogative, parce que c'est lui qui a l'autorité sur ses ministres», a-t-elle affirmé.

M. Duchesneau essayait hier soir de prendre cette rude leçon de politique avec philosophie. «Mes adversaires vont m'attaquer, je m'attends à ça, dit-il. Ils commencent à chercher des bibittes et ils vont essayer de savoir si j'avais de l'acné à 14 ans...»

Mais M. Legault ne s'est pas fait prier pour donner la réplique au premier ministre sortant. «J'aime mieux consulter Jacques Duchesneau que consulter Franco Fava [entrepreneur et important collecteur de fonds du Parti libéral], comme M. Charest le fait», a-t-il dit.

Un «super ministre»

Jacques Duchesneau est appelé à jouer un rôle central dans un éventuel gouvernement caquiste. Il sera vice-premier ministre et, à ce titre, il dirigera un comité interministériel responsable de superviser la lutte à la corruption dans quatre ministères, soit les Transports, les Affaires municipales, la Sécurité publique et les Ressources naturelles.

Jacques Duchesneau affirme n'avoir exigé aucun titre, poste ou pouvoir, et que c'est François Legault qui lui a proposé de devenir vice-premier ministre responsable de la lutte à la corruption.

Il rappelle par ailleurs qu'il ne voulait pas faire de politique, mais que M. Legault l'a convaincu, contrairement au PQ, qui avait pris contact avec lui le printemps dernier, avant sa comparution devant la commission Charbonneau. «Le PQ est un ancien parti, avec un passé, avec des individus, alors que la CAQ est un nouveau parti avec un nouveau leader, explique le candidat vedette. Les deux anciens partis n'ont pas la volonté de changer le système.»