Pauline Marois a écrit mardi soir la page d'histoire dont elle rêvait depuis longtemps: elle est devenue la première femme élue à la tête du gouvernement du Québec. Or, ce nouveau chapitre s'annonce mouvementé. Les Québécois ont confié à la chef péquiste ce qu'elle redoutait grandement, un mandat minoritaire.

La première ministre élue n'a pu prononcer qu'une partie de son discours de victoire. Des gardes du corps ont surgi sur scène pour la mettre à l'abri. Un incident était survenu à l'extérieur du Métropolis de Montréal. Le rassemblement péquiste a pris fin dans le désordre et la confusion.

«Un nouvel épisode s'ouvre et, pour la première fois, le Québec sera dirigé par une femme», avait lancé une Pauline Marois émue, quelques instants plus tôt, alors que plus d'un millier de militants péquistes l'acclamaient. «Les Québécois ont fait leur choix, et nous allons le respecter en gouvernant avec tous les élus», a-t-elle ajouté. Elle s'est donné comme objectif de trouver les «compromis nécessaires» pour gouverner dans un contexte minoritaire. Elle s'est adressée aux anglophones dans leur langue: «Ne vous inquiétez pas. Vos droits seront pleinement respectés.»

Elle avait aussi un message pour le reste du Canada: «En tant que nation, nous voulons prendre nous-même les décisions qui nous concernent.» «On veut un pays!», ont aussitôt scandé les militants. «Et nous l'aurons», a répondu la nouvelle première ministre.

L'annonce de l'élection du PQ, à 20h51 sur les ondes de TVA, a provoqué un tonnerre d'applaudissements au Métropolis. Mais une douche froide s'est abattue sur les militants un peu plus d'une demi-heure plus tard, lorsqu'on a confirmé que le PQ remportait une minorité de circonscriptions. Mais une nouvelle les a ensuite fait jubiler en fin de soirée: la défaite de Jean Charest contre Serge Cardin dans Sherbrooke. «Nah nah nah nah, hey hey hey, good bye!» ont-ils chanté en choeur. Il y a eu aussi le classique du «printemps érable»: «Charest, dehors, on va te trouver une job dans le Nord!»

Au moment de mettre en ligne, les Québécois avaient envoyé 55 députés péquistes à l'Assemblée nationale, dont Léo Bureau-Blouin et d'autres candidats vedettes comme Jean-François Lisée, Diane De Courcy et Pierre Duchesne. Il faut 63 députés pour former un gouvernement majoritaire. Pauline Marois ne peut même pas compter sur une éventuelle alliance avec les deux élus de Québec solidaire pour faire passer ses décisions en Chambre.

Son siège de première ministre est donc inconfortable. Un mandat majoritaire était pour elle une condition essentielle pour réaliser ses engagements, qu'il s'agisse de renforcer la Charte de la langue française ou encore d'abroger la loi 12 (projet de loi 78) et d'annuler la hausse des droits de scolarité. Pauline Marois disait même qu'un mandat minoritaire ferait à coup sûr reculer le projet de souveraineté.

Le verdict populaire laisse présager bien des remous au sein du PQ. Son rapport de force avec le gouvernement fédéral est également affaibli. Il lui sera difficile de mettre en branle sa «gouvernance souverainiste», qui vise à rapatrier des pouvoirs d'Ottawa en attendant un référendum sur la souveraineté, qui paraît bien lointain.

Le PQ a balayé plusieurs régions: le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Gaspésie, la Côte-Nord et l'Abitibi-Témiscamingue. Il n'a fait aucun gain à Québec, où Pauline Marois et Agnès Maltais ont tout simplement conservé leur bastion. Un joueur de premier trio, Nicolas Girard, a mordu la poussière contre Françoise David dans Gouin. Toujours à Montréal, le vétéran libéral Henri-François Gautrin a défait le péquiste Thierry St-Cyr par 524 votes.

Les militants ont explosé de joie en apprenant la défaite de l'ex-péquiste devenu caquiste François Rebello, dans Sanguinet. Un autre transfuge, Daniel Ratthé, a toutefois battu dans Blainville le candidat vedette du PQ Bernard Généreux, président de la Fédération des municipalités du Québec. Le député sortant de Terrebonne, Mathieu Traversy, a envoyé au tapis le Dr Gaétan Barrette, de la CAQ.

Le PQ a disputé de chaudes luttes dans des circonscriptions libérales comme Saint-François, Papineau et Trois-Rivières, où se présentait Djemila Benhabib. Les députés sortants Étienne-Alexis Boucher et Yves-François Blanchet étaient en difficulté.