Malgré un marathon électoral d'une trentaine de jours, plusieurs enjeux touchant les Québécois ont été relégués au second rang. Regard sur cinq questions importantes qui ont été peu (ou pas) abordées durant la campagne.

1. Mourir dans la dignité

Doit-on permettre une aide médicale à mourir à un patient en fin de vie qui le demande et dont la souffrance est trop importante? Après deux ans de commission parlementaire, les élus des quatre principaux partis ont dit oui d'un commun accord. Avant de déclencher des élections, le gouvernement Charest a commandé un deuxième rapport sur les implications juridiques de la question, qui n'a pas été abordée au cours du dernier mois. «Je n'en suis pas déçu du tout, dit le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins. Ce sujet doit être abordé avec sérieux et sérénité. Les conditions ne sont donc pas propices en campagne électorale! Nous avons eu l'avantage d'une commission non partisane. C'est unique au monde. Ça me permet d'avoir de l'espoir. C'est un sujet incontournable qui va revenir, et je préfère que ce soit dans le même esprit non partisan.»

PLQ, PQ, CAQ: en faveur d'une aide médicale à mourir pour les patients consentants dont les souffrances sont trop grandes pour être soulagées par les soins palliatifs (conclusion du rapport de la commission parlementaire Mourir dans la dignité).

2. Lutte CONTRE la pauvreté

Des «discours de millions», Brunilda Reyes est tannée d'en entendre en campagne électorale. «Il faut des idées nouvelles pour lutter contre la pauvreté, pas des discours de millions et de statistiques», dit la directrice des Fourchettes de l'espoir, un organisme communautaire de Montréal-Nord qui offre des repas et des programmes de réinsertion sociale. Entre «l'idéalisme pas réalisable» de Québec solidaire, la «volonté de tout changer» de la CAQ et les «discours de millions» du PQ et du PLQ, Brunilda Reyes a été déçue des programmes des partis pour lutter contre la pauvreté. Elle aurait aimé entendre des idées nouvelles, comme offrir un salaire d'un an à un décrocheur pour qu'il raccroche.

PLQ: insertion en emploi pour prestataires d'aide sociale de 18 à 21 ans aptes au travail. Aide financière de 100$ par enfant pour l'achat d'articles scolaires.

PQ: hausse du salaire minimum avec un mécanisme d'indexation à l'inflation. Construction de 15 000 logements sociaux supplémentaires.

CAQ: investissements importants en éducation dans les milieux défavorisés «pour combattre les inégalités sociales», dit la candidate Dominique Anglade.

3.Déficit des caisses de retraite des employés de l'État

C'est «l'éléphant dans la pièce» pour les institutions publiques, qui n'ont pas l'argent pour renflouer leurs régimes de retraite. Le déficit actuariel de ceux des employés municipaux a augmenté de 55% ("1,7 milliard) en un an, passant à 4,8 milliards à la fin de l'année 2011. Pourtant, aucune intervention des partis en campagne électorale, sauf celui de François Legault qui ne veut pas attendre les recommandations du comité d'experts mandaté par Québec. «Ce sont des experts, on devrait se donner la peine de les écouter, dit Michel St-Germain, actuaire et spécialiste des régimes de retraite chez la firme Mercer. Au moins, les trois partis reconnaissent le problème, veulent s'y attaquer mais ne disent pas comment.» Les solutions ne sont pas compliquées ni populaires: hausser les cotisations, ajuster à la baisse les prestations (surtout les retraites anticipées) et espérer une hausse des taux d'intérêt. «Les élections ne sont pas un forum pour régler un problème aussi technique», dit M. St-Germain.

PLQ et PQ: attendre les recommandations du comité dirigé par l'ex-président du Mouvement Desjardins, Alban D'Amours.

CAQ: François Legault veut «s'asseoir rapidement avec les syndicats», n'excluant pas de donner aux villes un droit de lock-out pour forcer les syndiqués à rouvrir leurs régimes de retraite.

4.Centrale nucléaire Gentilly-2

Ironie du sort ou non, la centrale nucléaire Gentilly-2 n'a pas produit beaucoup d'énergie - ni déplacé beaucoup d'air - durant la campagne électorale. «Elle est encore arrêtée à cause d'un bris. Elle est pratiquement dangereuse à exploiter», dit Christian Simard, directeur général de Nature Québec, organisme de protection de l'environnement militant pour la fermeture de Gentilly-2, seule centrale nucléaire active au Québec. Des trois partis, seul le PQ a arrêté sa décision: au pouvoir, il fermera Gentilly-2. Le PLQ et la CAQ veulent attendre les résultats de l'étude économique et environnementale d'Hydro-Québec, demandée à la suite des dépassements de coûts de réfection d'une centrale au Nouveau-Brunswick et de l'explosion nucléaire de Fukushima au Japon en mars 2011. La nouvelle étude doit être dévoilée cet automne. Quand le gouvernement Charest a décidé en 2008 de procéder à la réfection de Gentilly-2, les coûts avaient été estimés à 1,9 milliard. «On entend maintenant des chiffres entre 3 et 6 milliards pour la réfection, contre de 1 à 2 milliards pour la fermer, dit Christian Simard. Les dépassements de coûts sont dans l'ADN du nucléaire. On oublie que René Lévesque avait annulé Gentilly-3 parce qu'il disait s'être fait avoir par les estimations de coûts d'Hydro-Québec.»

PLQ et CAQ: attendre les résultats de l'étude d'Hydro-Québec.

PQ: fermeture de Gentilly-2. Programme de diversification économique pour la Mauricie. «C'est de l'énergie dont nous n'avons plus besoin, la rénovation va coûter une fortune et on va devoir fermer la centrale de toute façon dans 15 ou 20 ans», dit le candidat Bernard Drainville.

5. Environnement

Grand oublié de la campagne, l'environnement? Le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, préfère voir les choses du bon côté. «Tout peut être environnemental, dit-il. On a beaucoup parlé du dossier de l'amiante. Le dégel du bloc patrimonial d'électricité est une bonne décision sur le plan environnemental, tant qu'on dédommage les gens moins fortunés.» Dans son bilan de campagne, Nature Québec donne un échec au PLQ et à la CAQ, tandis que le PQ obtient la note de passage, principalement à cause de son enthousiasme pour les transports en commun. «Il y a 85% des budgets de transports qui vont aux routes, contre moins de 15% aux transports collectifs, dit Christian Simard. Présentement, on construit une nouvelle autoroute pour aller se perdre dans le trafic encore plus loin.»

PLQ: début des échanges de crédits à la Bourse du carbone en janvier 2013. Plan d'action de 2,7 milliards de dollars sur les changements climatiques financé par les échanges du marché du carbone.

PQ: miser sur les énergies vertes. Vouloir que les pouvoirs publics, notamment les municipalités, deviennent partenaires des projets éoliens.

CAQ: volonté d'une politique globale d'efficacité énergétique. «Les mesures actuelles sont trop éparpillées», dit la candidate Dominique Anglade.