Une première dans l'histoire politique québécoise: les chefs Pauline Marois (PQ) et François Legault (CAQ), qui aspirent tous deux à devenir premier ministre du Québec mardi prochain, ont accepté de rendre publique leur déclaration provinciale de revenus par l'entremise de La Presse. Le chef libéral Jean Charest a reçu la même proposition, mais il ne croit pas que les chefs de parti devraient rendre publique leur déclaration fiscale comme c'est le cas aux États-Unis pour les candidats à la présidence.

«J'ai déjà dit que si les autres rendaient publique leur déclaration de revenus, je le ferais. Je n'ai rien à cacher», a dit François Legault en entrevue éditoriale à La Presse.

«Personnellement, je n'ai aucun problème à rendre publique ma déclaration de revenus, a dit Pauline Marois, également en entrevue éditoriale à La Presse. Le Commissaire à l'éthique a déjà en main ma déclaration et celle de mon conjoint, ainsi que l'état de mes avoirs qui sont dans une fiducie sans droit de regard.»

Au cours de la dernière semaine de la campagne, La Presse a offert à chacun des chefs des trois partis pouvant former le prochain gouvernement lapossibilité de dévoiler sa déclaration de revenus. D'accord sur le principe, M. Legault et Mme Marois ont accepté de le faire à condition qu'un des deux autres principaux chefs de parti la dévoile simultanément.

En 2011, Mme Marois a payé 25 200$ d'impôt sur un revenu total de 156 231$ (son salaire comme chef de l'opposition officielle et une petite pension comme travailleuse sociale), soit un taux d'imposition provincial de 16,1%. M. Legault a payé 20 838$ d'impôt sur un revenu total de 165 318$ (essentiellement son régime de retraite comme député et ses revenus de placements), soit un taux d'imposition provincial de 12,6%. Les chefs n'ont pas fourni leur déclaration de revenus fédérale, qui aurait permis de calculer le taux d'imposition total. La Presse n'a constaté aucune irrégularité dans leurs déclarations de revenus. Les taux d'imposition provinciaux de Mme Marois et M. Legault sont des taux normaux pour des contribuables dans leur situation, en tenant compte des déductions et des crédits fiscaux.

M. Charest, pour sa part, est contre l'idée que les chefs de parti dévoilent publiquement leur déclaration de revenus. «Je fais déjà plus que ça en remettant de l'information qui dépasse ce que j'ai dans mon rapport d'impôt au Commissaire à l'éthique, a-t-il dit. Je suis satisfait du système que nous venons de mettre en place avec le Commissaire à l'éthique.»

De 1998 à 2010, en plus de son salaire de premier ministre d'environ 175 000$, Jean Charest a bénéficié, en tant que chef du Parti libéral du Québec, d'un salaire annuel d'appoint de 75 000$ dont l'existence n'a été révélée qu'en 2008. «Ça a été fait de bonne foi, rien ne l'interdisait, a-t-il dit en entrevue éditoriale à La Presse plus tôt cette semaine. Les pensées ont évolué et on a décidé de ne plus le faire.» Depuis 2011, les élus doivent déclarer au Commissaire à l'éthique tous leurs intérêts personnels et ceux de leur famille immédiate, en vertu d'une nouvelle loi sur l'éthique.

Une tradition américaine qui remonte à Nixon

Aux États-Unis, les candidats à l'investiture à la présidence rendent tous publique leur déclaration de revenus. Ils n'y sont pas obligés par la loi, mais cette tradition démocratique américaine remonterait à Richard Nixon. Tous les présidents américains depuis Nixon ont dévoilé publiquement leurs déclarations fiscales. En Grande-Bretagne, le maire de Londres, Boris Johnson, a dévoilé la sienne en campagne électorale plus tôt cette année. Le candidat républicain à la présidence des Etats-Unis Mitt Romney a fait l'objet d'une controverse cette année, car il a longtemps refusé de rendre publique sa déclaration de revenus durant les primaires. En janvier dernier, il a finalement accepté pour l'année 2010, avec un résumé de son rapport en 2011.

En août, le président Barack Obama a demandé à son adversaire Mitt Romney de dévoiler cinq ans de ses déclarations de revenus. Mais le débat américain n'a aucune influence sur la décision de M. Charest. «Si M. Obama se présente au Québec, on verra», a-t-il conclu à la blague.

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Pauline Marois

> Salaire de députée et chef de l'opposition officielle (ligne 101) 153 982$

> Régime de retraite comme travailleuse sociale (ligne 122) 2220$

> Intérêts et revenus de placement (ligne 130) 28,48$

> Revenu total (ligne 199) 156 231$

> Dons (ligne 393) 7165$

> Impôt et cotisations (ligne 450) 25 200$

> Taux d'imposition au Québec: 16,1%

François Legault

> Revenu d'emploi (jetons de présence à un conseil d'administration) (ligne 101) 9000$

> Régime de retraite comme député de l'Assemblée nationale (ligne 122) 36 744$

> Revenus de dividendes de sociétés canadiennes imposables (ligne 128) 53 553$

> Intérêts et revenus de placements (ligne 130) 2168$

> Autres revenus (paiement du régime de retraite de l'Assemblée nationale pour deux années précédentes) (ligne 154) 62 701$

> Revenu total (ligne 199) 165 318$

> Dons (ligne 393) 3649$

> Impôt et cotisations (ligne 450) 20 838$

> Taux d'imposition au Québec: 12,6%