Pour Pauline Marois, tout le parcours de François Legault est semé de trahisons. Avec ses associés, ses collègues, ses disciples même, l'ancien ministre péquiste n'a jamais hésité à renier ses engagements, à mettre de côté ses convictions.

Au bout d'une heure d'entretien avec la table éditoriale de La Presse, Pauline Marois se vide le coeur. Elle fait une tirade bien sentie sur cet adversaire qui, en constante montée, semble la condamner à une inconfortable minorité à l'Assemblée nationale. François Legault soutient qu'il faut une bonne dose de courage pour proposer le changement. «Je ne suis plus capable! François Legault, c'est: gros parleur, petit faiseux!», lance la chef péquiste.

Une question met le feu aux poudres. François Legault est prêt à dévoiler sa déclaration d'impôts «si ses adversaires en font autant». Elle éclate. «Il a toujours été aussi courageux! Il a renoncé à ses convictions. Cela faisait 25 ans qu'il écoeurait Bernard Landry, et nous tous, parce qu'il trouvait qu'on n'allait pas assez vite pour faire la souveraineté», commence Mme Marois.

Puis, arrive le flot des récriminations. «Il a lâché ses partenaires d'affaires sans les prévenir [à Air Transat], il m'a lâchée pour la course au leadership [en 2001], il a lâché ses militants qui voulaient qu'il aille comme chef de parti en 2005, rappelle-t-elle.

«Là, il a lâché la souveraineté et revient se présenter. Il nous dit que cela prend du courage, alors qu'il s'est lavé les mains du gouvernement Bouchard et du déficit zéro. Moi, j'en ai payé le prix lourd, j'avais le pire dossier, la santé, et cela m'a nui pour devenir chef.»

Elle parle de la période pendant laquelle Legault a été critique en matière de finances, entre 2007 et 2009. «J'ai fait confiance à ce gars-là, je lui ai donné des mandats importants sur les questions économiques. Il m'a lâchée quand est venu le temps de poser des questions à l'Assemblée nationale. Il n'est pas fiable», laisse-t-elle tomber, faisant écho aux propos du premier ministre Jean Charest tenus à l'encontre du chef caquiste lors de leur duel télévisé.

Après ce dernier coup de boutoir, elle rive le clou. «Lui qui se définissait comme un grand social-démocrate présente des choses qui n'ont pas de bon sens, des coupures pour financer 3,6 milliards de dépenses! François Legault, c'est un gros parleur et... un petit faiseux.»

Dans cette dernière semaine de la course électorale, Mme Marois se dit «très satisfaite» de sa campagne. Elle a fait une tournée bien terne selon les observateurs, toutefois. Elle se dit contente d'avoir respecté jusqu'au bout son plan de match - elle est aujourd'hui, comme prévu, en Abitibi, bien loin du champ de bataille du 450. Les sondages disent tous qu'elle est incapable de dépasser le plafond des 33% d'intentions de vote. Elle se console, car le vote péquiste est bien plus solide et l'accueil qu'elle reçoit partout, plus chaleureux qu'en 2008, selon elle.

Avec son message «parfois un peu brouillé», concède-t-elle, Mme Marois promet de «répondre aux besoins des Québécois. Les problèmes sont là, les personnes âgées n'ont pas de place, il n'y a pas de place dans les services de garde, les familles ont été écrasées par 6 milliards de hausses de taxes et de tarifs».

Il y a eu quelques «hiatus» durant la dernière semaine. Plus souvent qu'à son tour, Mme Marois a dû corriger le tir et préciser des déclarations. «Je dis la vérité. J'essaie d'être nuancée, les gens aiment ceux qui disent: c'est oui ou non. Mais parfois, c'est impossible, il faut écouter. Je suis capable de trancher, toutefois.»

Elle sonne l'alarme devant la possibilité d'un gouvernement minoritaire. Elle n'aurait pas les coudées franches, par exemple, pour abolir les hausses prévues des droits de scolarité, des dispositions prévues au budget libéral. Battu sur ces propositions, le gouvernement devrait replonger le Québec dans des élections. «Il y a un réel risque», soutient Mme Marois.

À une semaine du vote, elle sent le besoin de lancer le cri de ralliement à tous les souverainistes: les pressés comme les stratégiques doivent comprendre que «la seule façon de se remettre en route est de voter pour un parti qui a la capacité de le faire». «Je n'envoie qu'un seul message. Si vous croyez à la souveraineté du Québec, un seul parti peut le faire, ne divisons pas nos voix. Sinon on sait ce qui se passe par la suite. Les souverainistes doivent écouter leur raison, s'ils veulent qu'un jour le coeur puisse gagner», martèle la chef péquiste.

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La Presse reçoit cette semaine en rencontre éditoriale les chefs des trois principaux partis. Les rendez-vous ont été fixés selon les disponibilités de chacun des chefs, par leur organisation. Aujourd'hui, nous vous présentons les entretiens avec François Legault et Pauline Marois. Vendredi, ce sera le tour de Jean Charest.