Un face-à-face intense où, visiblement, les deux adversaires sont restés sur leur faim, incapables d'asséner le coup fatal. Le duel Charest-Legault a montré deux politiciens qui n'ont aucune estime l'un pour l'autre.

C'était mardi, au deuxième des trois affrontements présentés par TVA, le troisième en autant de jours pour Jean Charest. Moins agressif, moins tonique que la veille, le chef libéral s'est souvent trouvé enseveli par le flot des arguments de son adversaire. Maintes fois, il a dû insister pour qu'on lui donne la parole afin de répliquer au chef de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Quant à François Legault, il a fait des démonstrations parfois laborieuses. Assurément plus nerveux, le chef de la CAQ a tout de même pu, bien mieux que Jean Charest, expliquer les propositions de son parti aux électeurs. Jean Charest, comme prévu, a maintes fois qualifié son adversaire de «pas fiable», mais ce dernier, tout à coup, a pu retourner l'attaque vers le premier ministre en cachant difficilement sa satisfaction. «M. Charest parle de fiabilité, mais en 2003, il promettait 5 milliards de moins d'impôts, promettait d'éliminer l'attente en urgence, il disait qu'il n'y aurait pas d'enquête sur la construction... Le champion de la non-fiabilité, c'est vous!», a lancé le chef caquiste. Accusé de s'être opposé aux baisses d'impôt quand il était dans l'opposition, Legault a précisé qu'il était favorable à une baisse pour la classe moyenne, tout en augmentant le fardeau pour les plus riches - «vos amis», a-t-il lancé à son adversaire.

Attaques croisées

Il n'y avait certainement pas d'amour perdu entre les deux hommes. Charest a traité Legault de «buté» et l'a accusé de voir des complots partout, jusque dans la santé. M. Legault l'a taxé de négligence et l'a accusé d'être responsable des piètres résultats du Québec en économie, en santé et en éducation. «Vous dites n'importe quoi!», a répliqué François Legault à Jean Charest, qui l'avait accusé d'être «méprisant» à l'endroit des Québécois dans «ses réponses pratiquées». M. Charest a aussi raillé M. Legault, qui s'était présenté comme le leader de la droite, «avec 4 milliards de dépenses» supplémentaires.

Un moment fort: quand M. Legault a accusé M. Charest d'avoir laissé filer les sièges sociaux de Montréal, alors que d'autres gouvernements avaient eu le courage de s'opposer à des transactions controversées. La réplique a été cinglante: François Legault faisait partie du gouvernement Bouchard quand, à la fin de 1998, la Caisse de dépôt a autorisé la vente de Provigo à l'ontarienne Loblaw.

Après avoir d'abord dit qu'il ne faisait pas partie du gouvernement à l'époque, M. Legault a fini par dire qu'il était opposé à cette transaction. C'était une aubaine pour Jean Charest, qui a tiré à bout portant: un ministre doit démissionner quand il n'est pas d'accord avec le gouvernement, a insisté le chef libéral. «Je veux revenir sur Alcan», a répliqué M. Legault, à bout d'arguments, ce qui a déclenché un sourire entendu de Jean Charest.

Après l'échange, M. Legault a expliqué qu'il avait exprimé son désaccord à Lucien Bouchard. «Mais je n'allais pas démissionner sur un siège social vendu, c'est ridicule.»

Sur l'intégrité, M. Legault a accusé Jean Charest d'avoir «été trop tolérant, négligent» en acceptant qu'une ministre comme Nathalie Normandeau reçoive des billets de spectacle coûteux d'un entrepreneur qui cherchait des contrats de son ministère. M. Charest a repoussé mollement l'attaque et expliqué avoir appris les faits après le départ de Mme Normandeau, qui s'était publiquement expliquée. Dans le cas de Tony Tomassi, il affirme avoir «agi dans l'heure qui suit». Il est «sorti du gouvernement et du caucus» dès que les problèmes de ses allocations de dépense ont apparu.

Cocktails de financement

Le financement de la campagne de Jacques Duchesneau à la mairie en 1998 est revenu à la surface. Des sources anonymes soutiennent que de l'argent a été balayé sous le tapis. «Vous appliquez deux standards», a lancé M. Charest à Legault, qui soutient que ces accusations ne sont pas fondées.

Les cocktails de financement sont aussi revenus sur la table: le libéral s'est moqué d'un parti qui demandait 100$ pour une entrée, mais 500$ pour avoir une chance d'échanger avec M. Legault. «Vous n'avez pas fait de cocktails de financement à 1000$, 3000$?», a répliqué François Legault.

Éducation et santé

Au sujet de l'éducation, François Legault a saisi prestement l'occasion d'expliquer le programme de son parti: des écoles ouvertes jusqu'à 17h, moins d'argent en administration et des professeurs mieux payés. Une seule fois, M. Charest a parlé d'éducation, pour faire la promotion de tableaux interactifs. «On a appris plus tard qu'un de ses anciens conseillers en vendait», a martelé le chef caquiste. Jean Charest avait accusé M. Legault d'avoir réduit les budgets pour les orthopédagogues et les psychologues scolaires. «Vous êtes pas fiable, vous avez fait le contraire de ce que vous dites», a martelé Jean Charest. «C'était Mme Marois, c'était le débat d'hier, je les ai tous réembauchés», a répondu Legault, incisif.

Sur la santé, on a assisté à un dialogue de sourds. Jean Charest insistait: il manque 1000 médecins omnipraticiens pour que tous les Québécois aient un médecin de famille. Selon M. Legault, il suffirait que les 8000 omnipraticiens actuels s'engagent à prendre 1000 patients - bien moins que ce qui se fait en Grande-Bretagne, par exemple. La spécialiste Johanne Castonguay est de cet avis dans une étude, a-t-il fait valoir.

Une «solution simpliste» pour Jean Charest. Quand les patients auront un médecin mais pas de rendez-vous, «vous leur direz d'aller lire le rapport de Mme Castonguay!», a-t-il lancé.