François Legault a lancé une promesse ambitieuse, samedi matin: rapatrier l'ensemble des pouvoirs fédéraux en matière d'environnement. Un engagement sur lequel le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a reculé, quelques minutes plus tard, en précisant qu'il ne le réaliserait pas au cours d'un premier mandat.

M. Legault faisait campagne à Laval et sur la couronne nord de Montréal, samedi, pour dévoiler six engagements en matière d'environnement. Parmi ceux-ci, le plus ambitieux est sans contredit celui qui touche les pouvoirs fédéraux.

Ottawa exerce plusieurs pouvoirs en matière de surveillance environnementale, notamment dans les domaines de l'eau, des espèces en voie de disparition, de la qualité de l'air, des pêches, etc. C'est aussi Environnement Canada qui calcule les émissions canadiennes de gaz à effet de serre. M. Legault souhaite que l'ensemble de ces responsabilités soit confié au Québec.

«Je pense que c'est pensable d'avoir un gouvernement au lieu de deux qui suivent l'environnement», a résumé M. Legault lors d'une conférence de presse en matinée.

Mais dans les minutes qui ont suivi, l'entourage de M. Legault a précisé que cette proposition est un «idéal». Un gouvernement caquiste ne chercherait pas à le réaliser au cours d'un premier mandat.

M. Legault a-t-il parlé un peu trop vite ? «J'ai parlé d'idéal», a-t-il répondu.

«Est-ce que c'est réaliste, à court terme, dans les prochains mois ou les prochaines années, d'aller négocier ça avec Ottawa, c'est là que la réponse est loin d'être claire», a-t-il ajouté.

Le chef de la CAQ a maintes fois reproché aux «vieux partis» d'entretenir de «vieilles chicanes» sur la question nationale. Lorsqu'on lui fait remarquer que le rapatriement de pouvoirs fédéraux risque de plonger le pays dans des pourparlers constitutionnels, M. Legault affirme qu'il ne cherche pas la confrontation avec Ottawa.

«Nous, quand on demande de récupérer les évaluations environnementales, on le fait de bonne foi, dans un secteur où on croit que, de façon raisonnable, le gouvernement fédéral a une ouverture, a-t-il dit. Donc notre objectif, contrairement à Mme Marois, n'est pas de se faire dire non. C'est de trouver un compromis et de le réaliser.»

En revanche, M. Legault s'engage à créer dès un premier mandat une agence unique d'évaluation environnementale chargée de se pencher sur l'ensemble des projets industriels au Québec. Cette responsabilité est actuellement partagée entre des organismes fédéraux comme l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et provinciaux comme le Bureau desaudiences publiques sur l'environnement.

Un gouvernement caquiste entamerait des négociations avec Ottawa pour être compensé pour cette nouvelle responsabilité. François Legault se dit confiant de pouvoir négocier une telle entente avec le gouvernement Harper qui, à ses yeux, «ne démontre pas un grand enthousiasme pour l'environnement».

Le porte-parole du premier ministre Stephen Harper, Carl Vallée, s'est gardé de commenter les promesses du chef caquiste.

«Les Québécois feront leur choix le 4 septembre et nous n'avons pas l'intention d'intervenir dans la campagne», a-t-il simplement indiqué.

Amiante

Parmi les autres mesures annoncées par M. Legault, on compte une interdiction formelle d'exporter de l'amiante, une proposition qui risque de compromettre la relance de la Mine Jeffrey, à Asbestos. Le gouvernement libéral a annoncé un prêt de 58 millions pour financer ce projet, dont la grande majorité de la production est destinée à l'Asie.

«On va respecter le prêt, mais on va interdire l'exportation, a expliqué M. Legault. Effectivement, ça risque de causer un problème à l'entreprise. On va trouver une manière de le gérer.»

Gaz de schiste

Un gouvernement caquiste resserrerait le moratoire sur la production et l'exploration du gaz de schiste. On compte actuellement une vingtaine de forages exploratoires. Ce nombre serait réduit à un ou deux projets pilotes. Et encore, cette pratique serait encadrée de manière très stricte par les autorités provinciales.

M. Legault souhaite aussi confier à l'Agence de l'efficacité énergétique l'administration des nombreux programmes touchant ce domaine, des programmes qui sont actuellement gérés par différents ministères

Un gouvernement caquiste adopterait des mesures pour que les propriétaires qui souhaitent rendre leur maison plus verte puissent obtenir des prêts, a promis M. Legault. Il ordonnerait également à Hydro-Québec d'acheter davantage d'électricité provenant de producteurs d'énergie renouvelable, par exemple des dépotoirs qui sont dotés de petites centrales carburant aux gaz d'échappement.

«Aucun sens», dit Charest

Le recul de M. Legault sur le rapatriement des pouvoirs en environnement n'est pas passé inaperçu chez ses adversaires. Pour le chef libéral Jean Charest, «M. Legault change d'idée comme il change de chemise, et les exemples pleuvent».

« Juste sur l'amiante, il a réussi à changer d'idée en l'espace de 24 heures, dans le milieu d'une campagne électorale. Ce n'est pas rien», a-t-il affirmé.

Les engagements en environnement de son adversaire n'ont à ses yeux « aucun sens ».

«De toute évidence, il ne comprend rien à comment on gère le dossier de l'environnement, tant du côté du gouvernement du Québec que du côté du gouvernement fédéral», a-t-il raillé.

Le PQ d'accord



Le PQ est d'accord avec le rapatriement des pouvoirs en matière d'environnement. Il souhaite lui aussi que toutes les évaluations environnementales concernant le Québec relèvent du gouvernement provincial.

Mais sa chef Pauline Marois s'est néanmoins moquée de l'annonce de la CAQ. «  J'ai compris que (M. Legault) voulait les rapatrier seulement dans le deuxième mandat... Il y a pas mal d'amateurisme de leur côté. Chaque nouvelle qui apparaît soulève des questions. Je crois qu'il veut confier des responsabilités à l'Agence de l'efficacité énergétique. Sauf  que ce qu'il a peut être oublié, c'est qu'elle n'existe plus.»

Avec Tommy Chouinard et Paul Journet