Jean Charest n'a pas l'intention pour le moment de déposer une plainte à l'ombudsman de Radio-Canada ou d'envoyer une mise en demeure à la société d'État au lendemain de la diffusion d'un reportage sur l'abandon soudain d'une filature policière en 2009.

« Je n'ai rien exclu, mais je ne suis pas là-dedans », a-t-il affirmé en conférence de presse, à Québec, jeudi. « J'ai une campagne à faire, et c'est là-dessus que je vais mettre toutes mes énergies d'ici au 4 septembre prochain. Je ne veux pas être distrait dans ma campagne. »

Il a profité de la plupart des questions sur le sujet pour décocher des flèches vers Radio-Canada.

« Ce matin, j'ai la conscience en paix, et je ne pense pas que ce soit la même chose à la Société Radio-Canada », a-t-il dit.

À demi-mot, il a accusé Radio-Canada d'avoir diffusé ce reportage pour nuire à sa campagne délibérément. « Le timing est choisi. C'est Radio-Canada qui prend ses décisions sur le timing des reportages, et on est en campagne », a-t-il répondu aux journalistes.

Mais questionné pour savoir si des personnes influentes sont en train de le larguer et lui préfèrent François Legault, il a associé cette affirmation aux « grandes théories du complot », sans fondement.

Il a nié une fois de plus être intervenu pour que la Sûreté du Québec cesse sa filature d'un ancien dirigeant de la FTQ-Construction, Eddy Brandone, un militant libéral que le premier ministre connaît depuis 20 ans. L'abandon de la filature est survenu quelques instants après que M. Brandone eut rencontré M. Charest le 6 mars 2009. « Je ne suis jamais informé des enquêtes et je n'interviens jamais dans les enquêtes. La police a une indépendance dans son travail, et ça va rester comme ça », a plaidé M. Charest. Il a noté qu'une source policière citée par La Presse assure que l'abandon de la filature n'a rien à voir avec sa rencontre avec M. Brandone dans un hôtel de Dorval.

Questionné pour savoir s'il est inquiétant qu'un homme qui aurait des liens avec le monde interlope soit capable de rencontrer le premier ministre aussi aisément, Jean Charest a répondu que « les gens sont capables de faire la part des choses ». « On rencontre des milliers de personnes. On est exposé comme ça tous les jours », a-t-il dit. Il a rappelé que Robert Bourassa s'était déjà fait photographier aux côtés de Maurice Mom Boucher. « Est-ce que quelqu'un aujourd'hui pense que Robert Bourassa a accepté de se faire prendre en photo avec quelqu'un qu'il savait être un leader d'un groupe de motards criminalités ? Bien non, parce que les gens font la part des choses et savent que dans vie publique, le mot « publique » a un sens: on est exposé », a-t-il expliqué.

Il a confirmé que « ça peut arriver » que son entourage - et « rarement » la SQ - le mette en garde contre des personnes qu'il pourrait croiser dans un lieu. « On fait attention. On essaie de se prémunir », a-t-il affirmé. Il nie qu'il y ait eu du laxisme de la part de son entourage en 2009. C'est plutôt Radio-Canada qui fait preuve de laxisme, a-t-il tonné.

Questionné pour savoir si le reportage de Radio-Canada témoigne d'une frustration chez les policiers quant aux suites données à leurs enquêtes, M. Charest a esquivé la question : « Il faut poser les questions aux gens qui sont là ». « Le gouvernement n'est pas un bras opérant dans les enquêtes, ni pour les activer, ni pour les surveiller, ni pour en décider ou ni pour en être informé », a-t-il ajouté. Il a fait valoir que le gouvernement a « rempli ses responsabilités » et donné ressources financières, matérielles et humaines « importantes » aux policiers, avec la création de l'escouade Marteau puis de l'UPAC. « Est-ce que ça prend un certain temps pour chercher de la preuve ? On le sait que ça prend un certain temps », a-t-il noté.

Depuis le début de la campagne, les libéraux font valoir que trois ex-policiers se trouvent parmi leurs candidats - Robert Poëti, Guy Ouellette et Jean Rousselle. Il ne croit pas que ça soulève des questions quant au rapport entre le pouvoir politique et le pouvoir policier. « On a des gens de tous les milieux. Il n'y a pas de visée pour un groupe en particulier », a-t-il dit.

«Un scandale libéral», dit Marois

« Ça nous apparaît comme un scandale libéral. Comme on en a vu pas mal dernièrement, on peut se permettre de s'en inquiéter», a lancé Pauline Marois.

Mercredi soir, elle demandait à Jean Charest de s'expliquer. Est-elle satisfaite des réponses obtenues? « Je vais laisser les Québécois juger », a-t-elle répondu.

Elle a ensuite précisé « avoir encore des doutes ». La raison: «toutes les affirmations (passées) de M. Charest qui ne se sont pas avérées exactes », a-t-elle expliqué.

Elle n'a pas voulu commenter le travail des journalistes de Radio-Canada. « Je suis toujours très prudente, », a-t-elle justifié. Mais elle croit que si M. Charest les attaque, c'est parce qu'il a été poussé dans ses derniers retranchements. « C'est souvent quand quelqu'un se sent coincé qu'il remet la faute (sur les autres) », a-t-elle souligné.

- Avec Paul Journet