Jacques Duchesneau a fait son entrée dans la campagne électorale, dimanche, confirmant le secret le moins bien gardé au Québec. Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, l'a présenté comme le «Elliott Ness québécois» et promis d'en faire son vice-premier ministre s'il est élu.

«Il n'y a pas longtemps, j'ai dit que je n'allais jamais faire un retour en politique, a dit Jacques Duchesneau. Mais là, il y a une conjoncture particulière qui fait que je me joins, que je n'ai plus le goût d'être un gérant d'estrade.»

Si l'ex-chef de l'Unité permanente anticorruption se lance en politique, ce n'est rien de moins que pour «faire le ménage». Il se dit «indigné» par les scandales qui ont ébranlé les municipalités ces dernières années, par le «manque troublant de transparence d'Hydro-Québec», et par le «financement illégal» des partis politiques.

«La corruption, les intouchables, le silence des magouilleurs et des corrupteurs, c'est assez», a-t-il déclaré.  

François Legault martèle depuis le début de la campagne que la lutte à la corruption sera sa première priorité s'il est élu. Il a promis que sa «Loi 1» visera à restaurer l'intégrité dans l'administration publique. Cette candidature vient renforcer le message du chef caquiste.  

«Aujourd'hui, nous mettons un nom, un visage, à notre volonté de faire ce ménage», a déclaré M. Legault, visiblement satisfait d'avoir recruté cette candidature de prestige.  

Avant même d'être élu, M. Legault lui promet un rôle central dans un éventuel gouvernement caquiste. M. Duchesneau sera vice-premier ministre et il aura un rôle à jouer dans les secteurs des Transports, des Ressources naturelles, des Affaires municipales, de la Sécurité publique, de la réforme des institutions démocratiques et de l'accès à l'information.  

La confirmation de la candidature de M. Duchesneau survient deux jours après que La Presse eut révélé la démission de l'agent officiel de la CAQ, Marc Deschamps. M. Deschamps a été mis en cause dans le scandale du Faubourg Contrecoeur. Il est aussi l'agent officiel d'Union Montréal, le parti du maire Gérald Tremblay, qui a été sérieusement ébranlé lui aussi dans cette affaire.  

Jacques Duchesneau éprouvait un «malaise» à l'idée d'associer son nom à celui de M. Deschamps, a indiqué François Legault, confirmant le lien entre le départ de son agent officiel et l'arrivée de l'ex-policier.

Celui qui a déclaré devant la Commission Charbonneau que 70% du financement des partis politiques provient de l'«argent sale» assure qu'il a mené une enquête avant de rejoindre la formation. Deux avocats ont épluché les livres du parti. Tous les candidats ont rempli des formulaires de 30 pages, des enquêtes ont été menées et des candidats ont été refusés.

«On a fouillé, on est allés interroger des gens, a assuré M. Duchesneau. Aujourd'hui, je me présente devant vous satisfait des réponses qu'on a obtenues.»

M. Duchesneau a provoqué un séisme politique, l'an dernier, lorsqu'il a rédigé un rapport exposant les mécanismes de la corruption et de la collusion dans l'administration publique. C'est après la diffusion de ce rapport que le gouvernement libéral a accepté d'instituer une commission d'enquête pour aller au fond du problème.   

Dispensé de financement

Le financement de la CAQ a défrayé la chronique à plusieurs reprises, ces derniers mois. Le parti a été critiqué pour avoir imposé des cibles de financement à ses candidats, des cibles qui pouvaient atteindre jusqu'à 25 000$ dans des circonscriptions où ils étaient plus susceptibles d'être élus.

François Legault a dispensé son candidat vedette de cette obligation. Il s'agit d'une permission «exceptionnelle», qu'il lui a accordée en raison du rôle qu'il est appelé à jouer si la CAQ forme le gouvernement.

«J'ai tellement parlé de financement illégal de partis politiques que pour moi, oui, j'avais un blocage psychologique», a indiqué M. Duchesneau.

Plus tôt cette année, M. Duchesneau a fait un don de 1000$ à la CAQ, le maximum permis par la loi. Il souhaitait appuyer son ami Richard Blackburn, qui milite dans la circonscription de Bertrand. Dans le passé, il a également contribué aux caisses de l'ex-policier Guy Ouellet, du Parti libéral, et de Serge Ménard, ministre du Parti québécois.

Il souhaite cependant réformer de fond en comble la manière dont les partis politiques se financent. La CAQ propose de réduire de 1000$ à 100$ le maximum qu'une personne peut contribuer à un parti, et de plafonner les dépenses électorales à 4 millions au lieu des 11 millions actuels.

La loi 78 pas nécessaire

La CAQ a voté en faveur de la loi spéciale, adoptée par le gouvernement Charest pour forcer le retour en classe des étudiants en grève, ce printemps. Questionné à cet effet, M. Duchesneau a pris position contre la loi controversée.

«Comme ancien chef de police, je peux vous dire qu'on n'aurait pas eu besoin de la loi 78», a-t-il déclaré.

François Legault a revu sa position dans les jours qui ont précédé la campagne électorale. Il souhaite maintenant maintenir les dispositions de la loi spéciale qui imposent le retour en classe, mais supprimer celles qui restreignent le droit de manifester.