Jean-François Lisée courtise les électeurs caquistes et solidaires pour former une «coalition». Il veut transformer l'élection en un «référendum» contre le «cynisme de Jean Charest».

Après avoir acheté hier sa carte du PQ, le candidat vedette a lancé sa campagne ce matin devant 150 militants dans sa circonscription de Rosemont. La chef du Parti québécois Pauline Marois, le chef du Bloc Daniel Paillé, ainsi que son prédécesseur Gilles Duceppe, y assistaient.

Vendredi, M. Duceppe sortait le bâton pour attaquer Amir Khadir et Québec solidaire. Duceppe a qualifié le député solidaire «d'opportuniste», de «populiste» et de faux souverainiste qu'il ne respecte pas. M. Lisée a préféré la méthode douce ce matin. «Je n'ai pas l'intention d'alimenter cette polémique, mon objectif est différent. C'est le rassemblement», a-t-il commenté.

L'automne dernier, M. Lisée avait convaincu Pauline Marois d'agir à titre d'émissaire pour conclure une alliance électorale entre le PQ et Québec solidaire. La tentative avait échoué.

Contrairement à M. Duceppe, il ne semble pas douter de la foi souverainiste d'Amir Khadir. «Voici ce que je veux contribuer à faire: quand on aura un comité du Oui pour la souveraineté, Gilles Duceppe et Amir Khadir seront côte à côte», a-t-il annoncé.

M. Lisée accuse Jean Charest d'avoir déclenché les élections cet été pour réussir «son plus grand coup en carrière»: être réélu grâce à un faible taux de participation et un manque d'information quant à ce qui pourrait être révélé cet automne à la reprise des travaux de la commission Charbonneau.

Dans son discours, M. Lisée a essayé de convaincre les militants de Québec solidaire et de la Coalition avenir Québec de se rallier au PQ le 4 septembre pour vaincre ce «cynisme». Pourquoi une coalition autour de ce parti souverainiste? «Au nom de l'efficacité», répond-il. Le PQ est un «grand véhicule» avec «une remarquable capacité de renouvellement et d'attraction». Il a vanté des réalisations passées du parti.

Aux caquistes, il dit que le PQ veut «alléger l'état» tout en «améliorant les services». Et aux solidaires, il dit que le PQ défend la «justice sociale», veut faciliter l'accès au logement et abolir la taxe santé.

M. Lisée se réclame de la «gauche efficace». Pour mieux vendre sa coalition, il a soutenu que plusieurs propositions du PQ n'étaient «ni de gauche, ni de droite». «Elles sont pour le Québec», argue-t-il. Quelques exemples: le changement du régime de redevances minières, la «fin de la corruption» et la souveraineté.

Le défi de l'unité

Après avoir été conseiller des premiers ministres Parizeau et Bouchard, essayiste et blogueur, M. Lisée s'apprête à «changer de rôle» en intégrant une équipe.

Réussira-t-il à ne pas se prononcer sur tout? «Ça va être bien difficile», a-t-il admis en riant.

En plus de son blogue à L'Actualité, M. Lisée a publié plusieurs essais, dont Pour une gauche efficace ou Comment mettre la droite K.O. en 15 arguments. Il a, entre autres, proposé de moduler les frais de garderie en fonction de la capacité de payer. Et aussi de hausser les frais de scolarité, mais en différant le remboursement pour protéger l'accessibilité ().

«Aujourd'hui, je suis candidat d'un parti qui a un programme qui n'est pas mes billets ou mes propositions. Mais je me retrouve amplement dans le programme du PQ. C'est pourquoi je l'appuie et je le défendrai», a-t-il dit. Il a ajouté: «J'étais un joueur seul, maintenant je suis dans une équipe. Je sais ce que ça veut dire, je vais mener les débats à l'intérieur.»

M. Lisée s'était déjà fait demander d'évaluer, en pourcentage, les probabilités qu'il fasse le saut en politique dans cinq ans. Il avait répondu 0%.

M. Lisée est un «homme presque parfait» qui a «réponse à tout», a lancé la députée sortante, Louise Beaudoin, en le présentant.

Le candidat s'est réjoui de l'arrivée du vote libre au PQ. «C'est un élément important du renouvellement de la démocratie. Je vais l'utiliser, comme les autres collègues», a-t-il promis. Il a souligné que cet «assouplissement de la ligne du parti» a été rendu possible entre autres grâce à Mme Beaudoin.

La députée avait claqué la porte au PQ en juin 2011, ce qui avait déclenché une crise dans le parti. Elle a réintégré le PQ en avril. Elle semblait sereine ce matin de terminer sa carrière politique dans sa famille. Elle a reçu un hommage de sa chef, dont elle avait menacé le leadership l'hiver dernier.

Legault contre les «chicanes»

De passage à Québec, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a quant à lui fait une promesse en matière de culture avec l'intention explicite de courtiser le vote souverainiste. Il souhaite convaincre les électeurs qui sont favorables à l'indépendance de tourner le dos aux «chicanes» qui déchirent le mouvement. Il n'a pas manqué de relever la sortie virulente de Gilles Duceppe contre Amir Khadir, ainsi que la prise de position passée de M. Lisée en faveur d'une fusion du PQ et de Québec Solidaire. «Je pense qu'on le sait, Québec Solidaire est un parti très à gauche, la gauche traditionnelle, a-t-il dit. Est-ce que le Parti québécois veut fusionner avec Québec Solidaire? On va le voir aujourd'hui.»

Charest réagit

De passage à Montréal, Jean Charest a accusé Jean-François Lisée de «s'enfoncer dans le discours de la rue» que Pauline Marois «impose» à ses candidats.

Il a lu de nombreux extraits de Comment mettre la droite K-O, un livre tout récent signé Jean-François Lisée. Dans ce livre, M. Lisée affirme entre autres que les Québécois de la classe moyenne ont un niveau de vie supérieur à celui des Ontariens et des Américains. «Il parle ici du bilan de notre gouvernement. (...) C'est un livre intéressant et j'en recommande la lecture», a dit M. Charest, sourire en coin.

- Avec Martin Croteau et Tommy Chouinard