Malgré toutes les mesures des libéraux pour offrir les chirurgies d'un jour dans un délai maximal de six mois, la cible est loin d'être atteinte au Québec.

L'attente est demeurée inchangée, même s'il y a 30 000 personnes de moins que l'an dernier en attente. Et c'est largement à cause de la performance des hôpitaux de Montréal, où un patient sur trois attend au moins six mois avant de se faire opérer à la hanche, au genou, pour une chirurgie de la cataracte, ou pour toutes autres interventions ne nécessitant pas une hospitalisation. Dans l'ensemble du Québec, 2 personnes sur 10, soit 100 000 patients, sont constamment en attente depuis six mois ou plus, selon les dernières données du gouvernement qu'a pu consulter La Presse.

Blessée à l'épaule après une chute et un mauvais mouvement, Louise Bergeron est en arrêt de travail depuis près de deux ans. Elle a dépensé près de 10 000 dollars pour se faire opérer au privé, mais il y a eu des complications postopératoires. Quand La Presse l'a rencontrée, en février dernier, elle fondait beaucoup d'espoir sur un rendez-vous prévu à la fin août avec un chirurgien orthopédiste de l'Hôpital Notre-Dame, affilié au Centre hospitalier de l'Université de Montréal. Mais voilà; elle a reçu une lettre de l'hôpital lui indiquant que son rendez-vous avec le Dr Patrice Tétreault, qui pratique aussi à la clinique privée RocklandMd, était reporté au mois d'octobre.

«J'ai appelé sa secrétaire pour lui expliquer ma situation, la supplier, et lui dire qu'à la fin de janvier mes assurances ne me verseront plus de prestations. Depuis ma blessure, j'ai dû augmenter mes doses de morphine tant la douleur est forte, explique-t-elle. Je n'ai plus de vie. Finalement, je suis parvenue à voir le chirurgien, mais il m'a expliqué qu'il ne pouvait pas m'opérer avant la fin décembre, peut-être même au début de 2013, à moins d'une annulation.»

Le dossier de Mme Bergeron n'est pas tombé dans la «filière 13», et son histoire n'est pas un cas isolé. Très au fait des longs délais d'attente, la direction du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CHUM, a passé au peigne fin la liste des patients en attente d'une chirurgie d'un jour depuis deux ans. L'hôpital a de son côté poussé pour ouvrir davantage de salles d'opération, et maintenir des salles ouvertes durant l'été. Résultat: d'avril à juin dernier, 5784 opérations ont eu lieu comparativement à 4893, en 2011, pour la même période, ce qui représente une augmentation de 18,2%.

«Nous avons vérifié et contacté chaque patient pour savoir si la chirurgie était encore une nécessité, explique le Dr Paul Perrotte, président du CMDP. Le CHUM a donc libéré du temps opératoire en surplus pour permettre aux patients qui attendent une intervention depuis deux ou trois ans d'avoir accès à un chirurgien. Mais il faut comprendre qu'il y a un choix de priorités par le chirurgien selon la gravité de la maladie. Les cas en oncologie ont la priorité parce que les patients souffrent de maladies potentiellement mortelles. Il est en tout cas clair que si nos 28 salles d'opération étaient fonctionnelles, les listes d'attentes seraient presque épurées en moins d'un an.»

La faute au privé?

Malgré ces mesures, Mme Bergeron devra attendre. Le CHUM n'a pas commenté son cas en particulier. Mais la situation n'est pas unique à ce centre de santé universitaire.

Quelques semaines avant le déclenchement des élections, le Dr Yves Bolduc s'est rendu à la Cité de la santé de Laval afin d'annoncer que grâce à un réaménagement du bloc opératoire, les chirurgiens devraient être en mesure de procéder à 2500 interventions de plus par année (augmentation de 20%). Avec un volume de 2614 chirurgies l'an dernier, 15% des patients de ce seul hôpital à desservir le territoire lavallois attendaient depuis six mois. Il s'agit de la pire performance du Québec après la région de Montréal et les hôpitaux de l'Estrie. Un peu plus au nord de Montréal, à l'hôpital de Saint-Eustache, il faut attendre en moyenne 27 semaines pour se faire opérer au genou.

Interpellé sur la question l'hiver dernier, le Dr Yves Bolduc, qui sollicite un autre mandat en tant que ministre de la Santé, a dénoncé certains chirurgiens qui recommandent à leurs patients de se faire opérer dans leur clinique privée, prétextant que l'attente pourrait prendre des années au public. Du même souffle, il a quand même souligné que différentes mesures ont été mises en place par le gouvernement, notamment l'obligation d'offrir une opération avec un autre chirurgien quand les échéances sont trop éloignées, ou dans un autre établissement de la région, quitte à offrir la chirurgie à l'extérieur du territoire.

Jusqu'à maintenant, le Parti québécois et la Coalition avenir Québec n'ont pas dévoilé de façon précise comment ils entendent remédier aux longues listes d'attente en chirurgie. L'an dernier, 14 000 chirurgies de plus qu'en 2010 ont été pratiquées dans l'ensemble de la province, pour un délai moyen de deux mois (8,4 semaines). Avec une population vieillissante et dans un contexte de pénurie de personnel en soins, la pression est de plus en plus forte sur le réseau de la santé.



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Engagements des libéraux de 2007

Ramener les délais d'attente dans les urgences à 12 heures, et ce dès 2010. Cette cible, maintenue à ce jour par le ministre Yves Bolduc, n'a toujours pas été atteinte. Le temps moyen d'attente est de 21 heures.

Offrir dans un délai de six mois et moins les chirurgies à la hanche, au genou, de la cataracte, ou toute autre opération d'un jour ne nécessitant pas d'hospitalisation.

Créer 300 groupes de médecine familiale d'ici 2013. Il y en a actuellement 240.

Former plus de médecins de famille. Le Québec a assermenté un nombre record de 227 nouveaux médecins au printemps, dont 121 omnipraticiens.