La bataille pour conquérir l'électorat québécois est engagée, un duel sans merci cette fois puisque, parmi les leaders des trois principaux partis, les deux perdants risquent de disparaître rapidement de la vie publique. Quelles sont les forces et les faiblesses des candidats? Quels thèmes devraient-ils exploiter, quels pièges éviter? Portraits de politiciens en tenue de combat.

PAULINE MAROIS

Forces

La chef péquiste dégage une image d'empathie et de modération. Elle ne s'est jamais associée à l'aile la plus radicale de son parti. Les nombreuses crises traversées ont fait découvrir une tough, elle met maintenant à profit sa résilience. Après 18 mois de pouvoir, elle a su donner le coup de barre nécessaire pour que son gouvernement remonte la pente. Son profil «social» domine toujours, mais la série d'annonces d'investissements depuis l'automne lui confère plus d'assurance, plus de crédibilité en économie. Ses choix pour le Conseil des ministres se sont pour la plupart révélés avisés; les Nicolas Marceau, Bernard Drainville et Stéphane Bédard ont su faire leur place. Signe de leadership, elle n'a pas hésité à se défaire de Daniel Breton ou à remettre Martine Ouellet à sa place.

Faiblesses

Elle n'a pu se dégager totalement de l'image de «grande bourgeoise», châtelaine à L'Île-Bizard puis à Saint-Irénée, elle se déplace en hélicoptère comme un PDG de multinationale. L'écoute électronique de la commission Charbonneau, le «deal avec Blanchet» évoqué par Michel Arsenault de la FTQ alimentent les soupçons quant à l'influence de son mari, bien que son intégrité personnelle soit sans tache après 40 ans de vie publique. Elle n'a jamais été habile pour jongler avec les chiffres en point de presse. Elle a fait de solides débats contre Jean Charest et François Legault aux élections de 2012, elle n'a toujours pas l'instinct de «tueuse», mais elle est bien plus incisive que dans le passé.

Thèmes de prédilection

Pauline Marois avait fait de l'intégrité le thème de sa campagne 2012. Après des mois de commission Charbonneau, la formule a vécu. Pour contrer les libéraux, elle devra continuer dans la direction prise au cours des derniers mois, et proposer «la prospérité plutôt que l'austérité».

Pièges à éviter

La Charte des valeurs de laïcité a fait recette en région, exacerber ces sentiments pourrait déclencher des incidents disgracieux en campagne électorale. À utiliser à doses homéopathiques. Aussi ne pas se laisser entraîner dans un débat sur la démarche souverainiste, sur la stratégie d'affrontement avec Ottawa. Un premier geste est fait pour neutraliser cet enjeu, tout est repoussé à un «livre blanc» sur l'avenir du Québec. Pas un mot là-dessus d'ici là.

PHILIPPE COUILLARD

Forces

Personne ne met en doute la remarquable intelligence du neurochirurgien qui avait été admis à 17 ans en médecine à l'université. Il a une forte capacité d'analyse. Son image est rassurante pour les électeurs, un peu comme Lucien Bouchard, il correspond à l'image de bon père de famille, prudent dans ses décisions. Mais lui semble à l'abri des sautes d'humeur. Il s'exprime clairement, avec un vocabulaire précis, peut-être trop technique. Il n'a pas la tendance à la microgestion de son prédécesseur, Jean Charest.

Faiblesses

Orateur ordinaire, incapable de soulever une assistance; on s'attend à ce qu'un chef de parti soit un bien meilleur tribun. Trop théorique dans ses réponses. Quand on lui pose une question hypothétique, il répond! Il n'a pas le sens de la répartie d'un Jean Charest, le débat des chefs inquiète déjà son clan. Il n'a pas su transcender son image de ministre de la Santé pour mettre son habit de chef d'État. Il ne s'est pas distingué jusqu'ici par son flair politique en congédiant Mme Houda-Pepin et en refusant de cautionner à la dernière minute le projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Quand il est concentré, il fait abstraction des gens autour de lui. Il oublie souvent de regarder ses interlocuteurs dans les yeux. Il ne semble pas savoir que la politique n'est pas uniquement des idées, mais aussi, et peut être surtout, de l'émotion. Devra se rendre souvent dans sa circonscription de Roberval s'il veut être élu député. N'a pas suscité d'enthousiasme pour attirer des candidats.

Thèmes de prédilection

Couillard fera sien le thème habituel des chefs libéraux: le développement économique et la création d'emplois. Son leitmotiv: avec 24% de la population, le Québec ne génère que 20% de la richesse au pays et se paie des services publics au-delà de ses moyens. Il ne parlera guère de la position de son parti sur la Charte des valeurs, un choix plutôt impopulaire en région.

Pièges à éviter

Répondre aux questions hypothétiques, comme quand il a réfléchi à haute voix sur les prochaines années de budget déficitaire, une réponse qui l'a plongé dans l'embarras. Il doit s'appliquer à transmettre simplement des idées, même complexes. Il doit éviter de s'entourer de conseillers trop rassurants; il doit être constamment aiguillonné pour avoir plus d'émotion, mettre de côté son flegme qui ressemble à de l'indifférence. Les électeurs estiment ne pas connaître suffisamment Philippe Couillard.

FRANÇOIS LEGAULT

Forces

Son image d'homme d'affaires capable de gérer une entreprise est rare chez les politiciens québécois, une carte à mettre constamment de l'avant. Son intégrité n'a jamais été mise en cause. Il pensait mettre à profit la lassitude des électeurs envers les anciens partis. Son score aux élections de 2012 était surprenant, même s'il visait le pouvoir. Il est bien conseillé sur le plan stratégique et rend bien les formules-chocs qu'on lui propose.

Faiblesses

C'est un orateur ordinaire, ce qui donne l'impression qu'il ne peut sortir du cadre préétabli. Il manque de sens de la répartie. Dans ses interventions publiques, il a souvent l'air fâché, comme s'il n'était pas capable de cacher qu'il est contrarié. Il joue bien ses cartes sur le plan tactique, mais reste un meilleur tacticien que stratège, il ne semble pas prévoir à long terme. Il souffre d'un manque de constance. Sa priorité à l'éducation, puis le ménage de l'État, puis l'intégrité, puis la vallée du Saint-Laurent, rappelle un bouchon sur l'eau. Récemment, il a paru manquer de motivation et semble avoir baissé les bras, «j'aurai fait mon effort». Or il faut être convaincu pour convaincre. Il a dû gérer des départs importants: depuis 2012, la présidente du parti, Dominique Anglade, l'organisatrice en chef, Brigitte Legault, et récemment le candidat vedette, Jacques Duchesneau, ont quitté le navire.

Thèmes de prédilection

Officiellement, c'était l'éducation en 2012, mais Legault voulait avant tout être le vecteur du «changement». Devant un gouvernement qui n'est là que depuis 18 mois, il faut changer de formule; ses dernières interventions en Chambre portaient sur les liens entre Pauline Marois et le Fonds de solidarité de la FTQ, une stratégie qui risque d'avoir l'air désespérée en campagne électorale où les citoyens s'attendent à ce que les politiciens leur disent ce qu'ils feront pour eux. La CAQ va marteler ses promesses d'abolition de la taxe santé et de la taxe scolaire, le plan d'action conçu par le porte-parole en matière de finances, Christian Dubé.

Pièges à éviter

La Charte des valeurs, car sur cette question, la population est polarisée entre le PQ et le PLQ, il n'y a plus de place au centre. Ne pas perdre trop de temps avec les rapports entre le Fonds de solidarité et Pauline Marois, les partisans de la CAQ sont intéressés par les baisses d'impôt et plus de frugalité dans les dépenses publiques.

FRANÇOISE DAVID

Forces

Les convictions de Françoise David et son désintéressement ne pourront jamais être mis en doute. Son parcours de militante progressiste qui s'étend sur plusieurs années a toujours été cohérent.

Faiblesses

Les positions de Québec solidaire ont toujours été teintées de dogmatisme. Mme David ne fait plus face au gouvernement Charest, elle doit se démarquer de Pauline Marois, qui a comme elle une tendance sociale. Québec solidaire aura un défi de pertinence. La surprise passée, la débatteuse de la campagne de 2012 n'aura pas droit à un second billet de faveur des commentateurs. Françoise David a été absente du débat public pendant plusieurs mois.

Thèmes de prédilection

QS va frapper sur le Parti québécois qui a mis de côté ses convictions environnementalistes pour l'exploitation du pétrole à Anticosti et d'une énergie hydroélectrique qui ne trouvera pas preneur dans le Nord. On s'attaquera au choix de l'austérité dans les dépenses publiques, pour les services de santé surtout. QS proposera ses choix quant à la Charte de la laïcité en accusant le gouvernement Marois de démagogie.

Pièges à éviter

Ne pas se concentrer suffisamment sur les quelques circonscriptions montréalaises où Québec solidaire a des chances de l'emporter. Déjà, QS a promis une tournée provinciale comme les autres partis.