Les cycles de fécondation in vitro des mères porteuses seront-ils remboursés? Le gouvernement paiera-t-il aussi les traitements aux femmes qui se font implanter trois embryons d'un coup? Alors que Jean Charest et Mario Dumont se disputent la paternité de la promesse en procréation assistée, des experts du domaine se demandent plutôt ce que cela signifie pour les couples et les enfants à naître.

«Si moi, à 60 ans passés, il me venait l'envie d'essayer d'avoir un bébé, aurais-je droit à mes deux traitements remboursables?» ironise Abby Lippman, professeur de médecine à l'Université McGill.

Le docteur Lippman évoque ici le presque vide juridique qui entoure la procréation assistée, aussi bien au Québec qu'au Canada. Quant au Collège des médecins, il n'a toujours pas émis de balises, par exemple, sur le nombre d'embryons qu'il est éthique d'implanter chez une femme. «Les 35 millions promis incluent-ils les séjours aux soins intensifs des bébés?» demande le docteur Lippman.

Comme elle, le docteur Raymond Lambert - qui a contribué à la naissance du premier bébé-éprouvette au Québec - se préoccupe des problèmes de santé liés à la procréation assistée.

C'est que pour maximiser leurs taux de succès, dit-il, les médecins demeurent nombreux à implanter plus d'un embryon, donnant lieu à des grossesses multiples qui sont plus risquées. «Ce remboursement de frais de fertilité pourrait être un pas dans la bonne direction, mais il devrait être assorti de l'obligation de limiter le nombre d'embryons implantés (en une même fois)», dit-il.

Au surplus, ajoute-t-il, ce remboursement devrait être limité au seul traitement de la fertilité. Sinon, dit-il, on ouvre tout grand la porte aux femmes célibataires qui voudront un bébé, aux couples gais, aux parents qui voudront un deuxième bébé dont les cellules souches pourront sauver l'aîné qui est malade, et tutti quanti.

Pour sa part, le docteur Jacques Kadoch, médecin à la clinique de fertilité Ovo, évoque plutôt la nécessité pour les libéraux d'élargir leur promesse. Il considère qu'on devrait «remettre le compteur à zéro» et rembourser deux autres traitements aux femmes qui auront eu un premier bébé en clinique de fertilité et qui voudront répéter l'expérience.

Le docteur Kadoch explique qu'à sa clinique, jusqu'à 37 ans, on recommande le transfert de deux embryons ou moins. «On a entre 20 et 25% de jumeaux, ce qui est tout à fait correct dans la littérature (scientifique)», dit-il.

Le docteur Marc Villeneuve, directeur médical de Procréa Cliniques, trouve lui aussi «encourageante» la promesse libérale et assure que les médecins de sa clinique sont prudents. À la femme de 35 ans, dit-il, on recommande l'implantation «de deux embryons ou moins».

Quand les embryons sont congelés puis décongelés? Un maximum de trois, les risques de grossesse multiples étant alors moindres, explique-t-il, qu'avec des embryons tout frais.

Les règles se dictent au cas par cas, de clinique en clinique, ce qui désole le docteur Lippman. «Ce ne sont pas que des questions médicales. Le nombre d'embryons implantés comme les autres questions liées à la procréation assistée sont des questions sociales qui nécessitent un débat.»

Les médecins ne s'entendent pas entre eux, les patients non plus. D'un côté, les Julie Snyder, qui militent pour la gratuité de ces traitements. De l'autre, des femmes comme Josée - qui demande l'anonymat - pour qui tout cela n'a été que souffrance, même si ses traitements de fertilité subis à l'étranger lui étaient remboursés. Souffrance physique liée «aux doses massives d'hormones», souffrance morale de se faire suggérer d'éliminer des embryons si plus d'un embryon venait à survivre.

«Je me croyais à la SPCA ou quelque chose d'approchant. Vous imaginez? Après tant de souffrance morale pour tenter de fonder une famille, on nous demande de «choisir» un ou deux embryons...»

Pour la petite histoire, Josée a fini par adopter, et se demande aujourd'hui c'est quoi, l'idée, de ces deux traitements remboursés. «Une incitation à alimenter les cliniques de fertilité? Un jeu sur les émotions et les espoirs des couples infertiles? Je serais curieuse de connaître les statistiques sur les taux de réussite en deux tentatives.»